Chine : les importations de produits laitiers perturbées par les restrictions sanitaires
Le plus gros importateur mondial de produits laitiers fait de nouveau face au Covid-19 depuis mars. Conséquence : les importations chinoises diminuent.
Le plus gros importateur mondial de produits laitiers fait de nouveau face au Covid-19 depuis mars. Conséquence : les importations chinoises diminuent.
Plusieurs dizaines de grandes villes chinoises étaient encore confinées mi-mai, partiellement ou totalement, depuis deux mois. Les mesures de restriction sanitaire se renforçaient à Pékin (22 millions d'habitants). Shanghaï vivait sa sixième semaine de confinement total, soit 25 millions d'habitants ne pouvant sortir de chez eux, livrés en denrées alimentaires, « mais très peu de produits laitiers apparemment », soulignent Marion Cassagnou, de l'Institut de l'élevage, et Jean-Marc Chaumet, du Cniel. La restauration hors domicile et les commerces fermés empêchent la consommation de produits laitiers.
Les importations se heurtent à un mur au port de Shanghaï - le plus important du pays. « Le port est congestionné. De nombreux cargos attendent d'être déchargés. D'autres repartent pour décharger dans d'autres ports. Quand ils arrivent à décharger, la marchandise reste souvent sur place, car les camions transporteurs évitent Shanghaï à cause des restrictions sanitaires. Des marchandises ont sans doute été perdues », détaille Marion Cassagnou. S'ajoute un renforcement des mesures douanières sur les importations alimentaires (désinfection obligatoire depuis janvier 2022).
Les exportateurs réorientent vers d'autres pays
Tout cela fait que les importations chinoises de produits laitiers vont certainement plonger. « La Chine achète moins, et les exportateurs sont plus prudents », ajoute Marion Cassagnou. Ils vont préférer réduire les envois de produits à délais de consommation courts, et faire prendre l'avion aux produits à valeur ajoutée. « La Nouvelle-Zélande, gros exportateur très dépendant du marché chinois, a commencé à réorienter ses volumes vers d'autres pays : Taïwan, Asie du Sud-Est... Les volumes progressent, mais cela ne remplace pas la Chine. » Les Européens ont déjà leur marché intérieur à satisfaire et vivent un contexte de moindre offre laitière : « Ils sont moins sensibles à une réduction de leurs expéditions vers la Chine. »
C'est tout le commerce international qui est touché, car quand les containers sont immobilisés, ils ne sont plus disponibles pour d'autres trajets dans le monde. Mais la production atone des grands exportateurs mondiaux ne fait pas craindre de fort déséquilibre des marchés.
Les tendances de consommation restent les mêmes
« Les tendances de consommation de 2021 restaient les mêmes en 2022 avant l'arrivée du Covid-19. La consommation de fromage, beurre et crème est sur une bonne dynamique », rappelle Jean-Marc Chaumet.
Les importations de lactosérum devraient diminuer du fait de l'affaissement de la demande du secteur de l'alimentation animale et de la baisse de la natalité. « Les importations de lait infantile diminueront encore de ce fait. Mais aussi parce que la confiance des consommateurs pour les poudres locales est revenue. Et le gouvernement veut encourager l'allaitement maternel. »
Quid du pouvoir d'achat des Chinois ?
« Quand les confinements seront levés, les importations reprendront, mais sans doute moins fortement qu'en 2021, estime Marion Cassagnou. D'une part, il y aura des stocks : ceux de 2021 et ceux que font sans doute les transformateurs chinois qui ont aussi du mal à vendre des produits. D'autre part, la production laitière chinoise devrait rester en hausse. Enfin, quel impact auront les points de croissance que la Chine va perdre à cause de sa gestion "zéro Covid" ? Le pouvoir d'achat des chinois baissera t-il, avec des conséquences sur la consommation de certains produits laitiers ? »
Baisse des importations chinoises au premier trimestre
Sur les trois premiers mois 2022, les importations chinoises de presque tous les produits laitiers ont baissé par rapport au premier trimestre 2021.
C'est un tournant, après une année 2021 où les importations étaient en hausse pour tous les produits, sauf les poudres de laits infantiles. « Cette baisse indique que les entreprises chinoises avaient fait des stocks de poudres en 2021. Les prix élevés sur les marchés ont également joué », commente Marion Cassagnou, de l'Institut de l'élevage. A cela s'ajoute « une production laitière locale en hausse », souligne Jean-Marc Chaumet, du Cniel.
Une des raisons du recul en lait de consommation et pour les fromages est la chute des disponiblités néo-zélandaises, à cause de la baisse de leur collecte et d'un manque de main d'oeuvre. En poudre grasse, la demande s'est maintenue grâce notamment au secteur de la boulangerie pâtisserie. « La poudre de lait entier néo-zélandaise était moins cher que la poudre maigre combinée à la matière grasse (crème/beurre) », explique Marion Cassagnou.
Repères
Top 5
• Les cinq principaux fournisseurs de produits laitiers de la Chine sont la Nouvelle-Zélande (59% des achats chinois en valeur), les Pays-Bas (17%), l'Australie (9%), la France (8%) et l'Allemagne (7%).
• Les cinq produits laitiers les plus exportés de la France vers la Chine sont, en volume, la crème (44 200 t), le lait infantile (33 500 t), les poudres (33 000 t), le fromage (6 200 t) et le beurre (2 500 t).
Record de production laitière chinoise
Avec 36,8 millions de tonnes en 2021, la collecte chinoise a progressé de +7,2% par rapport à 2020. L'année 2022 s'annonce plus compliquée.
Ces dernières années, la forte hausse du prix du lait (environ +26% entre 2018 et 2021), a incité les investissements dans les élevages. « 200 projets de nouvelles fermes laitières ont été annoncés en 2020. Et les nouvelles fermes là-bas font autour de 2000 vaches », précise Jean-Marc Chaumet, du Cniel. « Des génisses ont été importées pour augmenter la taille des cheptels et les rendements par vache », ajoute Marion Cassagnou, de l'Institut de l'élevage. La collecte a donc grimpé à un niveau historique en 2021, soit 36,8 millions de tonnes (+7,2% /2020), qui était déjà en croissance de +7,5% par rapport à 2019.
Baisse de la marge en élevage
Cette croissance pourrait être freinée en 2022, à cause de la hausse du prix des matières premières, combinée à une baisse du prix du lait (- 4% entre août 2021 et mars 2022), qui passe sous son niveau de 2021 à partir de mars. « Les élevages sont en train de changer les rations - peut-être seront-elles moins concentrées. D'autre part, les fourrages sont de qualité décevante. Donc la production laitière devrait croître moins que l'an dernier. Enfin, les restrictions sanitaires doivent perturber aussi la collecte », estime Jean-Marc Chaumet.
Volonté politique de développer le lait local
A plus long terme, les Chinois veulent toujours développer leur filière laitière, pour améliorer leur autosuffisance. Le gouvernement veut aussi que la consommation par habitant (30 kg équivalent lait/hab./an en 2017) augmente pour se rapprocher des recommandations nutritionnelles (110 à 180 kél).