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L’élevage dans l’étau des prix

Conjoncture – Prix des céréales élevés et cours des viandes bas affectent la situation économique des éleveurs, déjà mise à mal par les crises à répétition

Cours des viandes déprimés et hausse des prix mondiaux des grandes cultures : les éleveurs sont sous presse. En porc, les cours de l’été n’ont pas été au rendez-vous et devraient chuter en septembre (cf. n°360 p12). La viande bovine ne s’exporte plus et les prix restent bas. En parallèle, les cours des céréales se sont envolés et la sécheresse a réduit les rendements en fourrages (cf. "L’élevage de l’Ouest est à sec"). Et comme le précise Caroline Monniot de l’Institut de l’élevage, « l’augmentation du prix des céréales aura un fort impact sur les coûts de production, en particulier pour les viandes de monogastriques. Mais la répercussion sur le prix de vente est difficile à prédire car le prix dépend aussi de la demande. En tout cas, les viandes bovines et ovines auront un petit avantage compétitif sur le porc et la volaille car leur production nécessite moins de céréales… ». En effet si elles constituent la base énergétique des rations alimentaires de l’ensemble des animaux, comme le rappelle Coop de France, leur incorporation est moins importante dans les aliments pour les ruminants que pour les monogastriques. Elles entrent à 25 % dans la formulation des aliments bovins viande, 20 % en bovins lait contre 55 % en porcs et 63 % en volailles, « au profit des tourteaux, des protéagineux et des aliments plus cellulosiques, tels que les pulpes, la luzerne ou les coproduits céréaliers ». La hausse des prix des aliments dépendra donc des productions et de la contagion de la fermeté des céréales aux autres matières premières. Notons que le haut niveau de prix du tourteau de soja alimente aussi le mouvement.

Le rôle tampon des fabricants d’aliments
    Les fabricants d’aliments répercutent déjà, pour certains, cette tension des prix qui sera plus nette dans quelque temps… et pour une durée inconnue ! Importance des stocks des fab, maintien de tarifs d’aliments concurrentiels, exploitation ou non des marchés à terme, évolution du soja…, sont autant d’incertitudes affectant la visibilité. Comme le précise Coop de France dans un communiqué, les fabricants d’aliments devraient néanmois, et dans une certaine mesure, « lisser l’amplitude des variations de prix des matières premières ». Un autre élément devrait alimenter la hausse : la demande. Les éleveurs de bovins viande, faisant face à de moindres disponibilités en fourrages suite à la sécheresse, vont s’orienter vers une alimentation à base de concentrés.

Une faible trésorerie
    Du fait de l’envolée des cours des matières premières, le prix de l’aliment porcin aurait déjà augmenté de 35 /t, selon Guillaume Roué, président d’Inaporc (interprofession porcine), ce qui entraîne une hausse des coûts de production de 14 cts/kg. L’aliment représente dans ce secteur souvent plus de 60 % du coût de revient. Or les éleveurs de porc se sont endettés, souvent à court terme, suite à la crise de 2007. Et les cours n’ont pas permis de retrouver un équilibre avec la crise financière et la chute de la consommation. « Les 400 à 500 M perdus en 2007 par les entreprises n’ont jamais été récupérés depuis, assure-t-il. Pour preuve, le cheptel français est resté stable alors que normalement il aurait dû augmenter ».
    Depuis le début de l’année, le prix du kilo de porc payé au producteur est en moyenne de 1,28 , un niveau à peu près équivalent au prix de revient. «  Cela signifie quand même que 50 % des éleveurs perdent de l’argent », souligne Guillaume Roué. Et « cet hiver, le prix du porc va naturellement redescendre de 10 %, il va donc atteindre 1 euro à peine comme l’année dernière, s’inquiète le président du Comité régional porcin (CRP) de Bretagne, Fortuné le Calvé. Ce n’est pas tenable, d’autant que l’hiver dernier le prix de l’aliment était de 180 €/t alors que cet hiver il sera de 230 /t ».  Les éleveurs de bovins allaitants subissent  quant à eux « une crise continue depuis 2007 » avec un « revenu inférieur de 40 % à la moyenne nationale agricole », selon la FNB. Avec la sécheresse, pas ou peu de fourrages ont été ramassés. Obligation donc pour cet hiver d’acheter de la paille dont les prix se tendent (+/-100 /t en rendu) et des concentrés. Or les éleveurs laitiers se sont, pour beaucoup, endettés en 2008 à la suite d’une euphorie des cours du lait.

Faire appel à la filière
    Le président d’Inaporc, Guillaume Roué, appelait ainsi l’ensemble des maillons de la filière à « participer à un plan de sauvetage de la production porcine », lors d’une rencontre avec la presse le 18 août. Il proposera lors du conseil d’administration de l’interprofession, le 8 septembre, à la distribution et à la salaisonnerie de s’engager à privilégier la viande d’origine française et demandera aux acheteurs d’accepter une hausse de 15 cts/kg de viande répercutée aux consommateurs. « Les éleveurs ne pourront pas survivre à une nouvelle crise comme celle de 2007, estime Guillaume Roué. Je crains que l’on entre dans un conflit à la rentrée, c’est ce que je veux éviter », précise-t-il. La FNB tire elle aussi la sonnette d’alarme et demande à la filière une hausse des prix à la production de 20 %. Elle s’en remet aussi aux pouvoirs publics pour un plan financier de soutien et le respect des normes et contrôles européens pour les viandes venues de pays tiers. Le ministère y travaille (cf. "B. Le Maire dévoilera son plan de soutien à l’élevage au Space"). Même stratégie pour les éleveurs de volaille, dans une filière très intégrée. Comme les aliments de leurs animaux contiennent 60 à 80 % de céréales, avec une faible possibilité de reformulation avec d’autres matières premières, ils subiront de plein fouet la hausse des cours des céréales. Toute l’interprofession, selon l’Association de promotion de la volaille française (APVF), s’organisera donc pour en limiter l’impact et préserver le marché des importations.

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