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Rubrique juridique : de l’importance des frais accessoires dans le procès

Dans un arbitrage, les frais accessoires ne sont pas à négliger : intérêts, trouble commercial, frais d’avocat et d’exécution, TVA… Revue d’effectif. 

En arbitrage, la différence se joue parfois sur les accessoires. Plus le montant des indemnités allouées est faible et plus le poids des frais annexes peut paraître lourd. Si une partie obtient 3.000 euros, par exemple, du Tribunal arbitral, en règlement d’une facture de réfaction ancienne, l’exécution de la sentence lui permettra de récupérer cette somme plus les frais d‘arbitrage engagés. Mais quid des intérêts, quid du trouble commercial, des frais d’avocat et des frais d’exécution, de la TVA ? Pour y voir plus clair et éviter qu’une victoire en arbitrage ne se transforme en victoire à la Pyrrhus, nous allons tenter de défricher le maquis de ces accessoires.

Nous examinerons, dans le présent article, tout d’abord, ce que sont les indemnités et les intérêts de droit attachés à une créance, avant de présenter «l’article 700». Dans un prochain numéro, nous poursuivrons l’analyse des autres «accessoires» qui peuvent venir se greffer aux indemnités principales dans un arbitrage, en particulier, la TVA.

Intérêts de droit et indemnités accessoires

Les intérêts de droit, ou intérêts au taux légal (I.T.L.) sont, comme leur nom l’indique, de droit lorsqu’une condamnation est prononcée. L’art. 1153-1 du Code civil est clair : «la condamnation à une indemnité emporte intérêt au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement.»

Toute condamnation à une indemnité indiquée à titre principal dans une sentence peut donc être réclamée avec les intérêts au moment de l’exécution. Pour mémoire, l’intérêt de droit est fixé chaque année par décret (généralement publié en février). Cette année, il est de 2,05 %. Il était de 2,27 % en 2004 ; 3,29 % en 2003 ; 4,26 % en 2002 et 2001 et 2,74 % en 2000 (et 10,40 % en 1993 !). Donc, dans notre cas, si la sentence condamnant à une indemnité de réfaction de 3.000 euros est datée du 15 décembre 2004 et que cette sentence devient exécutoire le 30 septembre 2005, le montant de l’ITL est, pour 2004, de 2,84 euros (3000 x 2.27/100 x 15/360) et pour 2005, de 46,12 euros (3000 x 2.05/100 x 270/360), ce qui donne un total de 48,96 euros.

En outre, l’article L313-3 du Code monétaire prévoit que le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision est devenue exécutoire. Dans notre exemple, cela donnerait, pour une sentence qui serait exécutée le 1er décembre 2005, un montant d’intérêt de 9,0875 euros au titre de 2004 (3000 x 7.27/100 x 15/360) et de 193,875 euros au titre de 2005 (3000 x 7.05/100 x 330/360), soit 203 euros au total, ce qui n’est pas rien !

Mais, les arbitres peuvent aussi fixer le point de départ à une date antérieure. Il faut, pour cela, une demande expresse de la société créancière tendant à voir le Tribunal arbitral fixer les I.T.L. à compter de la première mise en demeure, ou, à défaut, à compter de la demande d’arbitrage. On sait que la demande d’arbitrage constitue par elle-même une sommation de payer dont la date marque le point de départ des intérêts.

Lorsque l’obligation se borne au paiement d'une somme d’argent, il est possible de réclamer, en outre, des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance, appelés intérêts compensatoires. Ce sont les intérêts pour «trouble commercial» demandés au titre de l’art. 1153 du Code civil. La société créancière doit normalement prouver la mauvaise foi de son débiteur et un préjudice indépendant du retard. Mais, en matière commerciale, les arbitres considèrent que ces deux conditions sont réunies du seul fait de l’existence d’un impayé portant sur une créance contractuelle.

Les intérêts de droit et l’indemnité compensatoire de l’article 1153 relèvent de la catégorie des indemnités accessoires dans un procès. Elles sont à distinguer des intérêts et pénalités d’origine légale ou contractuelle, attachés à la créance elle-même. Ainsi, en est-il de la pénalité de 0,15 % par jour de retard prévue dans les contrats INCOGRAIN à l’article XIII ou des pénalités de retard en cas de paiement dans un délai supérieur à 30 jours de la réception des marchandises ou de l’exécution de la prestation. La loi sur les Nouvelles Régulations Economiques (NRE) du 15 mai 2001 (art. 441-6 du Code de commerce) impose alors une pénalité égale au minimum au taux d’intérêt appliqué par la Banque Centrale Européenne à son opération de refinancement la plus récente, majoré de 7 points (soit 9,09 % pour le premier semestre 2005).

L’intérêt d’une telle distinction est double : il arrive, tout d’abord, de voir des arbitrages porter à titre principal sur le paiement de la pénalité prévue à l’article XIII des contrats INCOGRAIN (alors que cela serait inconcevable pour les ITL ou l’indemnité de l’article 1153) ; ensuite, rien n’interdit, après avoir liquidé cette pénalité de 0,15 % d’appliquer à son tour un I.T.L. à compter de la première mise en demeure de payer ou de la demande d’arbitrage.

Si l’on ajoute à cela, la faculté qu’offre encore l’article 1154 du Code civil de pouvoir demander au juge ou à l’arbitre la capitalisation des intérêts échus des capitaux (anatocisme) - terme barbare signifiant que les intérêts peuvent eux-mêmes produire des intérêts, lorsqu’ ils sont dus au moins pour une année - on voit qu’avant de s’engager dans un procès, le demandeur a tout intérêt à soigner sa demande d’arbitrage et, pourquoi pas, à consulter un avocat. En effet, les honoraires dus à ce titre peuvent aussi être pris en compte au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

L’article 700 et ses multiples conséquences

Fréquemment utilisé mais cependant peu connu, l'article 700 du nouveau code de procédure civile dispose : «...dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens».

Les premières dispositions de cet article sont complétées par l'alinéa suivant : «Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à condamnation.»

L'article 700 du nouveau code de procédure civile s'applique à toutes les juridictions de l'ordre judiciaire mais aussi aux sentences arbitrales de la Chambre Arbitrale de Paris. Son application a deux conséquences pratiques.

Tout d'abord, ce sont tous les frais exposés qui peuvent être pris en compte dans la condamnation de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Il s’agit des honoraires de l'avocat, mais aussi des frais engagés par les parties elles-mêmes comme les frais de déplacement, de temps passé en recherche de documents, en réunions...

Ensuite, il faut considérer que le juge ou l'arbitre possède, dans l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, un pouvoir discrétionnaire en fonction des critères énumérés par le second alinéa précité. Il faut donc le convaincre du bien fondé de la demande formulée au titre de cet article qui est considérée par la jurisprudence comme une demande incidente.

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