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Marché international des grains
Malgré une récolte limitée, le blé argentin pourrait approvisionner l'Algérie

La sécheresse en Argentine l’a privée d’exporter du blé cette année. Partie remise avec le passage de La Niña à El Niño et le joker blé OGM joué contre vents et marées.

© DavidRockDesign (Pixabay)

Malgré la piètre récolte de blé attendue en Argentine, les blés de la Pampa devraient pouvoir traverser l’Atlantique et le Pacifique et parvenir aux ports de l’Algérie et de la Corée du Sud (dix, vingt Panamax de part et d’autre, guère plus). Et pas seulement fournir leur principal débouché à l’export qu’est le Brésil et de manière résiduelle les autres pays voisins.

Le faible niveau de la production s’explique par un climat sec durant le printemps et l’été austral, et par des épisodes de gelée advenus en octobre au sud de la province de Buenos Aires. Des évènements qui ont amené à revoir à la baisse les pronostics de moisson de 20 à 15, puis à 12 millions de tonnes (Mt) – moyenne des prévisions des trois sources locales qui font autorité au plan national * –, soit une contre-performance de 10 Mt par rapport à la campagne précédente.

Une offre argentine de 6,5 Mt pour l’export

La percée des blés argentins 2022 sur le marché international ressort du témoignage d’un gros exportateur basé en Argentine et du président de l’inter-filière argentine du blé, Argentrigo, Miguel Cané, interrogés par La Dépêche Mag le 29 novembre 2022 à Buenos Aires. Du bout des lèvres, ils relativisent les commentaires sur une récolte catastrophique, laquelle n’en restera pas moins mauvaise. Faute de pluie en région pampéenne, l’Argentine a raté l’occasion d’exporter cette année, avec les déboires de l’origine ukrainienne et des prix porteurs.

Pour rappel, l’offre de blés argentins à l’export avait été de 10,7 Mt en 2020, de 11,7 Mt en 2021 et de 15,3 Mt en 2022. Elle ne serait que de 6,5 Mt en 2023.

L’issue de cette campagne céréalière 2022-2023 s’est jouée, comme les précédentes, au mois de décembre, dans le sud-est de la province de Buenos Aires, temps fort des récoltes dans le principal bassin céréalier du pays. Or, la coordinatrice d’Argentrigo, Esmeralda Gorritti, a constaté, lors d’une visite organisée par le port de Bahía Blanca, « des prévisions de rendements inférieurs de 25 % par rapport à l’an dernier dans les régions Mar et Sierra de la province de Buenos Aires, de l’ordre de 30 quintaux par hectare au lieu de 40 l’an dernier. Alors qu’à l’extrême sud de ladite province, les rendements moyens auraient doublé par rapport à l’an dernier, tandis qu’ils seraient stables dans la pampa. »

L’hypothèse de moissons de blé argentines régulières à 25 Mt n’est pas à exclure, selon l’association rurale de Tres Arroyos

Le conseiller de la coopérative Cata (située à Tres Arroyos dans le bassin céréalier à 500 km au sud de la capitale argentine), Gonzalo Rodera, renseigne que les céréaliers, sont revenus « depuis cinq ou six ans à une gestion agronomique plus fine après l’ère du tout en semis direct et du tout traité au glyphosate dans le sillage du boom du soja Round Up Ready ». À cela, trois raisons : la multiplication des mauvaises herbes (adventices) résistantes au glyphosate ; le renchérissement de cette molécule ; l’adoption d’assolements plus variés au bénéfice de l’orge et du maïs. « Les rendements dans ce district de Tres Arroyos – près de 200 000 hectares y sont consacrés aux céréales d’hiver – dépendent surtout de la profondeur des sols, déterminée par l’horizon de tuffeau, ceux-ci allant de 3 à 5 tonnes par hectare en blé, et de 3 à 6 en orge », précise le conseiller de la coopérative.

Le président de l’association rurale de Tres Arroyos, Eugenio Simonetti, rapporte que « la spéculation des gros opérateurs (ABCD et Cofco, NDLR) limite la compétition entre acheteurs, car ils font main basse sur les récoltes pour les exporter et les revendre aux petits meuniers du coin qui, donc, ne se battent pas pour nous acheter nos récoltes. Ici, nous sommes dans le triangle des malteurs avec ces trois sites : Puan, Tres Arroyos et Bahía Blanca ».

« Cette année, c’est du jamais vu au niveau des prix, poursuit-il. J’ai commencé en tant que cultivateur en 1972 et ai connu une époque où le blé valait 60 dollars la tonne. Mais une telle hausse des prix, en début d’année, ça, jamais. » Son pair, Sebastián Tubia, confirme : « Le blé est passé de 180 à 300 dollars et plus, mais l’urée a augmenté de 370 à 1 400 dollars. Cette année, j’ai fait 450 hectares de blé et 300 d’orge, mais j’ai diminué les doses d’engrais. »

Pour sonder l’avenir, disons qu’après trois saisons marquées par un cycle dominé par le phénomène dit « La Niña », les experts locaux envisagent positivement les trois prochaines années. L’hypothèse de moissons de blé argentines régulières à 25 Mt n’est pas à exclure, selon eux.

* La Bourse aux céréales de Buenos Aires, la Bourse du commerce de Rosario et le secrétariat d’État argentin à l’Agriculture.

Présence des semenciers français
Le potentiel agricole argentin a de quoi encourager les quatre semenciers français présents en Argentine : Benoist, qui a révolutionné le marché des semences local avec un saut quantitatif notoire, en association avec Nidera, avec leurs variétés Baguette, lancées en Argentine au début des années 2000 ; Florimond Desprez, qui révolutionne aussi le marché en ayant prêté ses germoplasmes au laboratoire Bioceres qui y a greffé un gène de tournesol, des variétés OGM vendues librement depuis cette année ; Limagrain, apparu dans la foulée au milieu des années 2010 ; RAGT, depuis mars 2022, qui a racheté le semencier local Tobin, fort en tournesol, mais pris comme une rampe de lancement pour diffuser le large portefeuille de ce dernier semencier français venu en terre argentine.

 

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