Bâtiments pour bovins : « Notre stabulation se rapproche du plein air »
La Ferme du trèfle, dans l’Ain, a monté un bâtiment novateur axé sur le bien-être animal. Pad cooling, toiture en Bartic, végétalisation intérieure, ventilation et absence totale de tracteur... Tout est pensé pour améliorer l’ambiance et limiter le stress thermique.
La Ferme du trèfle, dans l’Ain, a monté un bâtiment novateur axé sur le bien-être animal. Pad cooling, toiture en Bartic, végétalisation intérieure, ventilation et absence totale de tracteur... Tout est pensé pour améliorer l’ambiance et limiter le stress thermique.
Deux choses sont frappantes lorsque l’on pénètre dans la stabulation de la Ferme du trèfle, à Vandeins dans l'Ain : le calme et la lumière qui y règnent. Trois dômes ramènent une luminosité naturelle amplifiée par la présence de rideaux brise-vent présents sur les longs pans. L’absence de cornadis et de tracteur – le paillage, le raclage et l’alimentation étant entièrement automatisés – renforce la sérénité ambiante.
Pas de vaches laitières ici, mais des bovins croisés Angus-montbéliardes qui restent quatre mois en affinage (finition d'engraissement). « Cette stabulation constitue en quelque sorte une vitrine de l’innovation en matière de bâtiment bovin, avec moult idées transposables en élevage laitier », résume Camille Olier, responsable technique de la ferme.
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Fruit de sept années de réflexions, de visites et de recherches multipartenariales, « le bâtiment s’inspire des travaux de Temple Grandin, professeur en zootechnie et en sciences animales aux États-Unis, reconnue pour ses travaux sur le bien-être animal », précise-t-elle. Il concentre un ensemble d’équipements, vus en France ou à l’étranger, permettant d’améliorer le bien-être des bovins et de faciliter le travail des équipes au quotidien. Confort, végétalisation, traitement innovant de rafraîchissement de l'air en période chaude, robotisation de l'alimentation, automatisation du paillage, gestion des lisiers avec séparation de phase, séchage en grange avec énergie solaire… font l’originalité de ce projet novateur.
Respecter au maximum le comportement naturel des bovins
« Avec ce bâtiment, j’avais à cœur de démontrer que l’on fait bien les choses dans le respect de l’animal, de l’éleveur et du consommateur en tenant compte des attentes sociétales, dépeint Jérôme Curt, éleveur. Nous l’avons conçu pour respecter au maximum le comportement naturel des bovins et les placer en conditions optimales. » Et de poursuivre : « En tant qu’éleveurs, le bien-être animal est une évidence pour nous. Il y va de notre responsabilité, et nous savons bien qu’un animal produira d’autant mieux qu’il se sent bien. »
La stabulation, conforme au référentiel Boviwell doté d’indicateurs de mesure du bien-être animal, a accueilli ses premiers animaux fin 2023, après deux années de travaux. Nous vous la faisons découvrir en images.
Fiche élevage
La stabulation se compose de trois chapelles de 12 m de large, symétriques par le centre, dotées de trois dômes lumineux et d’un éclairage à leds basse consommation. Les pignons sont orientés nord/sud. Le couloir central où circulent les robots d’alimentation, se limite à 4 m de large.
Un système de refroidissement pad cooling est couplé à des brasseurs d’air horizontaux. L’air extérieur, capté au niveau de la toiture, passe à travers des mailles alvéolées où une lame d’eau ruisselante le refroidit. Il est ensuite envoyé vers un déflecteur, puis repris par un brasseur d’air. Situés sous le dôme lumineux (3,50 m de large) au faîtage de chaque chapelle, des brasseurs de 4 m de diamètre, de nouvelle génération (moteurs moins énergivores), disposent de pâles inclinées pour répartir l’air plus loin. Ils tournent à 110 tours/min maximum et contribuent à homogénéiser la température du bâtiment. « En hiver, ils assèchent la litière, et en été, nous devrions gagner 7 à 8 °C. » Coût du pad cooling : 115 000 €. Coût des brasseurs : 52 000 € pour 15 ventilateurs.
La toiture est en Bartic, un matériau recyclé isolant beaucoup moins rayonnant que la tôle ou le fibrociment. Une lame d’air est contenue dans une structure alvéolaire entre deux couches de Bartic. Cette lame d’air évite d’emmagasiner l’air chaud qui s’accumule sous le toit en maintenant un flux d’air continu grâce à des extrémités ouvertes qui assurent l’effet cheminée. « Nous avons déjà pu le ressentir l’été dernier, témoigne Jérôme Curt. Il y a une vraie rupture de pont thermique. On gagne 5 °C entre l’extérieur et l’intérieur. » Le Bartic (42-45 €/m2) double le coût d’une toiture classique, mais sa pose est rapide et il permet d’alléger la charpente.
Des rideaux brise-vent à double enroulement installés sur les longs pans sont pilotés par une station météo mesurant la température, l’hygrométrie et la vitesse du vent. « En hiver, nous faisons entrer l’air par le haut pour limiter le flux d'air frais sur les animaux, et l’été au contraire, nous ouvrons par le bas pour favoriser la sensation de fraîcheur à hauteur des bêtes et générer de l'ombre surtout à l'Ouest. » Les murs se limitent à 1 m de haut (pour la vue et la luminosité) avec deux bastaings de bois pour la sécurité.
L’intérieur du bâtiment est végétalisé avec des espèces autochtones (charmille, acacia, érable champêtre, aubépine…) et comestibles qui monteront jusqu’à 2,50 m à terme. Les arbustes sont protégés avec des treillis qui assurent aussi une fonction de grattage. Pas besoin de taille car les bovins mangeront ce qui dépasse et l’arrosage est piloté automatiquement. Ces arbustes auront aussi à terme un impact sur l'ambiance du bâtiment en le rafraîchissant de plusieurs degrés.
Chaque case dispose d’une jardinière centrale végétalisée en pleine terre (3 m x 1 m) qui crée un effet rond-point pour organiser la vie sociale. « Outre l’aspect bucolique, la volonté de végétaliser le bâtiment avec le massif au milieu des cases facilite la gestion de la hiérarchie du troupeau, une dominée disposant ainsi toujours d’une échappatoire. » D’autres jardinières assurent la séparation entre les cases, qui disposent toutes d’une brosse et d’un abreuvoir en béton dimensionné pour qu’il n’y ait pas d’attente. L’aire de vie compte 12 m2/animal.
Une haie d’arbres tout juste plantée le long des 96 m du bâtiment créera un ombrage en été. À terme, les tilleuls, chênes palutris, érables argentés atteindront une douzaine de mètres de hauteur.
Il n’y a pas de cornadis mais des tubulaires flexibles de 30 ° d’inclinaison qui accompagnent le mouvement naturel d’une vache qui pousse, sans lui bloquer les épaules. « Ainsi, pas de résistance et pas de bruit, apprécie Camille Olier. Avec 33 places à l’auge pour 16 animaux par case, il n’y a pas non plus de concurrence à l’auge. » Et autre avantage : la démultiplication des passages d’hommes !
Deux robots d’alimentation électriques circulent sur un seul et même rail central qui les alimente en continu. L’un distribue quand l’autre charge, un capteur assure l’aiguillage afin qu’ils ne se croisent pas. Le chargement du bol (200 kg) par le haut prend 10 à 15 minutes. Le foin séché en grange est stocké au-dessus et une vis alimente le robot en maïs épi. La distribution des rations est programmée case par case. Une fois revenu, le robot se positionne dans l’aire d’attente, et l’autre robot prend le relais de la distribution sur le couloir large de 4 m. Les robots assurent également la repousse.
Un système de paillage suspendu automatisé envoie de la paille hachée dépoussiérée par soufflerie. Le dépoussiérage limite les risques pulmonaires. Transportée par une chaîne à galets, elle glisse sur deux tobogans, au bout desquels des déflecteurs assurent sa répartition. Lors du paillage, les bovins sont bloqués sur le couloir raclé grâce à un rideau barrière, piloté par télécommande et s’enroulant vers le haut (1 500 €/barrière). En partie haute, il est fabriqué à partir de grilles à oiseaux, et en partie basse, c’est un filet brise-vent classique. « Nous faisons 30 % d’économie de paille en tenant les animaux à l’écart pendant le paillage et grâce au recours à de la paille hachée dépoussiérée. » Coût : 120 000 €.
Seuls 1 500 m2 de panneaux photovoltaïques (319 kW) constituent la toiture du bâtiment de séchage en grange (8 000 m3 de stockage répartis en quatre cellules, avec deux quais de déchargement et une griffe à double translation). Il n'y a ni fibrociment, ni bacs aciers. « La chaleur est récupérée sous la toiture, dans un caisson en plaque OSB. L’air chaud ainsi emprisonné est aspiré et insufflé par un ventilateur sous le foin, explique Camille Olier. Non seulement, ce dispositif permet de maîtriser le séchage du foin, mais en plus en captant l’air chaud directement sous les panneaux, la perte d’efficacité de ces derniers est limitée (amélioration de 10 à 15 % de production en périodes chaudes). » La majeure partie de l'électricité est autoconsommée, le surplus est revendu.
Avis d’expert : Tanguy Morel, spécialiste bâtiment à Idele
« Cette stabulation est un concentré d’innovations »
« Ce bâtiment d’affinage de bovins est tout à fait transposable en élevage laitier. Qu’il s’agisse de la conception, du choix des équipements et des matériaux, de la ventilation, ainsi que de la robotisation du paillage, du raclage, de la distribution de l’alimentation… : tout pourrait se retrouver dans une stabulation pour vaches laitières. Il faudrait simplement tabler sur une surface de couchage un peu plus importante. Nous y trouvons un cumul de nouvelles technologies. Le principal avantage tient à la limitation du stress thermique, grâce à un volume d’air adapté, des décalages de toiture, une ventilation avec un pilotage des rideaux brise-vent, une toiture avec un matériau isolant et antirayonnement et la végétalisation des abords. Le seul bémol est d’ordre économique. Ce projet constitue en quelque sorte une vitrine de l’innovation qui suppose un coût non négligeable. »