La recherche se défend
S’estimant victime du Grenelle, le Gnis a organisé un colloque consacré à la communication
PEURS. « Le Grenelle de l’environnement a été un révélateur des questions que se pose la société vis-a-vis de l’agriculture et de son impact sur l’environnement (…). Malheureusement, l’incompréhension, et surtout la méconnaissance, sont toujours présentes, et on a pu entendre beaucoup de contre vérités ». C’est en ces termes que Robert Pellerin, président du Groupement national interprofessionnel des semences et plants, a introduit le colloque « Semences et sociétés », organisé le 20 avril et consacré aux liens qu’entretiennent le secteur privé des semences et la société civile. Une relation qui, à en croire les intervenants, a été biaisée par le lobbying des écologistes lors de la grande messe environnementale de la rentrée 2007. L’occasion aussi pour la filière semences de faire son mea-culpa, elle, qui, au même titre qu’une partie de la recherche et du secteur agricole, estime avoir payé au Grenelle un certain manque de communication vis-à-vis du grand public, quand d’autres n’ont fait que brandir l’étendard de la peur pour se faire entendre, selon les participants du colloque. Pour accompagner les congressistes dans cette réflexion, le Gnis a invité le philosophe Luc Ferry, Marion Guillou, directrice de l’Inra, et Daniel Segonds, vice-président du Gnis et président du directoire de RAGT semences, à s’exprimer sur le malaise d’une partie de la recherche agronomique.
Grenelle de l’environnement malmené
Invité à débattre des attentes de la société, Philippe Pinta, président d’Orama, a rappelé l’importance de la recherche agronomique en insistant sur son rôle pour répondre au « devoir d’alimenter la planète ». « L’augmentation de la productivité à l’hectare, nous la devons à 50 % à la recherche variétale », a-t-il reconnu. Particulièrement mal vécue par les producteurs de grande culture, l’initiative du Grenelle de l’environnement a été vivement critiquée. « Je suis anti débat public. La Vox populi, c’est la chienlit », a t-il lâché. Pour lui, la recherche doit être soutenue afin de faire évoluer la qualité technologique des grains, et accroître « la régularité des rendements ». La génomique pourrait y répondre, « surtout au vu des changements climatiques qui s’annoncent. Il y a aura de quoi faire », a assuré P. Pinta.
Pour lui succéder sur le thème des attentes sociétales, c’est un Luc Ferry très remonté contre les marchands de peur qui s’est adressé à une assistance conquise. L’ancien ministre de l’Education nationale a dénoncé une certaine façon de faire de la politique : celle qui consiste à jouer sur les peurs des citoyens français. Le principe de précaution, « n’a rien à faire dans la constitution française », a estimé le philosophe. Quant au Grenelle, c’est un évènement qui n’a « rien de républicain » et est « purement communicationnel ». L’actuel résident de l’Elysée et son prédécesseur apprécieront. Les organismes génétiquement modifiés, unanimement défendus lors du colloque, ont d’après l’ancien ministre fait les frais des écologistes. « C’est le manque de maîtrise de la technologie qui fait peur ». L’occasion pour lui de faire un parallèle avec le recul du nombre d’étudiants en biologie végétale. Luc Ferry explique ce phénomène par deux raisons, dont l’association de la recherche aux mythes de « Frankenstein ou du docteur Folamour, car la science est associée à l’idée de risques ». « Il faut dire aux anti-OGM que s’ils continuent, ils seront responsables de la mort de millions de personnes plus tard », a conclu Luc Ferry.
Eléments de réponses de la recherche
La deuxième partie de la matinée était consacrée aux travaux passés de la recherche et surtout ceux à venir. Le président du directoire du Gnis, Daniel Segonds, a vanté les mérites de l’industrie semencière : « Les boulangers actuels seraient incapables de faire du pain avec des variétés anciennes ». Il a déploré l’absence de recherche sur certaines « espèces orphelines » qui vont « décrocher au risque de disparaître du paysage économique, comme le pois ». Il a également souligné toute la difficulté de répondre aux besoins des agriculteurs et de l’industrie, compte-tenu du délai entre le lancement d’un programme de sélection et la commercialisation d’une nouvelle semence, qui prend plusieurs années. « Le marché sera t-il encore porteur quand la semence sera prête ? ». Quant aux attentes de la société, le vice-président du Gnis a reconnu avoir « des doutes sur le poids à donner à l’attente sociétale ». « Il ne faut pas donner la parole à des incompétents », a-t-il déclaré, mais plutôt « redonner confiance aux chercheurs. Certains sont traumatisés par les arrachages. C’est cinq ans de recherche perdues », a-t-il dénoncé en référence aux actions des faucheurs volontaires. L’occasion pour Daniel Segonds d’annoncer la délocalisation totale des essais OGM de la société française Biogemma aux Etats-Unis, une information relayée chaque année depuis les premiers arrachages mais souvent infirmée. Contactée par la Dépêche, l’entreprise de biotechnologie n’a pas confirmé les propos du vice-président du Gnis. Marion Guillou a de son côté insisté sur la necéssité de poursuivre les essais transgéniques en plein champ, et a défendu une vision large de la recherche. « Notre ambition : rester compétent pour être capable de gérer la coexistence de toutes les agricultures. On travaille peu sur les OGM pour l’instant car la demande est limitée, mais il faut être prêt pour demain ».