« Il faudra rester attentif à la politique d’achats du Caire »
La Dépêche - Le Petit Meunier : Quelles conséquences le résultat de l’élection
présidentielle en égypte peut-il avoir sur ses achats de blé ?
François Gâtel : Il n’y aura pas d’effet significatif dans la mesure où le pays aura toujours besoin de se nourrir. L’Égypte consomme quelque 16 Mt de blé chaque année et en importe plus de 10 Mt. La non autosuffisance du pays ne va pas changer. Le parti au pouvoir n’a pas intérêt à ce que la population, au faible niveau de vie, n’ait plus accès au pain subventionné, le baladi, à la base de son alimentation. L’enjeu est trop important pour qu’un gouvernement prenne le risque de stopper les achats de blé. D’ailleurs, s’il y a bien une activité qui a traversé les événements politiques, c’est l’approvisionnement des moulins. Même au plus fort de la révolution, le Caire a lancé des appels d’offres et acheté. Les navires étaient déchargés, plus lentement néanmoins du fait de mouvements de protestation, et les meuniers et boulangers ont continué à travailler.
Ce qui pourrait changer, après la désignation du cabinet ministériel par le nouveau chef de l’État égyptien, est la forme que prend la subvention du pain et le soutien aux pauvres. La réflexion n’est pas nouvelle. Le système actuel, où l’État intervient dans les achats de blé, et la production de farine et de pain, est coûteux et inefficace. Il était déjà remis en question avant le soulèvement populaire. Il faudra être attentif aux pistes que le gouvernement privilégiera. Et à la façon dont l’État pourrait se désengager du processus d’achat du blé et de production de farine pour le pain subventionné, tout en continuant à assurer une aide aux plus démunis.
L’évolution de la part respective des achats publics du Gasc et ceux des meuniers privés sera à surveiller dans les mois à venir. En regardant dans le rétroviseur, on s’aperçoit que l’essentiel des ventes françaises est géré par le Gasc, rarement par les privés. En 2011/2012, il a assuré plus de 50 % des achats égyptiens. L’office a un cahier des charges rigide, qui n’est d’ailleurs pas allé en s’arrangeant ces dernières années, notamment en ce qui concerne le taux de protéines et l’humidité. Mais il commande de gros volumes, des navires de 55.000 - 60.000 t. Il mène aussi une stratégie d’ouverture de ses sources d’approvisionnement et a référencé un nombre croissant de pays fournisseurs, pour s’assurer en permanence d’acheter du blé au meilleur prix, compte tenu de son cahier des charges. Concernant le secteur privé, pour lequel il n’est pas question de référencement, les blés viennent essentiellement de Russie et d’Ukraine.