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Exportations : le blé français toujours boudé par l’Algérie

Sur les six premiers mois de la campagne 2024-2025, les expéditions de blé tendre françaises à destination de l’Algérie ont connu une baisse drastique de 97 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années. La situation ne montre pas de signe d’amélioration, selon le Synacomex.

transport maritime de céréales, silo Sénalia à Rouen
Les exportations de blé tendre françaises en direction de l'Algérie ont nettement reculé depuis 2021.
© Stéphane Leitenberger / Réussir SA

Depuis le début de la campagne, l’origine française a été bannie dans les appels d’offres de l'Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC). S’il n’y a pas eu de communication officielle sur le sujet, c’est l’agence Reuters qui avait révélé cette exclusion officieuse en octobre dernier. Concrètement, « les offres françaises sont refusées lors de chaque appel d’offres », précise Christelle Tailhardat, secrétaire générale du Synacomex (Syndicat national du commerce extérieur des céréales, graines oléoprotéagineuses, légumes secs et produits dérivés).

Lire aussi : Perspectives moroses pour les exportations françaises de céréales

Aucune vente à l’Algérie sur la campagne 2024-2025

Depuis juillet 2024, seules 31 500 t de blé tendre ont quitté les ports français pour l’Algérie. « Deux bateaux ont été chargés depuis le début de la campagne, car ils avaient été achetés avant l’été et la détérioration des relations franco-algériennes », précise Christelle Tailhardat.

Ainsi, le débouché algérien, qui représentait 9,8 % des exportations françaises de blé en 2023-2024, tombe à seulement 0,8 % sur le début de campagne. Si les exportations ne reprennent pas d’ici la fin de la campagne, cela représenterait une baisse de 98 % en valeur, selon les Douanes françaises.

évolution des exportations françaises de blé tendre vers l'Algérie et les autres pays
Depuis la campagne 2020-2021, les exportations françaises de blé tendre vers l'Algérie ne cessent de diminuer (source : Douanes françaises via FranceAgriMer)

Une situation qui risque de persister

« Cette situation risque de durer tant que les présidents ne se seront pas revus », prévoit Christelle Tailhardat. Le blocage des exportations est en effet lié uniquement à la politique étrangère des deux pays, mais pas vraiment aux marchés des céréales. Tous les marchés subissent cette relation compliquée. 

Depuis le début de la campagne 2024-2025, FranceAgriMer a d’ailleurs revu en baisse sa prévision d’exportation de blé tendre vers les pays tiers, conséquence notamment de l’absence de débouché algérien. Le pays du Maghreb représentait ainsi la moitié des exportations françaises vers les pays tiers il y a cinq ans.

Lire aussi : En Afrique du Nord, le blé tendre reste la clé de voûte de l’alimentation

Le recul des exportations vers l’Algérie a débuté en 2021

« La France a perdu des parts de marché en blé vers l’Algérie depuis 2021 et l’assouplissement du cahier des charges de l’OAIC sur les dégâts d’insectes » rappelle Christelle Tailhardat. Cette décision de l’Office avait de fait ouvert le marché algérien aux blés de la mer Noire, et la Russie avait ainsi pris des parts de marché à la France. 

De plus, les nombreuses déclarations d’Emmanuel Macron sur la colonisation n’ont pas amélioré les relations commerciales entre les deux pays, loin de là. « Dire d’un pays qu’il a été créé par la France, c’est nier l’évidence. Bien sûr, cela pousse les Algériens à ne pas acheter français », s’indignait l’été dernier Krimo Behlouli, ancien directeur de la Coopérative de céréales et légumes secs de Blida, qui dépend de l’OAIC. Depuis, la reconnaissance par la France de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental le 27 juillet dernier, alors que l’Algérie soutient les indépendantistes du Front Polisario, et les déclarations d’Emmanuel Macron pour qui l’Algérie « se déshonore » en refusant de libérer l’écrivain Boualem Sansal ont continué d’envenimer la situation. 

L’expulsion par la France d’influenceurs algériens et leur renvoi par l’Algérie, puis les déclarations de Bruno Retailleau, ministre français de l’Intérieur, sur sa volonté de mettre fin aux accords migratoires de 1968 avec l’Algérie ont encore rajouté de l’huile sur le feu. « Contrairement à ce que prétendent l’extrême-droite française, ses porte-voix et ses relais, l’Algérie n’est, d’aucune façon, engagée dans une logique d’escalade, de surenchère ou d’humiliation. C’est bel et bien l’extrême droite et ses représentants qui veulent imposer à la relation algéro-française leurs vues faites de velléités d’intimidation, de menace et d’un bras de fer dont ils parlent sans retenue et sans nuance », a répliqué le ministère algérien des Affaires étrangères, dans un communiqué du 11 janvier dernier.

Lire aussi : Importations de céréales : comment l'Afrique du Nord veut limiter sa dépendance en irriguant le Sahara

Le blé français devra trouver de nouveaux débouchés

« Cette année, étant donnée la baisse des volumes récoltés, l’absence de l’Algérie est un moindre mal », avance Christelle Tailhardat. Mais pour les campagnes à venir, la chute des importations algériennes depuis la France pourrait poser problème. De 2015-2016 à 2019-2020, la France exportait en moyenne 4,4 Mt vers l’Algérie, pour une valeur de 800 millions d’euros. Depuis 2021, la moyenne est tombée à 1,8 Mt pour 480 millions d’euros. 

À cela s’ajoute l’absence de la Chine aux achats sur la campagne en cours. « Nous verrons si la Chine souhaitera reconstituer des stocks », a déclaré Christelle Tailhardat. « Si le Maroc est déjà très présent, la filière française devra aller chercher de nouveaux clients en Afrique de l’Ouest ou en Asie selon les prix », ajoute-t-elle.

 

graphe des exportations françaises de blé tendre en valeur vers le monde et l'Algérie jusqu'en janvier
La part de l'Algérie dans les exportations françaises de blé tendre en valeur a reculé depuis 2021 (source : Douanes françaises via FranceAgriMer)

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