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Russie et Ukraine s’engagent pour créer un pool céréalier
« Nous sommes arrivés à un accord et nous avons signé un document agréant qu’un pool céréalier serait créé d’ici six mois (entre l’Ukraine et la Russie, voire le Kazakhstan, NDLR) », a affirmé Mykola Azarov, Premier ministre ukrainien, durant une conférence de presse commune avec Dmitry Medvedev, Premier ministre russe, le 15 octobre. Un grand pas, car le projet avait été évoqué pour la première fois il y a plus de quatre ans au World Grain Forum à Saint-Pétersbourg, en juin 2009.
Le pool céréalier doit pouvoir permettre une coordination des politiques de commerce des différents pays sur le marché mondial des céréales. Cela devrait permettre de considérablement réduire les risques de fluctuation des prix et d’éviter des pertes conjoncturelles, selon Mykola Azarov. « Nous avons enfin réussi à trouver un terrain d’entente, et j’espère que nous allons pouvoir aller de l’avant, sachant que nos pays jouent un rôle clé en tant qu’exportateurs de grains sur la scène internationale. La création de nouvelles logistiques sera bénéfique à nos pays », a rajouté Dmitry Medvedev. Il est envisagé que le pool prenne la forme d’une association que d’autres pays puissent rejoindre. Et notamment, que soit mise en place une bourse des grains mer Noire.
Ambition géopolitique forte de la part de la Russie
« On sent que la Russie et ses partenaires font de l’exportation de céréales un point stratégique fort. Le volontarisme des ces pays contraste avec la politique européenne ou française », regrette Laurent Martel, DG de Sénalia. Alors que le gouvernement français tente de satisfaire les producteurs, mais aussi les consommateurs avec une loi agricole ayant pour ambition de renforcer l’agriculture tout en incitant à des pratiques plus écologiques (donnant un signal d’une moindre production), « Vladimir Poutine est très conscient de l’importance du marché mondial des grains », estime Sébastien Abis, analyste géopolitique. « Ce pool est un pari stratégique de type Opep du blé. Il existe des motifs très forts à pousser cette alliance avec l’Ukraine, en particulier pour le rayonnement global de la Russie. Avec une Union européenne qui cherche à se rapprocher de l’Ukraine, la Russie utilise des arguments plus flatteurs envers cette dernière, changeant ainsi des traditionnelles menaces auxquelles le pays s’était habitué, compte tenu de sa dépendance vis-à-vis de la Russie pour le gaz », poursuit-il.
L’économiste note également les relations diplomatiques croissantes entre la Chine et l’Ukraine, en référence au récent accord entre les deux pays concernant l’approvisionnement du géant asiatique en maïs. Et de s’interroger : « Est-on conscient de l’intérêt de cette question dans les discussions actuelles entre l’UE et l’Ukraine ? Il est aberrant que sur les céréales, un rapprochement ne soit pas à l’étude. »
Attention également à une éventuelle extension de ce pool. « Il serait encore plus puissant avec l’arrivée de la Turquie, qui n’est pas à exclure, ce pays ayant été écarté de l’adhésion à l’UE à maintes reprises ».
Des obstacles à lever
« Sans la présence de l’Ukraine, ce pool n’a pas de raison d’être », avance Sébastien Abis. Les obstacles existent. « Je pense, qu’aujourd’hui, la création d’un pool céréalier n’est pas réaliste », jugeait Leonid Kozachenko, président de la Confédération agricole ukrainienne, lors d’une conférence d’Interfax, le 27 septembre. Selon lui, cela nécessiterait d’avoir un monopole de l’état sur les exportations de grains. « Je pense qu’il est impossible de faire ça en Ukraine, sachant qu’il y a plus de 400 entreprises qui exportent des marchandises. »
Du côté des règles du commerce internationale, « la création de ce pool sera difficilement attaquable s’il permet de contribuer à la transparence du marché, notamment avec le partage d’informations. Cela ne devrait pas nécessairement accentuer la volatilité des prix, et pourrait même rassurer les pays importateurs qui cherchent une sécurité de leurs approvisionnements dans le temps, en quantité, en qualité et en prix », explique Sébastien Abis.