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Interview de Patrick Vanden Avenne, président de la Fefac
« La libération des orges d’intervention par la Commission pourrait avoir un effet psychologique sur le marché »

Patrick Vanden Avenne Président de la Fefac (Fédération européenne des fabricants d’aliments composés)

La Dépêche-Le Petit Meunier : Quel sera l'impact de la hausse des prix des céréales sur le secteur de la nutrition animale européen ?
Patrick Vanden Avenne :
La flambée des cours nous a tous surpris. L’ensemble des opérateurs de la chaine alimentaire va subir les conséquences de cette envolée, dont on ne connaît pas la fin. Les avis des analystes divergent. Certains assurent que le niveau des stocks mondiaux et la production sont suffisants et que rien ne justifie une poursuite de la hausse. D’autres prévoient en revanche de grands mouvements, en termes de prix, comme d’échanges. Difficile dans ce contexte de faire des pronostics. Ce dont on est sûr, c’est que les prix ne redescendront pas rapidement.
    La production européenne d’aliments du bétail a reculé en 2009 et était attendue stable en 2010. La crise revient au galop avec cette nouvelle envolée des prix des matières premières. Il faut donc s’attendre à ce que les volumes reculent à nouveau dans les années à venir.

LD-LPM : Comment gérer cette tension extrême du marché des céréales ?
PVA :
Au niveau de la Fefac, nous avons appelé la Commission européenne à être vigilante et à prendre des mesures pour parer au plus presser. Nous lui avons en premier lieu demandé de suspendre temporairement les tarifs douaniers sur le sorgho, dont les importations sont taxées à hauteur de 11 e/t actuellement, de manière à ce que les industriels puissent s’approvisionner. Seconde revendication : que Bruxelles regarde de plus près le stock d’intervention pour que les 5 Mt d’orge disponibles soient réinjectées rapidement sur le marché. Le volume n’est certes pas très conséquent mais pas anodin non plus. Et cette libération pourrait au moins avoir un effet psychologique. La Commission a répondu qu’elle n’avait pas une vision assez claire de la situation et attendait que l’ensemble des récoltes soit engrangé avant de prendre une décision concernant l’écoulement des stocks d’intervention (cf Situation pas suffisament tendue selon Bruxelles). Nous restons en contact avec les instances européennes pour suivre l’évolution des marchés.

LD-LPM  : Défendez-vous la conservation d’outils de régulation au niveau de l’UE ?
PVA :
Nous sommes en concertation permanente avec les représentants de l’élevage et le Coceral sur cette question. Nous sommes tous partisans du maintien d’outils de gestion des marchés et opposés à leur abolition. Ces dispositifs restent utiles pour combattre une trop grande volatilité des prix des matières premières. Nous avons déjà connu un extrême en 2007 et 2008. A plus de 50 %, la tension observée cet été sur les céréales est déjà énorme. L’UE doit garder des instruments de régulation qui laissent le marché jouer tout en l’empêchant d’évoluer trop fortement et de laisser faire la spéculation galopante.

LD-LPM : Quelle est la place du marché à terme dans la gestion de ces marchés
survoltés ?
PVA :
C’est évidemment un outil intéressant, mais son utilisation est surtout limitée aux opérateurs des marchés céréaliers, très actifs sur Euronext. Les professionnels de l’élevage y sont beaucoup moins présents. Le développement des marchés à terme pour les produits finis d’origine animale pourrait les aider à gérer le risque. Mais les précédentes tentatives se sont soldées par un relatif échec. Les places électroniques européennes existantes, pour les porcs et les œufs notamment, sont trop peu fréquentées pour être efficaces. Les acheteurs n’y ont en particulier pas recours.
    Par ailleurs, les industriels du sud de l’UE n’ont pas pour habitude de se couvrir. Les Espagnols et les Italiens gèrent donc beaucoup plus difficilement la flambée. Ils subissent la crise à plein ! De plus, l’intervention sur le marché à terme a un coût trop élevé pour des petits opérateurs.
    Enfin, la dimension spéculative des marchés à terme n’est pas gérée et ils tendent à amplifier les tendances naturelles, à la baisse comme à la hausse, ce qui est dommageable pour les opérateurs intervenant sur le physique. Nous souhaitons que la Commission étudie de manière plus approfondie ces outils, pour conscrire cette volatilité notamment.

LD-LPM  : Quelle est la place de l’industrie européenne de la nutrition animale dans le monde ?
PVA :
Avec 150 Mt produites chaque année, notre industrie occupe une place importante à l’échelle internationale en raison d’une activité d’élevage très développée et assez sophistiquée en Europe. Les marchés de l’UE, arrivés à maturité, ne seront cependant pas les régions phares du développement des échanges en nutrition animale. Il faudra aller chercher la croissance ailleurs, et notamment en Asie et Amérique du Sud, qui réservent des taux de croissance spectaculaires d’ordre de + 5 à +10 % par an. De grandes sociétés européennes, dont certaines sont françaises d’ailleurs, commencent ou cherchent à développer leurs marchés en dehors de l’UE. Ils revoient leur organisation pour accompagner ce développement global de l’activité. Cela ne veut pas dire que le marché européen ne peut plus croître. Des opportunités sont à saisir à nos portes. Quand on parle d’Europe, il faut avoir une vision plus large que celle de la seule Union. La Fefac a associé de nouveaux membres, observateurs depuis 2004 : la Norvège, la Croatie, la Serbie, mais aussi la Turquie (2006) et la Russie (2010), terrains de développement important. L’élevage et la demande en aliments devraient fortement progresser dans ces 2 pays. Des industries locales se mettent en place et des entreprises européennes sont déjà implantées là-bas. La fédération russe, qui est venue se présenter lors de notre dernière assemblée générale début juin, annonce des volumes de l’ordre de 20 Mt d’aliments actuellement et table sur 30 Mt d’ici cinq ans et un doublement sous dix ans. Les autorités russes veulent développer l’ensemble des productions, de volailles mais aussi porcines. A 9 Mt, la production turque présente également un fort potentiel de croissance, surtout en aliments volailles. Il y a des chances à saisir pour les entreprises de l’UE.

LD-LPM : Lors de votre élection à la présidence de la Fefac vous avez mis en avant votre intention d’investir davantage l’association dans les travaux de recherche. Pouvez-vous nous en dire plus ?

PVA : En tant que fédération, nous devons veiller à favoriser la recherche avec l’objectif de concilier efforts de développement durable, en s’inscrivant dans l’agenda 2020, et maintien de la compétitivité. Pour combiner ces deux impératifs, il faut encourager la R&D au sein des sociétés, mais aussi que la fédération s’engage dans la recherche d’ordre précompétitif. Nous souhaitons par exemple que la Fefac prenne activement part à différentes plateformes technologiques, comme celle autour de l’alimentation et la consommation durables mise en place au niveau de toute la filière des denrées alimentaires UE et cogérée par la Commission. Des travaux qui profiteront à notre industrie. Nous nous engageons aussi à l’échelle mondiale et nous appuyons sur des partenariats avec des instituts de recherche, des universités et aussi, évidemment avec les associations nationales pour la recherche fondamentale et appliquée. Le but ? Disposer d’une industrie plus performante. Le plus grand défi des vingt prochaines années sera d’accompagner l’explosion de la consommation. Avec une hausse de 50 % de la population mondiale de 6 à 9 milliards d’habitants, mais aussi une progression du pouvoir d’achat en Asie et Amérique du Sud, qui se traduira par une plus forte demande en produits d’origine animale, les besoins en aliments du bétail vont croître de 50 à 100 %. Pour cela, il faudra trouver des ressources, que la R&D nous aidera à dégager.

LD-LPM : La fédération s’est également engagée dans la plateforme pour un soja dit responsable, la RTRS. Est-ce pour répondre à une demande de l’aval ou prenez-vous les devants ?
PVA :
Nous voulons être proactifs sur la question et promouvoir les matières premières s’inscrivant dans cette logique de développement durable. Dans ce cadre, nous allons développer au niveau européen un standard intermédiaire pour un soja durable, dès cette année. Nous prenons une position de pointe. Certains pays, comme le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Suède, le Danemark et la Belgique ont déjà mis en place des démarches semblables, avec des degrés divers d’exigence. En France, le sujet commence à éveiller quelques intérêts. Dans le sud de l’UE, l’idée mûrit plus doucement. Et à l’Est, cette préoccupation n’est pas encore d’actualité. Nous donnons l’exemple.  Certaines associations ont fixé des objectifs. A notre niveau, il est encore trop tôt. Nous devons avoir des perspectives claires et chiffrées. Quatre critères ont pour le moment été fixés pour le soja. Ils feront l’objet de contrôles sur place chez les producteurs. A terme, conformément au standard de la RTRS, ce sont 80 critères qui devront être respectés pour que le soja soit considéré comme durable. Les exigences évolueront donc progressivement. L’idéal serait que l’ensemble des matières premières soient produites de manière durable.

LD-LPM : Quelle est la position de la Fefac sur la question des OGM ?
PVA :
En tant que fédération, nous n’avons pas à émettre d’avis « idéologique » sur ce sujet. En revanche, nous dénonçons les problèmes générés par la limite de tolérance de présence fortuite d’OGM non-autorisés dans l’UE dans les importations. Elle est fixée à zéro, ce qui est intenable. S’il y a 0,01 % d’un OGM « non-autorisé UE » retrouvé dans une cargaison, elle doit être détruite. Le risque d’une petite contamination croisée est toujours présent, et ce, quelle que soit la matière première venant d’Amérique du Nord ou du Sud ! A chaque livraison, c’est comme si nous jouions à la roulette russe ! Et, les analyses laboratoires étant de plus en plus performantes, on trouvera de plus en plus de traces. Un jour, nous risquons de ne plus rien pouvoir importer ! Le marché du lin, qui est non-OGM, en a déjà fait les frais. L’approvisionnement protéique est en particulier menacé. Le risque nul n’existant pas, il faut adopter une tolérance technique. La majorité des Etats membres en est consciente. Nous avons donc bon espoir d’aboutir à un accord raisonnable.

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