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Marchés biologiques
La flambée des cours attise les inquiétudes

Tendus dans le sillage des marchés conventionnels, les cours des céréales et oléoprotéagineux biologiques traduisent aussi une progression de la demande, en France et chez nos voisins européens

A l’instar du conventionnel, les prix des céréales, oléagineux et protéagineux se sont raffermis par rapport à l’an dernier, mettant en effervescence une filière encore fragile.
La surface en céréales bio française s’est accrue de 10,2 % entre 2008 et 2009, pour  atteindre 103.448 hectares en bio et en conversion (chiffres Agence Bio). La récolte 2010 a évolué à peu près dans les mêmes proportions, selon les régions. Néanmoins, face à une demande soutenue et dans un contexte général tendu, le marché subit une forte pression, exacerbée par un manque de disponibilités, pour certains produits, hors frontières. Car la filière en grandes cultures bio française reste encore déficitaire et doit compléter ses approvisionnements sur les marchés extérieurs. Mais cette année, le contexte n’est pas si favorable. « Les pays de l’Est ont subi des aléas climatiques exceptionnels, froid, pluie, qui ont nui aux cultures, au colza, maïs, blé, tournesol…, explique un exportateur d’Outre-Rhin. En Allemagne, la récolte s’est faite dans des conditions difficiles, et la qualité boulangère des blés n’est pas au rendez-vous. » Premier pays consommateur bio d’Europe, l’Allemagne se voit donc contraint de compléter, par des achats à l’extérieur, en Italie en priorité, mais aussi en France en grand épeautre, seigle mais aussi  blé meunier… « En France, les organismes stockeurs, selon les régions, annoncent également des baisses de rendements en blé et autres céréales, hormis en orge », détaille un expert du comité de FranceAgriMer. Les mauvaises conditions climatiques locales, précipitations, températures hivernales ou sécheresse selon les régions, sont également incriminées. La récolte de tournesol s’annonce très faible, celle de maïs, très inégale.

Une collecte en hausse

 Pourtant, le premier suivi mensuel de FranceAgriMer sur cette campagne, tout juste rendu public, dévoile une progression globale de  la collecte de céréales (blé tendre, triticale, orge) de 17 % sur les deux premiers mois (juillet-août), par rapport à l’année précédente. La collecte de triticale, par exemple, fait un bond de 35 %, celle du blé tendre de 26 % (seule l’orge régresse de 9 %). Et ce, malgré cette baisse de rendements évoquée dans presque toutes les régions, allant de 10 % à 15 % en région Centre, Pays-de-la-Loire, Bretagne, Lorraine ou Poitou-Charentes, à moins 20 % en Bourgogne, moins 30 à 35 % dans le Sud-Est. « Dans ce contexte, cette progression des volumes peut s’expliquer par la hausse des surfaces converties des deux années précédentes, donc des apports en C2, marchandise issue de la deuxième année de conversion, voire de la première année, tout dépend de la date d’entrée en conversion », note un expert.
 Comme la réglementation bio accepte jusqu’à 30 % de C2 dans la formulation des aliments pour animaux, on pourrait s’attendre à ce que le marché en céréales fourragères ne soit pas tellement plus déficitaire que l’an dernier. D’autant plus qu’une possibilité de dérogation court depuis début juillet dans la région du Grand Ouest, suite à la sécheresse, jusqu’à la prochaine mise à l’herbe en 2011, pour accepter la possibilité d’utiliser jusqu’à 50 % de fourrages non biologiques dans la ration d’animaux en production sur la période.

Bond des utilisations

 Ainsi, les utilisations augmentent, comme le confirme FranceAgriMer, en enregistrant sur le début de campagne des hausses de 6 % en meunerie et de 12 % chez les Fab. La mise en place de nombreux élevages, notamment  en poules pondeuses, volailles de chair et porcs, exerce une forte pression sur le marché. De plus, les conversions en bovins laitiers sont nombreuses. Au quatre coins de l’Hexagone, des usines d’aliments augmentent leur capacité de production et de nouvelles unités se créent. A noter que le bilan de la campagne 2009/2010 détaille une collecte en céréales (les trois principales, additionnées au maïs) de 152.204 t pour des utilisations à hauteur de 79.608 t en meunerie et 80.527 t en aliments pour bétail. On s’attend à une hausse sensible des besoins de ces secteurs en 2010/2011, dopée par une grande distribution friande de produits bio.

Cours sous tension

 En blé meunier, malgré la progression de la collecte, les disponibilités n’auraient pas augmenté dans les mêmes proportions, le C2 n’étant pas admis en alimentation humaine. L’association de la meunerie française table néanmoins sur plus de 55.000 t (volume de la campagne précédente). La baisse des rendements – estimés l’an dernier à 32 q/ha en moyenne – se conjugue néanmoins avec une hausse de la qualité. En Bourgogne, la coopérative Cocebi indique de bons taux de protéines, tout comme son homologue, Probiolor en Lorraine qui se réjouit de proposer des blés entre 11 et 14 %. « Mais ces résultats varient selon les régions. Nous devons procéder à des mélanges pour disposer d’un maximum de volumes. »
Dans ce contexte, les cours sont sous tension, avec des transactions limitées. Alors que les stocks de début de saison sont plus bas que les années précédentes (en blé tendre par exemple, 15.500 t fin juin 2009 contre 20.000 t fin juin 2008, soit moins 23 %), les acheteurs, meuniers et fabricants d’aliments, jouent la retenue. « Le marché est tendu, les cours ont subi une forte hausse dans le sillage du conventionnel, mais il faut savoir raison garder, pour ne pas mettre à mal la filière », craint Jean-Louis Dupuy-Couturier, coprésident de la section Bio de l’AMNF. Au cours de la campagne 2009/2010, plus de 30.000 t de blé tendre ont été achetées hors frontières pour combler le déficit. Cette année, le scénario pourrait se répéter, mais au regard des mauvaises récoltes dans l’est de l’Europe et en Allemagne, les origines pourraient être plus lointaines. « Ce n’est pas une situation favorable ni au bilan carbone, ni à la sécurisation de la filière, note un opérateur. Mais le contexte est exceptionnel. Avec l’élan de conversions enregistré en 2009 et 2010 (cf. encadré ci-dessous), les prochaines années seront certainement moins tendues. »

Inquiétudes

 Pour l’instant, la filière s’inquiète surtout par manque de réelle visibilité : les chiffres de collecte annoncés reflètent-ils la réalité ? Que représentent l’autoconsommation et les ventes directes de la ferme ? Quelle est la part achetée hors Hexagone et non enregistrée ? L’envol des cours ne va-t-il pas nuire à l’équilibre des entreprises, fabricants d’aliments et meuniers ? Le lien au sol “régional”, imposé à 50 %, pourra-t-il être respecté ? « Nous sommes contraints par la réglementation bio d’acheter au moins la moitié de nos matières premières entrant dans la composition des aliments sur le territoire régional, rappelle Denis Paturel, président de Agrobio Europe, société de collecte basée en Côte d’Armor et principal fournisseur de l’usine d’aliment Moulin du Poher. Nous l’avons toujours respecté en étant souvent bien au dessus de la proportion imposée, mais cette année, à défaut d’avoir de la marchandise disponible sur place, nous serons contraints d’aller l’acheter ailleurs. » Un constat que confirme François Bouchet, directeur du Moulin du Poher, qui s’estime otage de cette disposition. « La Bretagne est pénalisée par son éloignement des frontières avec d’autres pays producteurs. C’est pourquoi, l’obligation d’acheter déjà le soja à l’extérieur, en raison du manque de disponibilités du tourteau en France, nous contraint à nous approvisionner sur place en céréales. Mais pas à n’importe quel prix !» Alerté de ce risque, l’Inao n’a pas encore donné suite. D’ores et déjà, le prix de l’aliment bio du bétail s’envole. Il pourrait bondir de 50 € à 70 € la tonne supplémentaire. Qui va payer la facture ?

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