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Moisson 2024 : le point sur la qualité et les rendements en blé tendre et orge par région

Les diverses sources privées contactées par la rédaction de La Dépêche Le petit meunier rapportent en blé tendre et en orge, une baisse significative des rendements par rapport à l’an dernier, des poids spécifiques assez faibles et des lots contenant des impuretés : ray-grass, liseron, etc. Toutefois, les travaux de récolte ne sont pas terminés en blé tendre et en orge de printemps, et les résultats peuvent encore évoluer.

© patleem-Pixabay

Avec Adèle d’Humières et Karine Floquet

La récolte française de blé tendre continue d’être perturbée par les intempéries. Les opérateurs interrogés les 24 et 25 juillet, sous couvert d’anonymat, sont assez unanimes : les volumes hexagonaux devraient se situer proches du niveau traumatisant de 2016, c’est-à-dire à environ 26-27 Mt en cette année 2024. La qualité des lots s’avère très disparate, ce qui nécessitera un travail important de ségrégation de la part des organismes stockeurs (OS). En orges, les résultats sont assez semblables. L’ensemble des données collectées et publiées sont amenées à évoluer, la récolte étant encore loin d’être terminée.

Lire aussi : "Moisson 2024 : le rendement en blé tendre français serait-il surévalué par la Commission européenne ?"

Rappelons tout d’abord que les précipitations incessantes durant l’automne et l’hiver 2023 ont fortement réduit les surfaces semées de blé tendre, aujourd’hui évaluées à 4,2-4,3 Mha, contre près de 4,75 Mha l’an dernier. Puis, les pluies se sont poursuivies durant le printemps et l’été, engendrant, entre autres, retard dans les coupes, apparition de maladies…, qui ont dégradé les potentiels productifs mais aussi les qualités. 

Lire aussi : "Moisson 2024 : la récolte de blé tendre attendue sous les 30 Mt pour la troisième fois en vingt ans"

Récolte de blé tendre réalisée à 41 % au 22 juillet, selon FranceAgriMer

Selon le bulletin hebdomadaire Céré’Obs de FranceAgriMer du 26 juillet, la récolte nationale de blé tendre est effectuée à 41 % au 22 juillet. Les conditions de culture sont jugées bonnes à très bonnes dans 50 % des cas seulement (52 % la semaine antérieure), contre 78 % l’an dernier à pareille époque. Depuis, les coupes ont encore avancé, malgré les pluies qui ont à nouveau freiné les travaux. En orge d’hiver, la moisson est achevée à hauteur de 93 % (99 % l’an dernier à la même période), contre 31 % pour les variétés de printemps (85 % l’an dernier à pareille époque).

Pour le moment, des rendements en baisse annuelle de 15 % à 20 % en blé tendre

Ainsi, la rédaction de La Dépêche Le petit meunier a pu collecter des échos significatifs sur le profil de la récolte hexagonale 2024. Mais il faut le remémorer : ces chiffres de productivité ainsi que les données qualitatives sont encore sujets à d’importantes évolutions. Un des experts contactés se veut d’ailleurs rassurant : « les besoins des industriels - meuniers et fabricants d’aliments pour animaux (FAB) - et des exportateurs seront couverts ». Un deuxième complète de la manière suivante : « la qualité des blés n'est pas fantastique, ni catastrophique, mais problématique »

Lire aussi : "Moisson 2024 : les estimations s'affinent pour le colza" 

Les acteurs du marché interviewés évoquent pour le moment une baisse d’environ 15 à 20 % des rendements de blé tendre, en moyenne, entre les récoltes 2023 et 2024 (et même plus proche des -20 % que des -15 %), avec une grande dispersion autour de cette fourchette. Certains parlent d’un repli de 10 %, alors que d’autres sont davantage à … -60 % !

Des baisses annuelles de rendements de 60 % dans certains secteurs !

Dans certaines régions de l’Ouest, la qualité meilleure qu’attendu

Du côté de la qualité, le principal souci est cette année le poids spécifique (PS). Si l’on cartographie les récoltes hexagonales, nous constatons, de façon très grossière, que la façade Ouest s’en sort globalement mieux qu’à l’Est. Toutefois, la forte hétérogénéité des situations doit tempérer cette affirmation. « Globalement, au sud de la Loire, si les rendements ne sont pas bons, il n’y a pas de problème majeur de qualité. Les départements du Cher, de l'Indre, une partie du Loir-et-Cher, l’ouest de la Vendée, la Charente et le Maine-et-Loire disposent de bons blés de meunerie. On trouve même des PS à 78 kg/hl dans l’hinterland de La Pallice », s'exprime un acteur local. Que l’on soit clair : « pas de problème majeur » ne signifie pas « pas de problème ». Mais il semblerait que ces départements, en termes de qualité, s’en sortent mieux qu’espéré. 

Un opérateur du Sud-Ouest confesse de son côté que « les qualités sont correctes en blé tendre. Le PS est de 76 kg/hl et on ne constate pas de gros problèmes sur ce paramètre. Idem en blé fourrager pour lequel le PS moyen est de 72 kg/hl ». Les rendements décrochent en revanche. Ce que confirme la Coordination rurale (CR) le 24 juillet dans un communiqué : « dans le Gers, les céréaliers récoltent en moyenne entre 40 et 45 quintaux de blé à l’hectare (q/ha), certains atteignent même péniblement les 30 q/ha, contre 60-65 q/ha habituellement »

« Dans le Gers, les céréaliers récoltent en moyenne entre 40 et 45 quintaux de blé à l’hectare, certains atteignent même péniblement les 30 quintaux contre 60-65 quintaux habituellement », selon la Coordination rurale

Si l’on remonte plus au nord dans l’Ouest, soit la Bretagne, un opérateur local évoque « des PS en blé fourrager qui tournent autour de 72-74 kg/hl sur Pontivy-Guingamp ». Un autre explique que « les qualités sont généralement bonnes dans les terres légères en Bretagne et en Normandie, qui ont pu ressuyer. Dans les terres plus lourdes et donc plus argileuses, c’est plus compliqué. Il existe des poches catastrophiques, comme dans le Perche, où les PS affichent à peine 72 kg/hl ». Là aussi, il précise que les qualités meunières sont majoritaires, mais juste en PS.

Deux tiers de blé meunier et un tiers de fourrager dans la Beauce 

Néanmoins, plus on se déporte vers l’Est, plus les inquiétudes quant à la qualité s’amplifient. « Dans l’Allier et jusque dans la région Rhône-Alpes, on compte actuellement environ un tiers de blé fourrager, et le reste de blé meunier. Les taux de protéine sont élevés, mais les PS atteignent à peine les 75 kg/hl. Dans la Beauce, il y a également environ un tiers de blé fourrager, avec un PS moyen de 74 kg/hl, et deux tiers de blé meunier, à 76 kg/hl de PS, 220 de temps de chute de Hagberg et 11% de protéine. Mais le PS à 76 kg/hl est tout juste atteint », détaille un analyste privé. Il affirme qu’un gros travail de ségrégation des lots sera donc à entreprendre par les OS.

L’éthanolerie s’adapte aux PS bas

Au nord de Paris, un expert local rapporte, sur un croissant très localisé incluant la Picardie, la Haute-Marne et le nord de la Marne, de mauvais résultats pour le moment. « On constate des baisses de rendements de 30 % annuellement. Les blés de meunerie sont souvent à 70-75 kg/hl de PS. Il y a peu de PS à 76 kg/hl. Au sud de la Marne, en dehors des volumes, c’est correct. Sur la côte maritime (mer du Nord), les rendements sont en recul mais la qualité est acceptable ». Un autre acteur autochtone, qui couvre la Marne, indique que « l’éthanolerie accepte des lots en 72 kg/hl base (sans pénalité), et jusqu’à 70 kg/hl minimum (avec pénalités), des réfactions plus importantes étant appliquées, de 1,5 % du prix par point de PS manquant contre 1 % en théorie. Je dirais que dans la Marne, nous sommes en moyenne à 74-74,5 kg/hl de PS, et 11,7 % de protéine, et un taux d’humidité de 12,5-13 % ».

Faibles taux de protéine en Lorraine

En Lorraine, « le blé est récolté à hauteur de 50-60 %. Le PS moyen est à 71 kg/hl et risque de baisser avec la suite de la récolte. Le taux de protéine est à 10,2 % soit un point et demi de moins par rapport à d'habitude », confesse un opérateur local. Un deuxième relève que dans le Rhin, « la qualité est honorable dans l’ensemble, mais les rendements décrochent d’un an sur l’autre ».

Un analyste pointe un autre problème : le manque de propreté des lots d’orges et de blés. « Les parcelles ont souvent été très salies par les mauvaises herbes. On rapporte la présence de liseron, de ray-grass... Il y aura un gros travail de nettoyage nécessaire de la part des OS, mais tous n’ont pas les équipements. D’importantes réfactions ne peuvent être exclues de ce côté », alerte-t-il.

« Il y aura un gros travail de nettoyage nécessaire de la part des OS, mais tous n’ont pas les équipements nécessaires. D’importantes réfactions ne peuvent être exclues de ce côté », rapporte un opérateur privé.

Des calibrages plutôt décevants en orge de brasserie

Du côté des orges brassicoles, les baisses de rendement sont aussi comprises entre -15 % et -20 % entre 2023 et 2024 concernant les variétés d’hiver à 6 rangs à l'échelle nationale, soulève un spécialiste. « Les terres légères tirent leur épingle du jeu, avec des rendements entre 5-5,5 t/ha, contre 6 t/ha en temps normal. Les terres riches, ou "bonnes terres", sont plus affectées par le temps humide qui a prévalu tout au long du cycle de développement des plantes : elles présentent en effet des rendements de 6-6,5 t/ha, contre 9 t/ha en temps normal, en raison de leur hydromorphie », indique-t-il. En termes de qualité, les calibrages sont jugés plutôt décevants, à seulement 80 % à 2,5 mm (contre plus de 90 % en temps normal), d’après la même source. « Si globalement les taux de protéine sont bons, il existe des excès, qui sont très localisés, dans une petite zone au nord de Paris », ajoute-t-elle.

Les résultats en orge de printemps seraient meilleurs. Du côté des qualités fourragères, les échos sont semblables aux blés : une forte hétérogénéité, avec des PS à 55 kg/hl, mais aussi du 63 kg/hl selon les secteurs. Néanmoins, les lots d’orges lourdes (plus de 65 kg/hl) ne devraient pas abonder.

Face à la mauvaise récolte de céréales, les divers syndicats (FNSEA – Fédération nationale des syndicats exploitants agricoles, JA – Jeunes Agriculteurs, CR – Coordination rurale) ont réclamé des aides auprès de l’État ces derniers jours. Reste à savoir comment le gouvernement va réagir. 

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