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« Nous ne sommes pas sur les mêmes trajectoires de croissance que l'année dernière », indique Robin Maisonneuve, responsable des commodités agricoles chez Euronext

À la suite de la publication du rapport d’activité 2024 d’Euronext, Robin Maisonneuve, responsable des commodités agricoles, nous a retracé le bilan de l’année passée et les perspectives de la franchise Euronext Commodities pour 2025.

Photographie de Robin Maisonneuve, responsable des commodités agricoles au sein d'Euronext
Robin Maisonneuve, responsable des commodités agricoles au sein d'Euronext.
© Euronext

Propos recueillis par Mikaël Juchet et Thierry Michel

La Dépêche - Le Petit Meunier : Pouvez-vous retracer le bilan 2024 d'Euronext et plus spécifiquement de votre activité sur les commodités agricoles ?

Robin Maisonneuve : Les résultats du groupe Euronext sont très bons, avec une croissance solide dans la majorité de nos activités. La franchise des matières premières, Euronext Commodities, a contribué à ces très bons résultats. En ce qui nous concerne, c'est une année record en termes de volumes, avec une hausse d’environ 30 % en 2024 par rapport à l’année 2023. On a eu près de trente millions de lots échangés pendant l'année, ce qui correspond à environ cent quinze mille lots, ou 5,8 millions de tonnes, par jour. Ce succès démontre que, malgré une volatilité moins élevée qu'en 2022 et 2023, l'activité de couverture est restée soutenue. 

« Une année record en termes de volumes, avec une hausse d’environ 30 % », indique Robin Maisonneuve, responsable des commodités agricoles d'Euronext.

Des nouveaux acteurs sont venus sur notre marché pour accroître la liquidité sur nos différents contrats. Cette hausse de liquidité et des volumes concerne à la fois le blé, le maïs et le colza. Nous sommes à peu près à 90 0000 lots traités par jour sur le blé, 3 000 lots par jour sur le maïs et 22 000 sur le colza. Nous avons réussi à attirer de nouveaux acteurs sur ce segment de marché, et à faire en sorte que certains acteurs déjà présents accroissent leur niveau de participation, que ce soit en termes de positions ouvertes ou de volumes quotidiens négociés. Tout cela témoigne de l'attractivité du marché pour des acteurs mondiaux. Le Matif, et en particulier le Blé Matif, est de plus en plus perçu comme un prix de référence au niveau mondial. Cela explique la présence croissante d’acteurs commerciaux internationaux, européens ou non, sur notre marché. 

LD-LPM : Vous avez attiré des nouveaux acteurs. Est-ce que vous pouvez nous en dire davantage ?

R. M. : En 2024, nous avons observé une hausse d’activité en provenance des États-Unis, avec des acteurs commerciaux qui ont redirigé ou augmenté leur activité de couverture sur notre marché. Des acteurs financiers ont également augmenté leur participation.

LD-LPM : Toujours en provenance des États-Unis ?

R. M. : Dans le cas des acteurs financiers, la tendance est plus générale, et provient notamment des États-Unis, du Royaume-Uni, ou de la Suisse. On remarque également, de manière plus diffuse, un regain d’intérêt de la part d’acteurs d'Europe centrale et orientale. 

LD-LPM : Quelle est la répartition des participants entre les acteurs commerciaux et financiers ?

R. M. : Le marché d’Euronext est moins financiarisé que le marché états-unien. Moins de 60 % des positions ouvertes sur notre contrat blé sont détenues par des acteurs financiers. Il est important de conserver un équilibre entre les différents acteurs, pour à la fois améliorer la liquidité et garantir une bonne fixation du prix. Les niveaux de liquidité sont très satisfaisants sur les premières maturités [ou échéances, NDLR] du contrat blé par exemple, et ce, grâce à la présence d’acteurs financiers. 

« Il faut toujours rendre nos contrats plus attractifs aux yeux d’acteurs commerciaux », commente Robin Maisonneuve.

L’objectif est à présent d’améliorer la liquidité des maturités plus lointaines et de développer des contrats qui sont encore un peu plus faibles en termes de position ouverte ou de volume quotidien, comme le contrat sur le maïs. C’est un jeu d’équilibre. Il faut toujours rendre nos contrats plus attractifs aux yeux d’acteurs commerciaux qui ne nous regardaient pas beaucoup auparavant. C'est la raison pour laquelle nous nous intéressons à l’Europe centrale et à l’Europe orientale. Nous essayons de parler à des acteurs commerciaux mondiaux ou états-uniens et, en même temps, de parler à des acteurs financiers pour accroître la liquidité de nos marchés là où il y en a le plus besoin. Dans mes conversations avec les financiers, ce qui ressort souvent, c'est qu’ils apprécient le fait que notre marché et le prix du Matif soient proches des fondamentaux.

LD-LPM : Pour faire le lien avec l'arrivée de Donald Trump au pouvoir, est-ce que vous constatez déjà un impact sur le début de l'activité 2025 ?

R. M. : Le début d’année est dynamique en termes de volume, même si nous ne sommes pas sur les mêmes trajectoires de croissance que l'année dernière. Ce qui s'est passé ces dernières semaines, associé aux incertitudes sur la prochaine campagne, en particulier en France, crée un certain attentisme chez les différents acteurs. On va vraiment voir dans les prochaines semaines à quel point il y a un besoin de couverture et si ce qui se passe sur le plan géopolitique ou sur le plan des droits de douane, peut d’abord influencer les flux du marché physique et ensuite les prix. 

« On observe par ailleurs un regain de volume sur notre marché option », constate Robin Maisonneuve.

On a eu beaucoup de mouvements sur le colza en lien avec ce qui se passe entre les États-Unis et le Canada. Les volumes sont naturellement liés au besoin de couverture des acteurs commerciaux qui sont sur notre marché. Donc, tant qu’il y a un manque de visibilité sur la prochaine campagne, cela limite certaines activités. On observe par ailleurs un regain de volume sur notre marché option, qui était limité depuis le début de l'année en raison d’une volatilité assez faible.

LD-LPM : En blé, maïs et colza, avez-vous des projets pour faire évoluer vos contrats ?

R. M. : Il ne devrait pas avoir de modification des spécifications techniques sur les trois contrats effectifs dans les prochains douze ou dix-huit mois, pour une raison assez simple : on souhaite avant tout éviter de bousculer le marché. S’il devait y avoir des changements techniques, ceux-ci ne seraient effectifs qu'à partir du moment où on dispose d’une position ouverte qui est nulle ou très limitée, pour éviter que des acteurs qui aient pris position sur un produit voient les spécifications changer. Nous réfléchissons constamment à apporter des évolutions pour améliorer nos offres, que ce soit sur les spécifications techniques du produit, sur la méthode de livraison ou sur l’ajout de nouveaux silos. Mais nous ne prenons pas ces décisions sans consulter l'ensemble de l’écosystème. On veille également le plus possible à maintenir la proximité entre le marché physique et nos contrats à terme. 

LD-LPM : Un point de livraison à Constanta en Roumanie a été évoqué dans la presse. Est-ce toujours d’actualité ?

R. M. : Il avait été évoqué, à un moment, un point de livraison pour le contrat maïs. Une consultation du marché a été engagée il y a maintenant plus d'un an. À ce stade, il n’y a pas de consultation active sur le sujet.

LD-LPM : Vous avez récemment lancé plusieurs contrats de type spread. Pouvez-vous rappeler le principe de ces contrats ? En quoi intéressent-ils le marché ?

R. M. : La migration de nos activités de compensation de LCH vers Euronext Clearing a rendu possible la création de ces nouveaux contrats. Cela nous a permis une plus grande capacité d'innovation produit. Cette migration a eu lieu en juillet 2024 et le lancement des produits spread s'est réalisé en octobre. Le lancement de ces nouveaux produits illustre notre volonté d'innover et de continuer à concevoir des offres qui peuvent convenir aux besoins de la filière. Nous avons lancé trois produits spread dont un entre le blé Matif et le blé Chicago du CME, un autre entre le blé Matif et le blé Kansas City du CME, et un troisième entre le blé et le maïs Matif. 

« Pour l'instant, les volumes sont assez limités », rapporte Robin Maisonneuve sur le nouveau contrat blé-maïs.

La logique de ces contrats spread, en particulier ceux avec le CME, est de permettre à certains participants de marché de se couvrir en partie avec la référence des produits états-uniens, avec des frais de transaction moindres et une meilleure efficacité en termes de capitaux requis, puisqu'il y a un seul appel de marge au lieu de deux. Il y a également une facilité comptable, puisque ces trois contrats spread sont libellés en euros. Cela donne la possibilité à des participants européens d'intégrer une activité de couverture du CME en passant par Euronext à moindre coût et avec une plus grande facilité. En même temps, le CME a lancé des contrats miroirs exprimés en dollars sur sa propre plateforme. Des market-makers sont actifs sur ces contrats depuis plusieurs mois, ce qui donne de bonnes références de prix. 

Lire aussi : Le CME cherche à se positionner en Europe sur le colza et le blé avec de nouveaux contrats à terme

LD-LPM : Sur le nouveau contrat blé-maïs, l’objectif est-il de viser le marché intérieur avec l’alimentation animale ?

R. M. : Oui, effectivement. L'enjeu est d'avoir un contrat qui fasse un peu le miroir de leur arbitrage sur le marché physique. Pour l'instant, les volumes sont assez limités. 

LD-LPM : Vous avez lancé un contrat blé dur. Aujourd'hui, quid de ce contrat et de son avenir ?  

R. M. : L'utilisation du contrat blé dur est encore trop limitée et reflète le besoin d’accompagner le marché sur cette nouvelle offre. Ce contrat a été lancé au début de la guerre en Ukraine, ce qui n’a pas facilité son démarrage. Depuis l’automne 2023, on tente de pousser significativement l'utilisation du contrat. La principale difficulté est liée à la multitude d'acteurs que nous devons faire travailler ensemble. Nous avons les producteurs français, les grands acheteurs italiens et les producteurs italiens, de taille petite ou moyenne. Il faut donc réussir à les convaincre de la pertinence de cette offre, en particulier dans le cas de la filière italienne, qui est moins habituée au marché à terme.

« Il faut pousser l'ensemble de la filière, acheteurs et producteurs, à utiliser le SEDWI comme une référence de prix », estime Robin Maisonneuve.

Il y a un enjeu d'éducation important mené avec Sitagri. Ce qui pourra débloquer l'utilisation du marché et de ce contrat, c'est la plus grande adoption de l'indice SEDWI [Sitagri Durum Wheat Index, NDLR] dans les contrats physiques. Des signes assez intéressants commencent à apparaître de la part des acheteurs qui souhaitent utiliser l'indice SEDWI dans les contrats physiques. C'est un bon signal, mais il faut d'abord accroître l'utilisation de l'indice dans les contrats physiques pour ensuite avoir un besoin de couverture de certains acteurs, et continuer dans le même temps d’accompagner une partie de la filière qui est moins au fait des usages des marchés à terme. 

LD-LPM : Le travail d'entrer en relation avec les différents acteurs français et italiens pour que l'indice SEDWI devienne une référence, c'est une tâche plutôt menée par Sitagri ou Euronext ?

R. M. : Ce travail est fait conjointement. Sitagri est en discussion permanente avec les différents acteurs. De notre côté, nous expliquons à nos contacts l’intérêt d’utiliser l’indice dans les contrats physiques pour permettre un meilleur fonctionnement du marché à terme. Pour que les marchés à terme deviennent plus liquides, il faut pousser l'ensemble de la filière, acheteurs et producteurs, à utiliser l'indice SEDWI comme une référence de prix. Ce message commence à porter ses fruits.

Lire aussi : Marché des engrais : repli des cours de l’urée puis de l’ammonitrate

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