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Meunerie
“ Le marché à terme doit rester le reflet des fondamentaux ”

Les transformateurs de céréales, utilisateurs du marché à terme, aspirent à certains aménagements pour plus de transparence et éviter les déconnexions avec les fondamentaux des marchés

LA PLUPART des transformateurs des grains, ont vu leur dépendance au marché à terme (MAT) s’accroître (cf. n° 3828). Il constitue un outil essentiel pour couvrir un risque prix accentué par la libéralisation progressive des marchés. Euronext est même devenu le guide principal du physique. Cela conduit les industriels, et notamment les meuniers, à demander certains aménagements. “ Nous voulons davantage de transparence pour que la spéculation des financiers ne soit pas excessive par rapport aux fondamentaux du marché, et qu’Euronext en soit un bon indicateur ”, résume Bernard Valluis, président délégué, en charge du dossier à l’ANMF. Un autre élément inquiète les utilisateurs commerciaux : l’essor des échanges d’options en gré à gré. Des opérations trop opaques, selon eux. La meunerie a formulé des propositions pour sécuriser la situation. Mais, comme le fait remarquer Bernard Valluis, face à une crise systémique “ tout se joue à l’échelle internationale ”.

Une mobilisation internationale
La crise financière de septembre 2008, “ est intervenue après deux ans de spéculation très forte sur les marchés financiers, mais aussi sur les marchés à terme des matières premières ”, rappelle Bernard Valluis. Ces derniers ont été le siège d’interventions massives de la part d’opérateurs non professionnels des matières premières. Si “ leur présence est nécessaire au fonctionnement de ces marchés, ils sont intervenus à un niveau excessif, et avec des outils toxiques au comportement imprévisible”. La crise ayant frappé toute la planète, l’ensemble des gouvernements s’est saisi de l’affaire, au-delà du plan de sauvetage des banques. Ils ont notamment mené des réflexions de fond sur les marchés à terme, assure Bernard Valluis. Là encore, “ le problème est international car, si un pays adopte seul des mesures, les spéculateurs se reporteraient sur un autre marché ”. Le G20, réuni à l’automne à Pittsburg, a pris des résolutions précises : “ Vingt chefs d’Etat se sont entendus sur la nécessité d’améliorer la régulation, le fonctionnement et la transparence des marchés financiers et des matières premières pour régler les problèmes de volatilité excessive ”, résume Bernard Valluis, sur la base de la déclaration faite à la suite du sommet.

Echange dangereux d’options en gré à gré
Deux types de problèmes sont évoqués, ceux ayant trait aux marchés régulés, à savoir les MAT de Futures et d’Options, et ceux liés aux marchés non régulés, notamment les échanges d’options de gré à gré. Pour les premiers, “ il y a un affichage, des chambres de compensation et une transparence partielle ”. Dans les seconds, des organismes, tels que les banques, après avoir racheté un risque le revendent en disséminant dans le système bancaire le risque associé. On mesure, depuis la crise, la dangerosité de ce type de transaction. Or de telles pratiques existent sur les options. “ Les banques proposent par exemple à un collecteur de racheter son risque, lui vendant une option puis se réassurent sur le marché et notamment sur le marché à terme. Ces méthodes de prudence permettent de répartir le risque entre plusieurs opérateurs. Si le produit est toxique, tout le monde se trouve empoisonné ”, met en garde Bernard Valluis. S’il n’y a pas eu de problème avéré, “ beaucoup de banques ont proposé des options à des organismes agricoles sachant que la vie de ces produits n’était pas décrite de manière assez précise ”, indique le président délégué de l’ANMF. “ De plus, les marchés régulés et non régulés communiquent, car quand une banque considère qu’elle a racheté trop d’options sur le marché de gré à gré et court donc un risque important, elle se couvre de nouveau sur le marché à terme en contractant des options ! Et, insiste Bernard Valluis, “ le tout sans transparence ”.

Eviter les positions dominantes des non professionnels des grains sur le MAT
Concernant le MAT, les meuniers veulent connaître la nature des opérateurs et le poids de leurs positions en se basant sur le modèle américain (cf. n° 3828). Ils aspirent aussi à l’instauration de limites d’emprise. “ Nous souhaitons une limitation de la spéculation non professionnelle, de manière à ce qu’il n’y est pas de position dominante. Nous prônons une réflexion pour définir les limites raisonnables pour chaque catégorie d’opérateurs pour éviter que le marché devienne le jouet de spéculation du monde de la Finance ! ” En effet, si une banque ou un Hedge Fund représente plus de 50 % d’une position ouverte (PO), le marché est en situation dangereuse avec le risque de voir cet opérateur se retirer brutalement pour une prise de profits. Il existe sur Euronext une règle imposant que, 12 jours avant la clôture d’une échéance, les opérateurs possédant plus de 30 % des PO se désengagent progressivement. Mais, “ on ne peut rien régler sur le marché du blé si l’on a pas de régulation au niveau international ”, insiste Bernard Valluis soulignant que la question de “ la limite d’emprise est du ressort des tutelles des marchés à terme, à savoir l’autorité des marchés financiers et la commission bancaire de chaque pays où Nyse-Euronext est implantée ”. Le dossier avancerait sur ce sujet. La meunerie veut également contraindre “ les variations de cours en fixant des limites journalières ”. Les discussions ont débuté au niveau de la commission des experts Blé réunie en novembre. “ Toutes ces mesures doivent être mises en place pour être efficaces ”, insiste l’ANMF.
Pour les marchés non régulés, “ il semble y avoir aux niveaux français et européen un consensus politique et une intention internationale sur certaines orientations ” : obligation d’enregistrer l’échange de tout produit dérivé, avec confidentialité ; passage des échanges de produits dérivés standardisés par une chambre de compensation pour éviter les risques systémiques ; interdiction des produits non standardisés ou obligation de les décomposer en produits standardisés, pour éviter de contourner la règle. “ Ces contraintes seraient un minimum ”, indique la meunerie française qui aspire aussi à ce que les banques soient tenues de rendre compte plus fréquemment de leurs ratios prudentiels (prises de positions/fonds propres) et d’imposer ce type de contrôles aux Funds. L’ANMF œuvre au niveau européen aux côtés des amidonniers, des sucriers et des triturateurs au travers de la Primary Food Processors (PFP) qui représente 200 Mt de marchandise. Au niveau français, elle a participé, avec l’Ania, aux travaux préparatoires de la LMA. Comme le martèle Bernard Valluis, “ un marché à terme doit permettre de s’arbitrer. Sa dérégulation est donc un problème majeur ”. D’autant que le blé sur Euronext pourrait bien devenir la référence pour d’autres marchés, comme celui des semences et des légumes de conserve. Sa fiabilité et sa représentativité doivent donc être indiscutables.

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