Semences : le CNDSF défend le privilège de l’agriculteur
La Coordination nationale pour la défense des semences de ferme redoute que le projet de loi sur les obtentions végétales remette en cause le droit de produire et replanter des semences fermières.
LE SENAT S’APPRÊTE, ce jeudi, à se prononcer sur un projet de loi de haute importance pour la filière Semences. Il s’agit de la transposition en droit français de la troisième réforme du traité de l’Upov (International Union for the Protection of new Varieties of plants) qui régit les droits de propriété sur les semences au travers du certificat d’obtention végétal. La traduction en droit national de la dernière version du traité de l’Upov qui date de 1991 inquiète profondément la Coordination national pour la défense des semences de ferme et le réseau Semences paysannes. Ils redoutent que le privilège de l’agriculteur lui permettant de reproduire ses semences et de les replanter —jusqu’à présent toléré— soit interdit ou soumis à taxation au profit de l’industrie semencière.
«l’Upov s’approprie le droit des agriculteurs» selon la CNDSF
Pour Jean-Pierre Delage, président de la CNDSF, la transposition en droit national de la version du traité de l’Upov de 1991 porte «une grave atteinte à l’auto-reproduction des plantes par l’agriculteur dans son champ», «une pratique millénaire et normale». Alors qu’en 1978 (avant dernière réforme du traité de l’Upov), la semences de ferme était considérée comme «le privilège de l’agriculteur», la mouture de 1991, considère que «la reproduction à la ferme est une dérogation facultative aux droits des obtenteurs qui peut s’exercer dans la mesure où cela ne nuit pas aux intérêts des obtenteurs”. La filière des semences fermières estime que les agriculteurs feront l’objet d’une taxe sur les semences de ferme dans le cadre du projet de loi.
Le CNDSF dénonce une législation «cherchant à retranscrire les volontés arbitraires et hégémoniques d’une corporation au détriment du monde agricole». Depuis deux semaines, les responsables du CNDSF tentent d’interpeller les sénateurs sur le risque que représente une adoption hâtive de ce projet de loi. Ils sont ainsi entrés en contact avec nombres d’élus de tout bord politique dans l’espoir de voir certains amendements abondés la future loi. En plus du rappel du principe de la dérogation permettant aux agriculteurs de reproduire ses semences, le CNDSF demande que ne puisse «être exigé la pureté variétale et la pureté des espèces», de manière à ne pas exclure le triage à façon cher à la filière des semences fermières. «En effet, les mélanges de variétés permettent une plus grande rusticité des plantes, notamment du blé tendre permettant d’utiliser moins de produits phytosanitaires. Et cette technique est de plus en plus répandue et demandée par les agriculteurs», justifie la CNDSF. Son président rappelle à ce titre, qu’en 2002 selon le Cer (Centre d’économie rurale), «73 % des emblavements en blé tendre étaient des semences de ferme». Et d’ajouter qu’en 2003 où les qualités étaient excellentes, «les semences fermières étaient très présentes», montrant ainsi que ces dernières ne sont un facteur négatif à la récolte.
Par ailleurs, le CNDSF demande la «suppression de l’article portant sur l’allongement de la durée de protection végétale passant de 20 à 25 ou de 25 à 30 ans». Pour Michel Geray, porte-parole du CNDSF, cette rallonge est destinée «à satisfaire les obtenteurs qui possèdent des variétés de pomme de terre très vendues en France comme la Charlotte ou la Mona Lisa dont la protection disparaîtrait cette année» d’où «l’empressement autour du passage de ce projet de loi». «Si nous passons pour les adversaires des obtenteurs, c’est parce que nous avons toujours été écartés des négociations», se défend Michel Geray. Et d’ajouter : «De toute façon, les agriculteurs peuvent se passer des obtenteurs, alors ce sera eux ou nous. Sur l’huile dans les tracteurs, la profession a désobéi et on a fini par gagner.»