Conjoncture
Lancement d’un nouveau contrat pour gérer la volatilité du prix du lait
Le 18 octobre, le contrat de poudre de lait écrémé verra le jour sur le marché à terme Euronext.
Son objectif affiché : fournir un prix de référence européen aux opérateurs de la filière
AVEC LE lancement, le 18 octobre du nouveau contrat de poudre de lait écrémé sur le marché à terme Nyse Liffe (Euronext), ses initiateurs espèrent fournir un prix de référence européen qui pourrait ainsi aider les acteurs à s’arbitrer face à la volatilité des cours. Mais le doute subsiste dans les esprits français.
S’adosser à la réalité des acteurs physiques
Présenté lors du dernier Space, le nouveau contrat de la poudre de lait écrémé Nyse Liffe sera lancé le 18 octobre. Il porte sur des unités de vingt-quatre tonnes pour correspondre à la réalité physique des camions de livraison et détermine la qualité précisément (1,25 % de matière grasse maximum, 34 % de protéines…) pour être cohérent face aux caractéristiques industrielles. Car, contrairement au contrat en lait liquide américain (lots de 90 t par exemple), son objectif est de s’adosser à ce qui se passe réellement sur le terrain « même si moins de 5 % des contrats sont délivrés réellement en physique, cela permet d’ancrer le contrat dans la réalité » explique Nicholas Kennedy (Nyse Liffe). Pour lui, livrer du lait liquide dans l’un des trois points prévus au contrat (Rotterdam, Anvers ou Hambourg) n’a pas de sens : c’est la raison principale du choix d’un produit de transformation, comme de celui des deux contrats à venir, sur le beurre et la poudre de lactosérum début 2011. Ces contrats sont pensés pour permettre aux entreprises de couvrir à l’avance leur prix de vente et d’achat, et donc de gagner en visibilité sur leur marge. Le marché français de la poudre de lait, centré sur un petit nombre d’acteurs, ne devrait pas se précipiter sur ce nouvel outil. Mais Nicholas Kennedy espère qu’ils y trouveront rapidement un intérêt. « Le contrat est européen. En Allemagne par exemple, il existe un grand nombre d’acteurs de taille intermédiaire qui devraient être particulièrement intéressés par cet outil de gestion. Les choses devraient se mettre en place peu à peu comme pour le Matif », estime-t-il.
Gérer le prix de vente des producteurs laitiers
Même si les producteurs de lait n’auront pas un accès direct à ces marchés car le lait liquide n’y est pas représenté, au grand dam des éleveurs venus écouter la conférence à Rennes, ces outils de couverture devraient leur donner des perspectives de gestion de leur prix de vente car le prix de référence sera public et non réservé aux seuls intervenants sur le marché à terme.
« La filière laitière représente en Europe 140 milliards de chiffre d’affaire et 15 % du chiffre d’affaire de l’industrie agroalimentaire. Avec l’Allemagne et la France en tête, l’Europe est le premier producteur de lait (149 Mt), suivie de l’Inde et des Etats-Unis. Même si l’Océanie ne produit que 25 Mt de lait, elle en exporte 21 Mt. Or, dans un marché libéralisé, c’est la partie échangée de la marchandise qui influence le plus son prix. Ceci explique le rôle très important joué par le niveau de production de la Nouvelle- Zélande sur le prix mondial. Pour comprendre les éléments qui font évoluer le prix du lait, il faut donc s’intéresser à la production, aux échanges, aux stocks, à l’offre et la demande en somme » explique Mathieu Pacton, analyste d’Offre & demande agricole (ODA), partenaire dans ce nouveau contrat et qui anticipe de nouvelles phases de volatilité importante. L’obligation de respecter les règles du libre échange dans le cadre de l’OMC et la nouvelle Pac constituent les points de tension. La suppression des quotas, la diminution de l’intervention et des aides directes comme la disparition des barrières douanières accentueront la connexion des marchés laitiers européens avec le reste du monde. De plus, le lait n’étant pas une matière banale, certaines caractéristiques nécessaires du produit induisent qu’une faible variation de disponibilité engendre une forte volatilité du prix par l’effet dit “effet King” (cf. encadré). Les échanges mondiaux de produits laitiers représentent 7 % de la production mondiale (20 % pour le blé). Dans un pays comme la Nouvelle-Zélande, fortement tourné vers l’exportation, la volatilité est bien plus prononcée qu’en France (26 % contre 9 %). « Gérer une volatilité de 25 % du prix, c’est gérer un enjeu de plus de 22.000 € pour une exploitation qui produit 300.000 litres de lait, et un enjeu de plus de 1 M€ pour un industriel qui achète 2.000 t de beurre par an » résume Renaud de Kerpoisson, pdg d’ODA. Si la volatilité se restreint à 10 %, les enjeux sont moindres mais restent sensibles : 9.000 € pour une exploitation de 300.000 l et 500.000 € pour une entreprise achetant 2.000 t de beurre.
Pour gérer la volatilité des prix, les spécialistes proposent donc d’analyser finement le marché pour anticiper les tendances et évaluer les risques à la hausse comme à la baisse, et intégrer l’outil de fixation de prix à l’avance. L’apprentissage de ce type d’outil passe par des formations que les deux acteurs principaux actuellement présents sur la gestion des prix agricoles (ODA et Agritel) proposent tous deux.