Tour de plaine des cultures d'hiver 2025 : faut-il craindre l’excès d’eau ?
Les récentes pluies en abondance inquiètent sur certains territoires alors que les travaux dans les champs doivent reprendre prochainement. Arvalis, via la voix de son expert Jean-Charles Deswarte, constate actuellement des sols qui peinent à se ressuyer. Cependant, il est encore nécessaire d’attendre trois semaines pour éclaircir les situations sur les cultures de céréales d’hiver en place et les prochains semis d’orge. En parallèle, Agreste vient de publier les surfaces françaises de céréales d’hiver, qui confirment les remontées terrain d’Arvalis.
Les récentes pluies en abondance inquiètent sur certains territoires alors que les travaux dans les champs doivent reprendre prochainement. Arvalis, via la voix de son expert Jean-Charles Deswarte, constate actuellement des sols qui peinent à se ressuyer. Cependant, il est encore nécessaire d’attendre trois semaines pour éclaircir les situations sur les cultures de céréales d’hiver en place et les prochains semis d’orge. En parallèle, Agreste vient de publier les surfaces françaises de céréales d’hiver, qui confirment les remontées terrain d’Arvalis.
![Evolution de l'état des sols en terme d'humidité](https://medias.reussir.fr/ladepeche/styles/normal_size/azblob/2025-02/thumbnail_image.png.webp?itok=9SWzHABy)
Dans le bulletin national de la situation hydrologique du 13 janvier 2025 publié par l’office international de l’eau, on relève que les précipitations étaient déficitaires en décembre sur la majeure partie de la France avec des cumuls mensuels inférieurs de 10 à 50 % aux normales selon les territoires. Généralement comprises entre 40 à 100 mm, les précipitations ont dépassé 100 mm sur la Bretagne, la Normandie, le Grand-Est, le Limousin, l’Auvergne et la côte aquitaine. En revanche, elles ont rarement dépassé 30 mm dans la région Paca, le Languedoc et voire moins encore en Provence.
Après une pluviométrie importante en septembre et en octobre, les sols se sont asséchés en novembre et décembre sur 80 % de l’Hexagone. Cependant, l’agence précise dans son bulletin national que les sols ont conservé un niveau plus humide que la normale sur le mois de décembre en Centre-Val de Loire, dans le Bassin parisien et en passant du nord de l’Auvergne et à l’ouest de la Bourgogne.
Des sols gorgés d’eau dans le « grand Bassin parisien »
Jean-Charles Deswarte, ingénieur au pôle écophysiologie d’Arvalis, synthétise la situation de la manière suivante : « C’est l’humidité des sols qui pose le plus de problème. La pluie tombe sur des sols qui sont incapables d’évacuer l’eau ». D’après les retours terrains dont il dispose, il porte son attention sur la région du « grand Bassin parisien », de l’Île-de-France au Berry en passant par la Beauce et en y ajoutant les Pays de Loire, le nord de l’Auvergne ou encore la Lorraine. L’expert agronome d’Arvalis relève que les sols ont des difficultés à évacuer l'eau sur ces territoires pour plusieurs raisons.
Conditions de culture du blé dur : toujours trop d'eau dans la moitié Nord de la France
Lors de la journée filière blé dur, qui s'est tenue le 6 février dernier à Aix-en-Provence, Arvalis a présenté ses prévisions d'emblavements en blé dur pour la récolte 2025. Selon Yannick Carel, ingénieur du pôle Économie et systèmes de production d'Arvalis, « la sole nationale de blé dur devrait atteindre les 227 000 ha, soit une baisse de 5 % d'un an sur l'autre. Le recul des surfaces est plus marqué dans le Centre (-7 %) et dans le Sud-Ouest (-3 %) ».
Quant aux conditions de culture, les différents opérateurs présents se sont satisfaits du début de la campagne culturale dans le Sud-Est, où les implantations ont été réussies. Dans le Sud-Ouest, les semis précoces (jusqu'au 15 novembre) sont très développés. Mais les semis tardifs (qui représentent un peu moins de la moitié des surfaces) ont présenté de moins bonnes conditions d'enracinement et un tallage ralenti. Dans l'Ouest, si l'état des surfaces semées en novembre (65 %) est satisfaisant, ceux d'octobre sont trop en avance et ceux de décembre ont pâti de l'hydromorphie. 20 à 30 % des Marais vendéens restent à semer. Enfin, dans le Centre, les semis ont été compliqués et tardifs à cause de l'abondance des pluies. Les levées sont hétérogènes.
Adèle d'Humières
Une structure des sols en mauvais état
En premier lieu, les structures de sols sont en mauvais état, la conséquence d’un cumul de précipitations anormalement élevé depuis dix-huit mois. En effet, Jean-Charles Deswarte précise que le travail du sol s’est souvent réalisé dans de mauvaises conditions, du semis à la récolte. L’enracinement progresse difficilement et les cultures de céréales d’hiver continuent de dépérir avec l'excès d’eau. A noter que, si la pluviométrie est abondante dans les régions, elle n'est pas exceptionnelle, comme le précise l’ingénieur d’Arvalis.
Un faible ensoleillement
Un autre paramètre météo joue les troubles fêtes pour expliquer cette humidité latente dans les sols. En effet, Jean-Charles Deswarte indique que l’ensoleillement est déficitaire depuis cet automne. « À Nantes, Angers, Orléans, c’est 20 à 30 % d’heures d’ensoleillement en moins. C’est la deuxième pire année depuis cinquante ans ». Par conséquent, l’eau stagne et ne s’évapore pas lors des périodes de faibles précipitations. D’ailleurs, il fait remarquer qu’on alterne des périodes de faibles précipitations avec des périodes de fortes pluies, ce qui accentue les problèmes de drainage par les sols.
Si le Nord-Ouest de la France est le plus humide actuellement, rapporte l’expert d’Arvalis, des territoires commencent à être secs, à l’image de la région Rhône-Alpes. De plus, il faut aussi relever des régions en meilleure posture comme la Picardie, la Champagne et l’ouest de la Bretagne.
Potentiellement, 5 à 10 % des cultures de céréales d’hiver seraient à retourner
D’après les remontées terrains au sein d’Arvalis, Jean-Charles Deswarte relève pour le moment un potentiel de 5 à 10 % des cultures de céréales d’hiver à retourner. Cependant, il est encore trop tôt pour prendre des décisions. Pour l’expert d’Arvalis, il convient d’attendre encore trois semaines pour que les sols se ressuient avant de conclure et de prendre des décisions quant au maintien des cultures d’hiver en place, comme dans le Berry ou le Bourbonnais où il est encore difficile de se prononcer sur les surfaces à retourner.
Il convient d’attendre encore trois semaines pour que les sols se ressuient avant de prendre des décisions.
Signalons aussi un autre problème avec cette humidité : « les limaces ont beaucoup boulotté », commente l’expert agronome. Sur les surfaces concernées par ces dégâts, il sera possible de ressemer superficiellement après vérification de la structure des sols dans les parcelles. « Vu la météo, il est urgent d’attendre de voir ce qui se passe sous la surface. S’il reste 80 à 100 plantes par mètre carré, on peut laisser la culture en place si c’est bien désherbé. Il faudra retourner s’il n’y a plus rien à sauver. Il y aura besoin de voir auparavant s’il y a un besoin de reprise de sol en profondeur. »
Un manque de visibilité sur les semis de printemps
Pour l’expert d’Arvalis, il est encore trop tôt pour cerner les orientations sur les prochains semis de printemps : « En orge, il peut y avoir pas mal de modulation. Il faut laisser le temps aux agriculteurs pour jauger la situation. Toutefois, une tendance semble se préciser. Les surfaces d’orges de printemps semées à l’automne ont été moins importantes en raison des conditions difficiles lors des semis. Cette surface risque de se réduire au vu des dégâts potentiels avec l’excès d’eau ».
En cas d’humidité persistante, les agriculteurs pourront basculer sur des semis de maïs, de sorgho ou de tournesol.
Prochainement, de nouvelles données devraient éclaircir la situation. FranceAgriMer reprend le 14 février la publication hebdomadaire de ses rapports Céré'Obs sur l’état des cultures de campagne 2024-2025.
Agreste : les surfaces de céréales d’hiver en hausse de 7.2 %
L’Agreste a publié ses estimations de surfaces ce 11 février. D’après les données de l’agence, les surfaces françaises de céréales d’hiver au 1er février 2025 sont en progression de 7,2 % au sur un an. Toutefois, Agreste reconnaît que les sols saturés en eau dans certains territoires sont susceptibles d’affecter les cultures en place avec une baisse de rendement ou des retournements de parcelle.
En blé d’hiver, les surfaces 2024-2025 s’élèvent à 4,57 Mha, soit une progression de 10 % sur la précédente campagne. Cependant, la sole en blé d’hiver reste en retrait sur la moyenne observée depuis 1995. L’Agreste rejoint les observations d’Arvalis. En effet, les surfaces en blé d’hiver restent stables dans les territoires où les sols sont gorgés d’eau, à l’image de la région Centre-Val de Loire.
Malgré les efforts de la filière blé dur, les surfaces d'hiver 2025-2026 sont au plus bas depuis trente ans avec à peine 200 000 ha, soit un recul de 5,7 % sur un an. Le Centre-Val de Loire confirme des conditions de semis difficiles avec une sole en blé dur en recul de 9 %. Toutefois, la région Midi-Pyrénées affiche une baisse encore plus importante (-21 %) tandis que les Pays de la Loire et le Poitou-Charentes progressent respectivement de 12 % et 9 %.
Du côté de l’orge d’hiver, Agreste estime la sole à 1,21 Mha, en baisse de 2,1 % sur la précédente campagne. On retrouve les plus forts reculs en surface d’orge dans l’Est (-9 %). En revanche, l’agence observe un rebond de 14 % dans les Pays de la Loire et en Nouvelle Aquitaine. Cependant, on observe une grande disparité d’un département à l'autre, selon les territoires.
Notons enfin, en colza, une diminution de surface depuis la précédente estimation de l’agence en décembre de 1,33 Mha à 1,27 Mha. La sole reste cependant supérieure de 6,2 % à la moyenne quinquennale. Parmi les régions en progression sur leurs surfaces en colza, citons la Bourgogne (+14 %), Midi-Pyrénées (+10 %) et le Grand-Est (+4 %). À l’opposé, la sole de cet oléagineux régresse en Hauts-de-France (-20 %), Bretagne (-18 %) et en Pays de la Loire (-15 %).
Mikaël Juchet