La vente directe de grains assouplie par la suppression de l’agrément
Commercialisation – La nouvelle procédure concernant la vente des grains ne devrait pas remettre en cause le paysage commercial existant
PLUS DE LIBERTE dans la commercialisation des grandes cultures, c’est ce que semble permettre le nouveau système d’autorisation de vente effectif depuis début novembre. Pour se mettre en conformité avec la réglementation européenne, l’agrément des pouvoirs publics autrefois nécessaire pour toute opération de transaction n’est plus nécessaire. Dorénavant, les collecteurs de céréales doivent simplement déposer une déclaration auprès de FranceAgriMer, pour une inscription effective dans les 15 jours. Ainsi, les producteurs peuvent vendre directement leurs grains plus aisément. Certaines conditions restent de mises, mais les modalités sont moins contraignantes. Peu médiatisé, ce changement intervenu à la suite d’une décision de FranceAgriMer du 9 novembre a été salué par l’Organisation des producteurs de grains, qui y voit « une avancée notable pour tous les agriculteurs » et la fin d’un « système archaïque et anticoncurrentiel », dans un communiqué du 24 novembre. Pour de nombreux opérateurs de la filière, cette nouveauté n’aura qu’une incidence à la marge sur le marché.
Moins de contraintes pour les producteurs
En remplissant la déclaration prévue à cet effet, tout producteur de céréales peut vendre directement sa production. Par ce document, il s’engage sur l’honneur à tenir une comptabilité, respecter la réglementation relative au paiement comptant des céréales et surtout à opérer les prélèvements et reversements des taxes et cotisations en vigueur. Il devra aussi fournir des états statistiques et faire usage d’équipements permettant d’assurer la loyauté des transactions commerciales. Les termes de cette dernière disposition dispense le producteur d’être propriétaire du matériel. Enfin, l’inscription au registre du commerce est obligatoire.
Pour de nombreux opérateurs, cette réforme n’entraînera pas d’afflux massif des producteurs dans la chaîne de commercialisation en lieu et place des traditionnels organismes stockeurs. « Depuis environ une année, il n’y avait plus de limite pour le stockage, donc cette nouvelle procédure n’aura pas une grande incidence. Celui qui désirait stocker sa production pouvait déjà le faire. La vraie question est celle du paiement des taxes pour dédouaner la marchandise. Il sera à la charge du vendeur, donc de l’agriculteur qui désire vendre en direct. Et il n’est pas sûr que les agriculteurs souhaitent s’engager dans une gestion aussi lourde », explique Sylvain du Peyroux, directeur général d’AgriCote, courtier spécialisé en vente directe, de l’agriculteur vers l’industriel. « Concernant notre activité de courtage, la déclaration plutôt que l’agrément ne changera pas grand chose », assure-t-il.
Cette évolution pourrait même s’avérer bénéfique pour les coopératives. « Compte tenu des normes toujours plus importantes et plus contraignantes, les coopératives resteront la clef de voûte de l’approvisionnement. Certains industriels refusent déjà de se fournir en direct. De plus, la majeure partie du marché concerne des contrats à prime indexés sur le marché à terme. Il n’est pas certain que tous les agriculteurs maîtrisent ce type de commercialisation. Enfin, cette ouverture du marché aux agriculteurs aura sans doute un effet bénéfique car ils seront davantage responsabilisés vis-à-vis de la réglementation et des contrats. Et certains pourront mesurer l’intérêt et le savoir faire des coopératives ainsi que des services qu’elles proposent. Finalement, cette nouvelle procédure pourrait entraîner une revalorisation du système coopératif », estime Edward-H. de Saint-Denis, courtier chez Plantureux et associés.
Les coopérateurs sereins
Pas de changement fondamental pour le secteur coopératif qui n’y voit qu’une évolution formelle. « Ce n’est qu’un simple changement de procédure qui répond à la mise en conformité de la loi française avec la directive Service, mais il n’y a pas de révolution », note Vincent Magdelaine, directeur de Coop de France Métiers du grain. « Une brèche a été ouverte c’est sûr, mais cette nouvelle procédure n’exclut pas les contrôles », estime pour sa part Baudouin Delforge, président du groupe Cavap Vanagri et de la Chambre arbitrale internationale de Paris. D’ailleurs, « le risque de hausse des litiges n’est pas à exclure », s’inquiète-t-il, « non pas en raison d’une quelconque mauvaise foi des producteurs mais tout simplement en raison de la méconnaissance des contrats et des obligations qui en découlent. On a déjà connu ça lors de l’entrée de nouveaux membres de l’UE ».