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Céréales biologiques
Risque de pénurie en céréales bio ?

Des rumeurs provoquent une forte inquiétude sur le secteur des céréales et oléoprotagineux bio dont les disponibilités seraient insuffisantes

COURT. Un vent de panique commence à souffler sur le secteur des céréales et oléoprotagineux bio. Des rumeurs de début de pénurie de matières premières en Europe font flamber les cours. D’où l’inquiétude des transformateurs, fabricants d’aliments du bétail et meuniers.

Rareté et fermeté de l’offre

En bio, les années se suivent et ne se ressemblent pas. « Normal, les volumes restent encore faibles, et le marché est par conséquent très sensible aux variations de quantités disponibles », rappelle Salvador Ferrêt, président de la section bio d’Intercéréales. Il n’empêche qu’il faut remonter quelques années en arrière pour voir des prix aussi élevés, notamment pour les céréales destinées à l’alimentation animale, comme le maïs. Ils sont supérieurs au moins de 40 €/t par rapport à ceux de l’an dernier en fin de campagne. À cette époque, le plongeon des cours sur toutes les productions, notamment le maïs, était décourageant pour les producteurs, de moins en moins motivés. On parlait plutôt de reports de stocks, craignant que la situation de l’année précédente, celle de 2005, ne se répète. « C’est pourquoi nous avons cherché de nouveaux débouchés d’ouverture. Des demandes se sont manifestées à l’export, nous les avons honorées. Elles se sont intensifiées au début de cette nouvelle campagne et sont de plus en plus pressantes », résume Gilles Renart, responsable de la Sica Agralys Bio. Pour la campagne 2005-2006, environ 22.000 t, soit environ 15 % de la collecte totale bio évaluée à 159.000 t Chiffres décembre 2006 de l’ONICG (Office national interprofessionnel des grandes cultures). (dont la moitié en blé tendre) d’après les déclarations des organismes stockeurs, auraient été dégagées sur le marché européen, à des prix parfois très bas. « Ce volume écoulé à l’export a également épongé les reports de stocks de 2004-2005 », rappelle Salvador Ferrêt.

Pression des marchés à l’export

Or aujourd’hui, du côté des pays européens comme la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, la Belgique et surtout l’Allemagne et les pays du nord, comme le Danemark, les besoins en céréales et oléoprotéagineux bio s’intensifient. Dans un contexte de pression sur le marché des céréales en général, plusieurs raisons expliqueraient cette tendance dont bénéficie aussi le secteur bio. D’abord, les aléas climatiques du printemps et de l’été 2006 en Allemagne, et aussi dans les pays de l’est, comme la Hongrie, la République tchèque, la Slovaquie et aujourd’hui la Roumanie, où se sont cumulés froid, sécheresse, inondations, ont nuit aux récoltes et fortement diminué les disponibilités de marchandise dans ces pays. Ensuite, la désaffection de l’Italie qui a réduit ses surfaces en bio en raison du découplage des aides et qui a subi elle aussi des problèmes de qualité des blés, dus notamment à la sécheresse, a affaibli sa capacité d’exporter. Ce pays importerait même, pour la première fois.

De son côté, l’Espagne est aussi déficitaire : si ses surfaces en bio augmentent, elles concernent surtout les pâturages, les oliveraies, la vigne et les cultures maraîchères. L’Ukraine, le grenier à blé de l’Europe, présent même en bio, a mis un hola sur ses exportations, craignant une grave pénurie de blé sur son marché intérieur. Ce pays approvisionne aussi habituellement certains marchés d’Europe du Nord, même si une grande partie des opérateurs jouent la préférence communautaire.

Par ailleurs, cette conjoncture défavorable pour les récoltes se conjugue à une forte croissance de la demande de la consommation bio, notamment en Allemagne et en Grande-Bretagne. C’est pourquoi les opérateurs français sont actuellement si sollicités, avec des propositions commerciales attrayantes. Côté collecte 2006-2007, les volumes semblent, dans l’ensemble, plutôt stables en céréales, voire supérieurs en blé tendre mais nettement inférieurs en maïs, en raison de la régression des emblavements (cours trop bas) et de la sécheresse.

Calcul des stocks

Dans ce contexte tendu, le secteur bio commence à craindre la pénurie pour la fin de la campagne. L’envolée des cours des céréales destinées à l’alimentation du bétail, inquiète les transformateurs. Alors info ou intox ? Il semble que le stock de céréales bio françaises soit déjà au plus bas. Selon certaines évaluations, il manquerait aux alentours de 10.000 tonnes pour contenter le marché français de l’alimentation animale, notamment en maïs, blé fourrager, orge, triticale. Le blé meunier semble moins touché par cette pression, même si il a tendance à être vendu à l’export en fourrager, en raison des prix attractifs. « Attention, il ne faut pas s’alarmer trop vite », nuance Pascal Gury, président de la section bio de Coop de France et représentant de la Cavac en Vendée. « Il est indispensable de connaître le volume réel disponible sachant qu’il existe une inconnue, c'est-à-dire le stockage en ferme ».

Des enquêtes sont donc en cours auprès des organismes stockeurs et des fabricants d’aliments pour faire un état des lieux de la situation, en prenant en compte les contrats déjà réalisés, même par engagement moral et non honoré. « On veut inciter les opérateurs à formaliser leurs engagements au prix du marché », explique Marc Trouilloud, représentant du GIE Unibio basé dans la Drôme. Un message a été adressé parallèlement aux producteurs, via les groupements d’agriculture bio (Gab) pour évaluer la situation dans les fermes. « Faire de la rétention de marchandise pour spéculer peut être dangereux car des fabricants d’aliments peuvent réclamer des dérogations pour augmenter le taux incorporation des matières conventionnelles Pour des raisons techniques, le règlement européen bio 2092/91 autorise 15 % de matières conventionnelles dans les rations. De son côté, le Repab F (français) n’accorde que 10 % de matières conventionnelles dans la ration des monogastriques et 5 % pour les herbivores. et mettre la filière à mal », prévient Marc Trouilloud. En effet, les Hollandais ont en déjà fait cette demande, et certains fabricants d’aliments français y pensent. Cette décision ne pourrait être prise par le ministère qu’après concertation interprofessionnelle. Mais d’ores et déjà, la profession tire la sonnette d’alarme. Ce raffermissement des cours est un ballon d’oxygène pour les producteurs qui ont souffert de prix de vente inférieurs à leurs coûts de production. Même si la majorité d’entre eux a contractualisé à un moment où les cours n’étaient pas encore si hauts, l’espoir de voir les nouveaux contrats se faire à des niveaux plus intéressants est rassurant. Un juste retour des choses. D’éventuelles dérogations, en France comme dans d’autres pays, risqueraient de renverser la tendance et d’écrouler le marché. « Certes, on ne peut pas laisser les fabricants l’aliments sans marchandise, souligne Pascal Gury. Mais il faut se retrouver tous ensemble autour d’une table. C’est le moment de mettre en place une réelle démarche de filière interprofessionnelle, en toute transparence pour assurer la pérennité de la bio française ». Pour l’Ufab, fabricant d’aliment breton , il s’agit de trouver un terrain d’entente, et surtout « inciter les producteurs à continuer la production bio. Ce n’est pas le moment de se déconvertir ! ».

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