Affouragement en vert : « Nous améliorons la marge sur coût alimentaire de 1,30 €/vache laitière/jour en Loire-Atlantique »
En Loire-Atlantique, les associés du Gaec de la Courtais affouragent leurs hautes productrices en vert. Combiné au pâturage, le système leur permet de multiplier par deux la part d’herbe dans la ration, en traite robotisée.
En Loire-Atlantique, les associés du Gaec de la Courtais affouragent leurs hautes productrices en vert. Combiné au pâturage, le système leur permet de multiplier par deux la part d’herbe dans la ration, en traite robotisée.

Avant l’installation de Corentin Sureau, le nombre de vaches – 60, en traite robotisée – et la surface d’herbe pâturable – 18 hectares – étaient cohérents. En 2021, lorsque le jeune éleveur s’associe avec son père Didier, l’effectif du cheptel grimpe à 105 vaches. L’exploitation est alors un regroupement de trois sites et certains ilots d’herbe sont éloignés de plusieurs kilomètres de la stabulation.
Fiche élevage
Gaec de la Courtais
• 2 associés
• 105 prim’Holstein à 11 200 kg/VL
• 1 177 000 l de lait vendus
• 2 robots de traite
• 185 ha, dont 85 ha de prairies
Pour autant, les éleveurs gardent la volonté de garder 50 % à 60 % de part d’herbe dans la ration de leurs hautes productrices, afin de valoriser la ressource tout en limitant l’apport de maïs ensilage et de correcteur azoté. Ils décident alors de jouer la carte de la complémentarité en misant sur l'affouragement en vert et le pâturage. À partir de février-mars, le troupeau de laitières accède ainsi à 18 parcelles de 0,8 hectare, de jour comme de nuit. La porte de pâturage deux voies laisse le champ libre aux vaches pour accéder à une parcelle d’herbe fraîche après la distribution du maïs le matin à l’auge. L’affouragement en vert est distribué à 17 h. « Les vaches l’ont compris, elles rentrent toutes seules, décrivent-ils. Elles en raffolent. À 19 h, il n’y a plus rien à l’auge. »
Objectif : 34-35 kilos de lait par vache avec une marge optimisée
La ration est calculée pour une production quotidienne de 34 kilos de lait par vache. Dans « ration », il faut donc inclure trois sources d’alimentation : le maïs, l’affouragement et le pâturage. Au printemps, Didier et Corentin Sureau distribuent 6 kg MS de maïs ensilage et 3,5 kg de maïs épi pour apporter l’énergie. Le reste, c’est de l’herbe. Denis Denion, consultant nutrition robot chez Seenovia, ajuste la ration pour « fournir la couverture énergétique et azotée en fonction de la qualité de l’herbe affouragée et de celle pâturée ». Pour viser juste, il fait analyser l’herbe fauchée au printemps et s’appuie sur les valeurs alimentaires de toutes les catégories de fourrage : de l’ensilage de maïs et d’herbe à l’enrubannage, en passant par les minéraux et oligoéléments... tout est analysé !
L’objectif de la stratégie, au-delà de valoriser des parcelles improductives en cultures de vente, est de maîtriser les coûts alimentaires. La distribution de l’herbe fraîche au quotidien revient à 110 € la tonne de matière sèche en 2024. « Cela comprend l’amortissement de l’autochargeuse, son entretien, le tracteur, le coût de l’herbe sur pied hors main-d’œuvre », calcule Didier Sureau. Les éleveurs optimisent leur coût alimentaire en diminuant la quantité de correcteur azoté distribuée. Et ce, en apportant à l’auge l’herbe de la meilleure qualité possible. « En règle générale, les éleveurs passent six mois sans mettre de correcteur dans la mélangeuse. Le coût de l’affouragement est donc écrasé », traduit Denis Denion.
Côté éco
• Marges sur coût alimentaire : 10,31 €/vache traite/j en période d’affouragement ; 9 €/vache traite/j en moyenne janvier-novembre 2024
• Moyenne annuelle du groupe de 166 éleveurs, au robot, dans une tranche de production de 30 à 35 litres : 7,54 €/vache traite/j
• Coût de concentré : 81 €/1 000 l (entre janvier et novembre 2024), contre 97 €/1 000 l pour le groupe
180 jours d’affouragement par an
Pour apporter la meilleure herbe possible, il faut ajuster le stade et le mode de récolte. En affouragement, « nous coupons la luzerne avant que la tige soit craquante et le ray-grass avant la montée en épi pour maximiser la valeur alimentaire et l’ingestion, détaille Didier Sureau. Nous assurons en même temps une repousse rapide de la prairie. Nous estimons un gain de 15 à 20 % de rendement d’herbe par rapport à une parcelle pâturée ». Au printemps, les éleveurs décident de commencer une nouvelle coupe lorsque 15 cm sont mesurés à l’herbomètre et laissent 7 cm sur pied. Didier Sureau calcule : « pour 100 vaches à 5 kilos de matière sèche, nous fauchons 25 ares par jour. Ensuite, les coupes sont adaptées en fonction de la pousse, qui peut atteindre en mai jusqu’à 70-100 kilos de matière sèche par jour ».
Didier et Corentin Sureau ne s’interdisent pas non plus de récolter l’herbe fraîche dans les paddocks destinés au pâturage : si l’herbomètre indique plus de 13 cm, l’affouragement permet de « remettre la parcelle d’herbe à zéro » et « d’éviter le gaspillage ». Denis Denion corrobore : « c’est plus facile d’aller dans une parcelle avec un tracteur que de mettre 100 vaches à pâturer lors de périodes pluvieuses ».
Savoir changer de champ ou de mode de récolte
L'année 2024 a été compliquée à gérer avec une pluviométrie extrême, qui a pénalisé la qualité de l’herbe. « Nous nous sommes fait déborder par la luzerne, nous en avons donc enrubanné cinq hectares », glisse Didier Sureau. En période perturbée, « il faut savoir s’arrêter dans un champ pour aller dans un autre, afin de ne pas perdre en qualité distribuée, poursuit Denis Denion. Sinon, les éleveurs risquent de toujours récolter au mauvais moment ».

Dans le modèle du Gaec de la Courtais, « il est indispensable de disposer de stocks d’enrubannage quand l’herbe est grillée ou qu’elle n’est pas récoltable à cause de la pluie. Cela permet de compléter la ration, quand le silo d’ensilage d’herbe est fermé, sans risquer de grosse transition alimentaire ».
Attention à la maintenance
Sur les points de vigilance, Didier et Corentin Sureau alertent sur l’importance de la maintenance de l’autochargeuse. « Il faut bien la graisser et la nettoyer tous les jours car l’herbe s’accumule dans les rotors et l’acidité peut pourrir la poutre d’engrainage, prévient Corentin Sureau. Je consacre une demi-journée par an pour l’hiverner. » Tous les deux soulignent le fait que le distributeur de la marque de la machine se trouve à 25 km de l’exploitation. « C’est important pour l’entretien, car nous l’utilisons tous les jours. S’il y a une panne ou besoin d’une pièce, il faut pouvoir réparer rapidement. »
Les + et les –
+
Améliorer la marge sur coût alimentaire
Apporter un fourrage de qualité et appétent
Augmenter le rendement des prairies par des coupes plus régulières
Nettoyer les parcelles au printemps et à l’automne
-
Astreinte quotidienne (1 h/j)
Avis d'expert : Denis Denion, consultant nutrition robot chez Seenovia
« Performance laitière et marge optimisée »

« La pratique de l’affouragement en vert est cohérente avec la structure du Gaec de la Courtais : des parcelles d’herbe éloignées mais valorisables et une volonté forte des éleveurs de limiter la part de maïs ensilage et l’achat de correcteur azoté. L’affouragement correspond donc à un profil d’éleveur qui cherche à valoriser l’herbe de parcelles éloignées tout en permettant de belles performances laitières avec une marge sur coût alimentaire optimisée. Par ailleurs, cette technique facilite la valorisation de l’herbe d’automne. Attention néanmoins à assurer la couverture énergétique de la ration. Dans le cas d’une installation en individuel, il faut bien prendre en compte la charge de travail car l’affouragement en vert reste une astreinte quotidienne. »