Guerre en Ukraine - L'agriculture ukrainienne marquée par 18 mois de conflit
L’impact de la guerre est massif sur la production ukrainienne et pourrait même s’aggraver selon John Rich, directeur exécutif de MHP qui intervenait lors du récent Feed Info Summit à Vienne (Autriche)
L’impact de la guerre est massif sur la production ukrainienne et pourrait même s’aggraver selon John Rich, directeur exécutif de MHP qui intervenait lors du récent Feed Info Summit à Vienne (Autriche)
La situation de l’agriculture et de l’agroalimentaire en Ukraine reste particulièrement instable après 19 mois de guerre explique John Rich, directeur exécutif du volailler MHP. Il ne croit pas qu’elle finira en 2023 ni même en 2024. « Or, la guerre économique sera perdue si nous n’exportons pas », résume le dirigeant.
Gérer les dommages liés à la guerre
Le premier risque que doit gérer l’agriculture c’est, bien sûr, l’impact de la guerre elle même avec la destruction des installations de production ou d’énergie (comme l’explosion du barrage de Kachovka qui a inondé plus de 10 000 hectares sur la seule rive droite et bien plus encore dans la zone occupée par les Russes) et la raréfaction de la main d’œuvre.
« Les mouvements de population ont été massifs, vers l’Ouest et vers l’UE qui nous soutient depuis le début et où il reste près de 5 millions d’Ukrainiens, mais aussi plus loin vers le Royaume-Uni, le Canada et l’Australie qui en accueillent 4,8 millions », chiffre le dirigeant, lui même australien, qui vit désormais à Istambul.
« Outre la question de la main d’œuvre liée à ces mouvements de population et à la mobilisation, nos salariés sont marqués par les conditions quotidiennes et le manque de sommeil. Vous ne savez jamais quand un missile va frapper à votre porte et les alertes sont constantes. En plus du manque de main d’œuvre, l’épuisement influence aussi la productivité », explique John Rich.
Déminer les terres avant toute intervention culturale constitue un autre des challenges : « les tracteurs sont désormais équipés de systèmes de détection pour ne pas sauter sur les mines ». Pour les seuls semis de printemps, 470 000 hectares ont dû être déminés.
Seules 28,1 Mt de céréales et légumineuses ukrainiennes seront exportées sur les 57 Mt de production en 2023/2024, selon John Rich (MHP).
L’impact de la guerre est également massif sur les plus petites exploitations qui n’ont plus accès au capital, risquant de ne pas pouvoir acheter des semences, alors que les structures les plus importantes arrivent à se maintenir. Au total, les surfaces cultivées ont reculé de 25%. La production de céréales et de légumineuses a perdu 39% entre 2021 et 2022 et 46% de plus entre 2022 et 2023 (46,5Mt), la récolte d’oléagineux s’est contractée de 20% puis de 15% sur les mêmes périodes (19,5 Mt), le tournesol ayant le plus souffert (11,7Mt en 2023 contre 16,4 Mt en 2021) selon les services économiques de Kyiv.
Risque de rompre les échanges
Le second risque c’est la rupture du commerce, la production se heurte en effet à la logistique (90% des exportations passaient par la Mer Noire avant le 24 février 2022) mais aussi au refus des assurances de couvrir les risques : « la question du corridor de la mer Noire n’est pas réglée malgré tout le soutien que nous recevons notamment de l’UE. Je ne suis guère optimiste sur la capacité du pays à exporter ses produits alors que c’est vital, que ce soit les céréales, les huiles de tournesol ou les volailles », explique le dirigeant qui est bien conscient des plaintes émises par la Pologne, la Slovaquie et la Hongrie.
« Mais, de façon générale, l’UE n’est pas la cible des exportations ukrainiennes », insiste t’il. Pour les céréales et les légumineuses, il estime qu’en 2023-2024, seules 28,1 Mt seront exportées sur les 57 Mt de production.
La production de volailles a atteint 1 300 millions de tonnes en 2023 dont 440 000 devraient être exportées.