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L’effet “credit crunch” en Chine sur les produits agricoles survendu

Alors que les fondamentaux sont lourds, nombre d’analystes ont justifié la récente baisse des cours agricoles par le resserrement du crédit chinois. Qu’en est-il ?

FIN JANVIER, le resserrement de l’offre en crédits en Chine a mis un coup d’arrêt aux importations du pays, notamment en produits agricoles. “Si les prix des matières premières dans leur ensemble ont accusé le coup, cette décision visait, avant tout, à limiter l’expansion des bulles spéculatives immobilières et boursières se développant sur les places chinoises” explique Nicolas Habert, économiste consultant sur les marchés internationaux. Il poursuit en saluant “un geste responsable de la part des autorités d’une des premières puissances économiques mondiales”. Pour, lui, la baisse reste avant tout liée aux fondamentaux.
 
L’économie chinoise relancée
    “Sur les quinze premiers jours de janvier, l’offre de crédit de la part des banques chinoises s’est fortement accélérée, entraînant une crainte d'expansion des bulles spéculatives. Dans le même temps, on apprenait que l’inflation était passée d'un rythme annuel de 0,7 % en novembre à 2 % en décembre” relate l’économiste. Avec 9.600 Md de yuans de prêts accordés par les banques chinoises en 2009, auxquels s’ajoutent les 4.000 Md du plan de relance de Pékin. “Les effets positifs sur l’économie chinoise n’ont pas tardé à se faire sentir et, alors que les spécialistes estimaient que le pays peinerait à atteindre les 8 % de croissance en 2009, celle-ci s’est établie à 8,7 %” souligne Nicolas Habert. “Si le plan de relance chinois a été parmi les derniers à être mis en place, il a surpris par son ampleur et s'avère l’un des plus efficaces à ce jour”, estime l’économiste. “Cependant, la hausse soudaine de l’inflation a poussé la banque centrale chinoise à contrôler de façon drastique l’offre nationale en crédit afin d’éviter de reproduire les erreurs commises par les gouvernements du sud-est asiatique, qui avaient provoqué une crise financière sans précédent à la fin des années 90. Un des pires cauchemars des autorités du pays” selon notre interlocuteur.

La Chine ne fait que reporter ses achats de matières premières
    “Pour remédier à la situation, deux leviers ont été actionnés : l’un consistant à relever le taux de refinancement des banques, l’autre visant à augmenter le coefficient des réserves obligatoires imposé aux établissements financiers par la banque centrale, retirant ainsi 300 Md de Yuans de liquidités au marché”. Cependant, Nicolas Habert signale que “le même jour la banque centrale a tout de même offert , via sa procédure de refinancement habituelle, 180 Md de Yuans supplémentaires sur le marché de la monnaie, par rapport à la semaine précédente, afin de compenser en partie ses précédentes mesures et de permettre aux établissements bancaires du pays de conserver assez de liquidités pour fonctionner. Le bilan global de toutes ces opérations reste un signal fort de resserrement du crédit donné aux marchés”. Une stratégie fine et bien pensée, qui ne s’encombre pas d’échéances électorales ou de gestes politiques, pour notre économiste. “Cette contraction des offres en crédits en Chine a surtout eu des effets négatifs sur les marchés des actions et des matières premières, énergétiques en particulier. Cependant, en ce qui concerne les produits agricoles, nous sommes plus face à des phénomènes de suivisme, notamment avec les cours de l’énergie”, selon Nicolas Habert. L'analyse des opérateurs concernant la demande chinoise pourrait n’être que temporaire car la Chine a des besoins incompressibles en produits agricoles, et si la demande chinoise est ralentie pour le moment, “il ne s’agit en aucun cas d’une tendance de fond, mais plutôt d’un report des achats en l’attente d’une détente du marché”.

Des marchés agricoles toujours lourds, la Chine joue la baisse
    “Le fait de justifier la baisse des cours sur les produits agricoles par la contraction du crédit chinois est l'arbre qui cache la forêt et donc un élément survendu” indique l’économiste. Les fondamentaux restent la raison principale de la baisse des cours. En effet, avec des récoltes de soja en Argentine (52 Mt) et au Brésil (68 Mt) qui pourraient s’établir sur de bons niveaux cette année, le marché devrait s’alourdir, et les cours s’ajuster à la baisse. Ainsi, la Chine, dont les achats de soja en provenance des États-Unis ont explosé sur le mois de décembre 2009, se restreint en vue d’une détente annoncée des cours. Cependant, la semaine dernière, la Chine a acheté 262.500 t de soja sur Chicago, mais en a annulé 39.700 t. De plus, l’annulation d’achat de 306.500 t de soja, pour une destination inconnue, a impacté les cours à la baisse. Cette marchandise aurait aussi été à destination de la Chine, selon certains traders.
    Les espoirs de voir la Chine absorber la plupart des excédents mondiaux s’estompent. La lourdeur actuelle des fondamentaux remet le marché face à la réalité. La Chine qui a une vision long terme et un pouvoir fort sur son économie gère au mieux la situation afin de limiter l’inflation. De plus, les opérateurs chinois souffrant de stocks lourds et de marges négatives pourraient pousser l’État à revendre jusqu’à 1 Mt de soja des stocks de réserve.

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