Lancement du pain "Bon & Local" d’Evreux Porte de Normandie
Première concrétisation du Projet alimentaire territorial d’Evreux Porte de Normandie, le pain "Bon & Local" a été officiellement présenté le 17 janvier à l’Hôtel de l’agglomération.
Première concrétisation du Projet alimentaire territorial d’Evreux Porte de Normandie, le pain "Bon & Local" a été officiellement présenté le 17 janvier à l’Hôtel de l’agglomération.
L’ambition d’Evreux Porte de Normandie (EPN) au travers de son Projet alimentaire territorial (PAT) est de privilégier les produits en provenance des 74 communes composant la communauté d’agglomération. La plaine de Saint-André-de-l’Eure, au sud d’Evreux, est une zone de production céréalière (blé, orge) et oléagineuse (colza). Si une partie du blé tendre part à l’exportation via le port de Rouen, l’autre est transformée localement en farine, d’où l’idée de proposer aux consommateurs d’EPN un pain "Bon & Local". « Nous sommes en phase de lancement du projet. Il y a déjà une quinzaine de boulangeries déjà référencée, et d’autres devraient suivre. Si les habitants de l’agglomération sont la cible première, EPN compte déployer la distribution de ce pain "Bon & Local" en restauration collective (cantines scolaires, Ehpad, hôpitaux, restaurants d’entreprise) d’Evreux et de l’agglomération dans son ensemble… une fois les problèmes logistiques résolus », explique Benoît Havage, chargé de développement économie rurale et agricole, au sein de la direction du développement économique d’EPN et chef de projet PAT.
Autres projets du PAT d’EPN…
Outre le pain" Bon & Local", un autre projet de l’agglomération EPN dans le cadre de son PAT est la création d’une plateforme de mutualisation, pour mettre en relation l’offre et la demande en produits locaux, que ce soit le pain, puis les fruits et légumes, et pourquoi pas les produits laitiers ou la viande. « Concernant les fruits et légumes, nous allons lancer un espace test agricole dédié au maraîchage où un porteur de projet pourra expérimenter son idée pendant trois ans, avant de se lancer à grande échelle », indique Emmanuelle Trémel, conseillère régionale et conseillère déléguée d’Evreux Porte de Normandie, en charge des relations, de l’évaluation et du suivi du monde agricole.
Parallèlement, l’agglomération étudie la possibilité de créer des potagers partagés ou potagers mutualisés qui seraient cultivés par des agents communaux. « Il est vrai que nous avons une pénurie de produits locaux issus du maraîchage, en raison de la prédominance des grandes cultures, notamment céréalières », argumente l’élue.
Quatre meuniers locaux référencés
« Nous n’arriverons pas à référencer les 54 boulangeries identifiées sur l’agglomération, artisans ou salariés, mais nous serons heureux si une vingtaine d’entre elles s’engage dans la démarche. Il faut dire que les boulangeries franchisées, telle l’enseigne Ange, ont les mains liées car elles ne décident pas de leur approvisionnement », souligne Benoît Havage.
Les fournils de GMS sont également parties prenantes de la démarche
Parmi les quinze premières boulangeries référencées, on compte les enseignes de la grande distribution Cora et Super U à Evreux, et E. Leclerc à Normanville.
Dans le cas du Super U d’Evreux, l’adhésion à la démarche n’a été qu’une pure formalité, l’enseigne ayant lancé en septembre 2022 sa baguette locale, à partir de farine fournie par Biocer. « L’intérêt d’une telle démarche réside dans le fait de faire travailler des acteurs locaux, des agriculteurs aux meuniers, en passant l’organisme stockeur », David Manuel, directeur du Super U d’Evreux. Ce référencement permet aussi au magasin d’avoir une meilleure lisibilité, en lien avec la campagne de communication orchestrée par EPN. Par ce biais, « nous pourrons peut-être contacter d’autres acteurs au-delà de la filière blé-farine-pain pour développer notre offre de produits locaux. C’est une volonté de l’enseigne Super U que de s’approvisionner localement. D’ailleurs, nous coopérons déjà avec deux producteurs locaux en fruits et légumes », témoigne le dirigeant.
Pour être référencés, les boulangers n’ont d’autre contrainte que de se fournir en farine et autres graines locales auprès des meuniers référencés. « Pour le reste, ils sont libres de choisir leur farine (conventionnelle, label Rouge, bio…), leur recette de pain (tradition, pain spécial…) et de le vendre au prix qu’ils veulent », insiste Benoît Havage.
Ainsi les boulanger se fournissent auprès d’un des quatre meuniers référencés par EPN, à savoir le pôle minotier de Biocer (Marcilly-la-Campagne), Moulin d’Auguste (Les Andelys), Moulin de Chérisy et Moulin des Osmeaux, basés à Chérisy. « Ces derniers sont situés et s’approvisionnent en blé tendre sur le territoire d’EPN ou dans un rayon de 40 kilomètres autour de l’agglomération », précise Benoît Havage. Les coopératives concernées sont principalement NatUp (Mont-Saint-Aignan) et son silo de Saint-André-de-l’Eure, mais également Biocer, spécialisé en agriculture biologique, et Sevépi (Douains).
Un projet bien accueilli par les boulangers
Le projet du pain "Bon & Local" d’EPN a été bien reçu par les boulangers de l’agglomération. « Si certains n’ont pas pu rejoindre la démarche en raison de contraintes techniques ou parce qu’il ne se fournissait pas auprès des meuniers référencés, les adhérents à ce projet fédérateur sont des boulangers qui veulent s’investir, en créant une nouvelle recette de pain qui met en valeur le blé produit sur le territoire de l’agglomération et écrasé par un meunier local », s’enthousiasme Emmanuelle Trémel, conseillère régionale et conseillère déléguée d’EPN, en charge des relations, de l’évaluation et du suivi du monde agricole. Et Benoît Havage d’ajouter : « Les boulangers référencés sont contents que le sujet du local soit pris à bras le corps par la collectivité publique. Pour eux, cette initiative permet également une reconnaissance de leur travail et de leur métier » (cf. témoignage de Pierre Grenet, ci-dessous).
Côté meunier, cette initiative est également bien perçue. « Ce référencement nous permet d’accroître notre visibilité en local, et de nous faire (re)connaître comme acteur du territoire sur les thématiques liées à l’alimentation et au développement durable. A terme, ce référencement pourrait également se traduire par le développement de nouveaux débouchés pour nos farines et graines », explique Guillaume Martin, responsable filières farines et grains conditionnés de Biocer.
La communication, la clé du succès
Afin de faire connaître cette démarche, l’agglomération propose aux boulangers référencés un kit de communication, avec notamment la création d’un logo "Bon & Local", applicable sur leur vitrine ou leur sacherie. « Mais pourquoi ne pas envisager un tote bag [sac en toile souple] aux couleurs de la démarche, pour limiter l’impact écologique et économique ? », s’interroge Guillaume Martin.
De fait, la réussite de cette initiative de pain "Bon & Local" dépendra en grande partie des actions marketing qui seront mises en place par l’agglomération. « Le projet étant en phase de lancement, les volumes de farines commercialisés dans le cadre de ce projet sont voués à augmenter au cours des prochains mois. Mais il est difficile de prédire la dynamique qui sera générée. Elle dépendra de l’intérêt des boulangers pour les farines que nous proposons, des actions de communication qui seront menées dans le cadre de ce projet mais aussi et avant tout de la réceptivité des consommateurs aux éléments qui leur seront présentés », souligne Guillaume Martin. Et Sébastien Dutacq, dirigeant de Moulin d’Auguste d’ajouter : « L’idée est que nous puissions communiquer sur cette initiative dans les semaines à venir, avec le soutien de l’agglomération d’EPN, porteur du projet, pour attirer de nouveaux clients boulangers. Ce sont des fers de lance, des locomotives qui vont permettre à la filière de se développer ».
Concernant l’apposition du logo "Bon & Local" sur les sacs de farine distribués aux boulangers référencés, rien n’est pour l’heure prévu par l’agglomération. Cependant au sein de Biocer, « le développement d’une sacherie spécifique est à l’étude, en lien avec les différentes parties prenantes du projet », indique cependant Guillaune Martin.
Cette démarche de pain "Bon & Local" d’EPN pourrait donner l’idée aux meuniers référencés de distribuer de la farine locale en petits conditionnements en boulangerie ou en grandes surfaces. Si ce projet n’est pas à l’ordre du jour d’EPN, les meuniers pourraient être intéressés. A l’image de Moulin d’Auguste : « Si nous ne proposons pas de sac de farine d’un kilogramme à destination des consommateurs dans le cadre de la démarche d’EPN, nous conditionnons déjà nos farines en sacs de trois kilogrammes par ailleurs, alors pourquoi pas ? »
TEMOIGNAGES
Pierre Grenet, boulanger de métier et propriétaire de trois boulangeries à Evreux (Le pétrin de Nétreville, Le pétrin de Navarre et Le Pétrin de Buisson)
« De moindres coûts d’approvisionnement »
« Contacté par l’agglomération Evreux Porte de Normandie, j’ai tout de suite répondu positivement à leur initiative de produire du pain "Bon & Local". J’ai décidé de m’approvisionner auprès du groupe coopératif Biocer. L’intérêt de cette démarche réside dans les moindres coûts d’approvisionnement et une meilleure traçabilité des matières premières. Une initiative qui tombe à pic en cette période de flambée des coûts de l’énergie. A titre d’exemple, Le pétrin de la Madeleine, que je viens de vendre, consommait en temps normal 2 500 € d’électricité par mois, pour 100 quintaux de farine transformés mensuellement. A l’occasion de la négociation du contrat triennal d’électricité avec le fournisseur, il y a deux mois, les mensualités ont été multipliées par huit ! A cette explosion des prix de l’énergie, il faut ajouter la nette hausse sur les derniers mois des prix des œufs (à 0,30 € la pièce), du beurre (à 10-11 €/kg) et la farine, qui a encaissé deux augmentations de 6 €/q en 2022 et qui devrait encore subir une nouvelle hausse tarifaire entre 3€/q et 6 €/q en ce début d’année 2023.
Pour fabriquer mon pain « Bon & Local », j’achète de la farine bio type 150, type 80 et de la farine Tradition de type 65. Les produits qui sont panifiés avec ces farines biologiques, plus onéreuses que les farines conventionnelles, sont de fait vendus un peu plus chers en boutique. A titre d’exemple, le surcoût de la farine bio de type 80 est de 0,60 €/kg par rapport à la farine conventionnelle, ce qui conduit à des prix de 1,50 € le pain complet de 200 g et de 3 € la pièce de 420 g. Des prix qui restent raisonnables ! »
Sébastien Dutacq, dirigeant de Moulin d’Auguste (Les Andelys, dans l’Eure)
« Attirer de nouveaux clients boulangers »
« J’ai pris connaissance du projet de création de la filière pain « bon et local » d’Evreux Portes de Normandie (EPN) par l’intermédiaire de clients installés à Evreux, qui ont été sollicités par l’agglomération EPN afin d’intégrer la démarche. J’ai référencé Moulin d’Auguste dans le projet car le « local » est l’ADN de notre entreprise. Quand j’ai repris la minoterie en 2003, un moulin plus que centenaire, j’ai voulu mettre en avant un périmètre d’approvisionnement en blé de 40 kilomètres et de livraison de farine de 50 kilomètres. Ainsi la démarche du pain « bon et local » d’EPN entrant complètement dans notre philosophie, Moulin d’Auguste avait toute sa légitimité de s’inscrire dans cette démarche. Par ailleurs, je suis persuadé que le circuit court à un grand avenir devant lui. Pour information, une démarche similaire a été lancée en 1997 avec la création d’une filière pain normand, qui regroupe agriculteurs, meuniers et boulangers régionaux.
De fait, le moulin appartient à l’agglomération Seine Normandie mais nous achetons notre blé à la coopérative Sévépi, qui se situe à 5 kilomètres du moulin et dont les silos les plus éloignés sont installés à 40 kilomètres de l’agglomération d’EPN. Ainsi je privilégie le blé en provenance de ces silos pour approvisionner les boulanger adhérents à la filière pain « bon et local » d’EPN. Ces derniers ont le choix entre trois types de farine produite avec du blé conventionnel sans insecticide de stockage, du blé label Rouge et du blé biologique. Les trois références leur sont vendues aux prix habituels.
Pour l’heure, cinq de nos boulangers se sont inscrits dans la démarche du pain « Bon & Local » d’EPN, ce qui représente 7 000 t de farine locale vendues par mois. L’idée est de pouvoir communiquer sur cette initiative dans les semaines à venir, avec le soutien de l’agglomération, porteur du projet, pour attirer de nouveaux clients boulangers. Ce qui serait bienvenu en ces temps difficiles. En situation normale, nous payons 60 000 € d’électricité par an. En 2022, nous allons flirter avec les 300 000 €, hors dispositif gouvernemental d’amortissement et autre mesure d’allègement des coûts. Soit une multiplication par cinq de nos coûts énergétiques ! En 2021 et 2022, nous avons dû réhausser le prix de nos farines en plusieurs fois et de façon plutôt raisonnable. De fait, si les cours du blé - notre premier poste de coût - ont doublé depuis le début de la crise, nous n’avons pas répercuté la totalité du surcoût de notre matière première sur nos produits finis. Nous avons effectué quatre hausses tarifaires, soit deux par an, pour aboutir à un renchérissement du prix de notre farine de 30 % par rapport à mars 2021 ! En 2023, il y aura peut-être d’autres augmentations tarifaires. Même si le prix du blé décroît actuellement, il reste à un niveau élevé. De plus, il faut également prendre en compte la flambée des prix des emballages et des ingrédients. Par exemple, le prix du gluten a doublé en raison de la flambée des coûts de l’énergie. »