La filière blé dur demande le retour des aides couplées à la production dans le Sud-Est
Lors de la journée filière blé dur du 6 février dernier organisée par Arvalis à Aix-en-Provence, les différents acteurs se sont joints pour plaider pour la réintroduction des aides couplées à la production pour le blé dur dans les zones de culture traditionnelles.
Lors de la journée filière blé dur du 6 février dernier organisée par Arvalis à Aix-en-Provence, les différents acteurs se sont joints pour plaider pour la réintroduction des aides couplées à la production pour le blé dur dans les zones de culture traditionnelles.

Frédéric Gond, président du Comité de pilotage de la filière blé dur, a déclaré : « les producteurs de blé dur devraient bénéficier du soutien des pouvoirs publics, via des aides couplées à la production de blé dur ». Une position sur laquelle a renchéri Philippe Heusele, secrétaire général de l’Association générale des producteurs de blé (AGPB) : « Les aides couplées doivent contribuer à préserver la production dans les zones en déclin. Mais il faudra prêter attention aux possibles distorsions de concurrence entre États membres », a-t-il rappelé.
« Les aides couplées doivent contribuer à préserver la production dans les zones en déclin », selon Philippe Heusele, AGPB
Un levier pour relancer la production dans la zone traditionnelle du Sud-Est
Selon les acteurs de la filière dans le Sud-Est, le recul des surfaces est largement lié au retrait des aides couplées à la production dans les nouvelles versions de la politique agricole commune (PAC). « Depuis 2013, année du découplage des aides PAC à la production, 50 % de la sole a été perdue dans la zone traditionnelle de culture du blé dur, soit environ 100 000 ha », a ainsi déploré Édouard Cavalier, président de l’Association Blé dur développement, qui regroupe les différents acteurs de la filière dans le Sud-Est. Seule subsiste pour l’instant une aide couplée spécifique réservée aux exploitations des bassins Sud-Ouest et Sud-Est, qui est fixée à 59,50 €/ha pour la campagne 2024.
Une aide couplée à la production autour des 290-300 €/ha permettrait de lisser le résultat de l’exploitant.
« Une aide couplée à la production plus importante (autour des 290-300 €/ha dans ces zones, en ligne avec ce qui se faisait à l’époque), permettrait de lisser le résultat de l’exploitant et redonner envie au producteur de se lancer dans le blé dur », a ainsi avancé Édouard Cavalier. Ces aides concerneraient toute la France, avec cependant une spécificité plus marquée pour les zones traditionnelles où le potentiel de production n’est pas le même. L’Association Blé dur développement souhaite regagner ces 100 000 ha perdus d’ici cinq ans, « ce qui permettrait à toute la filière de maintenir ses outils », a déclaré son président. Celui-ci compte sur ces aides PAC pour atteindre cet objectif et enrayer ainsi la baisse des surfaces.
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Des surfaces en baisse de 35 % sur dix ans dans le Sud-Est
Dans le Sud-Est, les surfaces de blé dur ont reculé de 35 % en dix ans, passant de 67 000 ha en 2015 à 43 700 ha prévus en 2025 par Arvalis. Elles se montaient à 104 000 ha en 2000. L’érosion des surfaces dans la zone est décriée par les acteurs de la région. Une autre zone traditionnelle de production, le Sud-Ouest, est en proie également à une dynamique de baisse des surfaces, avec 57 100 ha prévus pour 2025, soit un repli de 45 % sur dix ans. Dans les autres bassins de production (Ouest-Océan et Centre), la baisse des surfaces est plus mesurée (respectivement -27 % et -8 %).

La filière blé dur du Sud-Est unie autour de cette proposition
« Toute la filière est alignée sur le même message et va voir le ministère ensemble », s’est félicité Matthieu Killmayer, animateur national de la filière blé dur pour Arvalis. Et du côté de nos voisins européens ? « L’Italie est très favorable aux aides couplées », a rappelé Frédéric Gond. « Pour la France, c’est plus compliqué. » Problème : l’enveloppe dédiée aux aides couplées est fermée pour le moment.
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Le blé dur, une culture incontournable pour les producteurs de la région
Le blé dur est en effet une espèce structurante pour la région Sud-Est, et ce, alors que les producteurs ont peu d’alternatives. « Nous avons perdu les deux tiers du volume de collecte en lavande, et le marché de la lavande et du lavandin s’est effondré. Les producteurs spécialisés n’ont pas d’alternative à l’exception du blé dur », s’alarme Bernard Illy, président de Duransia. Faute de rémunération satisfaisante en blé dur, ces surfaces finissent par être abandonnées : « une partie ne revient pas en production, et la déprise agricole augmente d’ailleurs le risque d’incendies », s’alarme Matthieu Killmayer.
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La baisse des surfaces en blé dur met en danger les coopératives de la région
« Depuis 2013, les silos sont à moitié vide. Pour l’instant, il n’y a pas encore eu de fermeture, mais des questions se posent », s’inquiète Édouard Cavalier. Et ce, d’autant plus que dans le Sud-Est, la substitution par d’autres céréales est quasi impossible. Les organismes stockeurs maintiennent leurs silos non sans restructurations et réorganisations. La situation est d’autant plus grave que les comptes de résultat des coopératives traversent une phase difficile. « La partie céréales est à zéro chez Arterris. D’autres activités non liées au monde agricole compensent, heureusement », avertit Édouard Cavalier. Pour l’instant, la coopérative souhaite maintenir le plus possible de silos, « afin de rester au service de l’adhérent ».
Tension sur les approvisionnements en semence
Les coopératives s’inquiètent également des conséquences de la baisse des surfaces sur la filière semences. Avec la baisse des surfaces, la taxe payée par les producteurs a été augmentée, selon Bernard Illy, président de Duransia. C’est pourquoi Édouard Cavalier plaide pour une obligation d’utilisation de semences certifiées dans le cadre des aides couplées à la production, afin de soutenir la filière. De plus, « les agriculteurs sont incertains, ce qui perturbe l'approvisionnement en semences, engrais, désherbages. Ils procèdent à l'achat au dernier moment selon la météo et la trésorerie disponible, ce qui complique la gestion de l'approvisionnement », selon Pauline David, ingénieure régionale Arvalis pour la Méditerranée.
L’aval de la filière s’inquiète aussi pour son approvisionnement
La région Sud-Est dispose en effet de plusieurs outils industriels : deux semouleries du groupe Panzani à Marseille, une usine de pâtes à Marseille et une de couscous à Vitrolles, un centre de recherche Panzani à Marseille, ainsi que deux ports céréaliers, Fos-sur-Mer et Port-la-Nouvelle.
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« La production permet de maintenir les outils de la filière », a rappelé Édouard Cavalier. Pour le moment, le recul des surfaces et de la production a porté un sérieux coup à la filière export de blé dur. « Il ne se passe plus rien dans le silo de Port-la-Nouvelle », déplore ainsi Édouard Cavalier.