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Tour de plaine céréales d’hiver en France : faut-il vraiment craindre le froid ?

Les basses températures actuelles ne sont pas réellement un problème, bien moins que les pluies durant l'automne. Arvalis Institut du Végétal, via la voix de son expert Jean-Charles Deswarte, voit un possible accroissement des semis de blé de printemps, courant février-mars. Des blés de variété dite alternative peuvent encore être semés avant février. Tout cela ne concernerait que des surfaces marginales néanmoins.

© Peggychoucair-Pixabay

La vague de froid qui frappe le territoire hexagonal n’inquiète pas outre mesure les experts interrogés quant à l’état des cultures de céréales d’hiver. « Le froid n’est pas vraiment un sujet. Pour le moment, les températures relevées ne sont pas suffisamment basses pour endommager les plantes », relève Jean Charles Deswarte, ingénieur au sein du pôle Valorisation de l'écophysiologie d’Arvalis Institut du Végétal.

Le froid peut même avoir des effets positifs. « Cela nettoie les parcelles, en éliminant les potentiels ravageurs », explique par exemple Luc Lorin, céréalier dans le Perche et dirigeant fondateur de la société d’analyse Visio Crop. Mais surtout, c’est l’absence de pluies qui rassure. « Cela permet d’assainir les sols », complète Jean-Charles Deswarte.

Le grand quart Nord-Est de la France s’en sortirait le mieux, la façade Ouest beaucoup moins

Il n’en reste pas moins que les conditions de semis de cultures de céréales d’hiver ont été compliquées en 2023, compte tenu de l'excès d'eau à partir de la mi-octobre environ, affectant le potentiel de production des parcelles. L’expert d’Arvalis Institut du Végétal dresse le bilan suivant, qui doit toutefois être pris avec des pincettes, toutes les données n’ayant pu être collectées : Le grand quart Nord-Est de la France, de la Picardie et une partie du Nord-Pas-de-Calais jusqu’à la Bourgogne, et en passant par la Champagne et la Lorraine, semble contenir les parcelles ayant le moins souffert des fortes précipitations. Et ce même si les conditions d’humidité se sont avérées supérieures à la moyenne lors des 2 à 3 derniers mois. « Environ 80 % à 90 % des semis d’hiver ont été réalisés avant le 15 octobre. Ainsi, les cultures ont pu bien lever et ont eu la capacité de résister aux précipitations », précise Jean-Charles Deswarte.

La zone Centre/Beauce/Bassin Parisien a été davantage touchée, mais là aussi, l’ingénieur d’Arvalis Institut du Végétal ne veut pas se montrer trop alarmiste. « Plus de la moitié des travaux ont été achevés avant l’arrivée des fortes pluies, soit la mi-octobre environ »

La façade Ouest n’a en revanche pas été épargnée. « C’est la zone la plus inquiétante. Seulement 10% des emblavements environ avaient été réalisées avant les précipitations. Cela comprend le nord-ouest du Pas-de-Calais, de la Bretagne, des Pays de la Loire, du Poitou et du nord de l’Aquitaine. Le nord des Alpes préoccupe également », déplore Jean-Charles Deswarte.

Lire aussi :  Inondations : les agriculteurs du Pas-de-Calais et du Nord encore plus touchés qu’en novembre dernier

 

Surface française de blé tendre à 4,2-4,3 Mha en 2023/2024 ?

Pour ces raisons, les surfaces françaises de blé tendre devraient reculer d’environ 10% entre 2022 et 2023 (récolte 2023 et 2024), et tomber à 4,2-4,3 Mha selon Arvalis Institut du Végétal. « Ce chiffre est à prendre avec des pincettes, des données étant encore à collecter », rappelle Jean Charles Deswarte. De plus, des semis pourraient encore survenir. « En 2012, les conditions d’emblavement avaient également été difficiles en automne-hiver. Une hausse de la sole de blé de printemps avait été constatée, autour de 40 000 ha, alors qu’elle atteint habituellement 20 000 ha ». Ainsi, ce cas de figure pourrait se reproduire cette année. 

Par ailleurs, les agriculteurs français ont également encore la possibilité de semer des variétés qualifiées d’alternative, ayant moins besoin de froid pour accomplir leur cycle de production. Ces travaux peuvent survenir entre janvier et février. Toutefois, les surfaces concernées seraient réduites. Tout comme celles des variétés de printemps. Et les rendements seront moindres, les cycles de production étant plus courts, rappelle Arvalis Institut du Végétal.

En raison de la baisse des assolements de céréales d’hiver, une hausse de la sole hexagonale d’orge de printemps est également envisagée. Mais pas forcément pour alimenter davantage la filière brassicole. « Les parcelles les plus touchées sont celles dans l’ouest du pays, alors que la malterie se situe plutôt dans l’Est. De plus, il y a des besoins importants en fourrage localement », rappelle Jean-Charles Deswarte. Les semences d’orge de printemps risquent de manquer également, au vu des importants besoins, craint l’expert d’Arvalis Institut du Végétal.

Les céréaliers français auront besoin d’un accompagnement renforcé

Bon nombre de plantes ont pu survivre aux intenses précipitations, mais n’en sont pas ressorties indemnes. « Les systèmes racinaires des parcelles semées tardivement sont souvent peu développés. Les cultures seront donc fragilisées pour la suite de la campagne », prévient Luc Lorin. Jean-Charles Deswarte acquiesce. Raison pour laquelle les organismes stockeurs et leurs services de conseils aux agriculteurs devront intensifier leur accompagnement. « Il faudra un suivi plus fin des traitements : phytosanitaire (herbicide par exemple) et de la fertilisation azotée ». Les plantes ayant souffert de l’excès d’eau résistent moins aux attaques et à une alimentation moindre, indiquent les deux spécialistes. 

Luc Lorin s’inquiète également du phénomène dit de phytotoxicité : « il faudra être prudent, car les cultures mal enracinées peuvent ne pas résister à l’application d’herbicides, et être tuées en même temps que les adventices ».

Il est encore trop tôt pour le moment pour faire des prévisions sur les volumes français qui seront récoltés à l’été 2024. Des conditions de cultures idéales au printemps peuvent changer beaucoup de choses. Néanmoins, la baisse des assolements et du potentiel de production des céréales augmente fortement les probabilités de voir une récolte 2024 inférieure à celle de 2023.

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