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BLE DUR Un marché littéralement tétanisé

Si les perpectives de production de blé dur sont bonnes, rien n’est joué au niveau de la qualité. La météo des prochaines semaines sera déterminante pour les récoltes européennes. Les opérateurs scrutent le ciel

BLOQUÉ. Déjà près de deux mois que le marché du blé dur affiche un encéphalogramme plat ! Un calme qui tranche avec l’ambiance survoltée qui a caractérisé cette campagne 2007/2008. De 277 $/t fob en début de campagne, les prix canadiens, principaux indicateurs du marché, se sont envolés pour culminer, fin février, à 1.045 $/t. Les prix se sont depuis détendus pour se stabiliser autour de 713 $/t. Le marché français a suivi le mouvement, avec des amplitudes cependant atténuées : de 290 $/t en début de campagne, les cours ont grimpé jusqu’à 805 $/t en mars. Ils sont depuis redescendus à 590 $/t avant que le marché ne s’éteigne. Une volatilité qui n’a pas été pour faciliter les échanges. La flambée des prix a fragilisé les industries de transformation. Elle a aussi nécessité, dans certains pays importateurs, la mise en place de mesures d’urgence. Tous les voyants sont au vert pour la prochaine campagne, au niveau quantitatif au moins. En effet, les surfaces ensemencées progresseraient dans la plupart des zones de production et la météo est jusqu’ici de la partie. Mais rien n’est fait, surtout en ce qui concerne la qualité ! D’où l’attentisme des opérateurs.

La moindre qualité de 2007 a pénalisé l’activité d’exportation

L’activité d’export française a été marquée, en 2007/2008, par un transfert des ventes sur pays tiers vers celles à destination de l’UE. En 2006/2007, le rapport entre les deux débouchés était équilibré, avec 700.000 t écoulées sur chacun d’eux. Pour la campagne actuelle, les clients européens devraient avoir absorbé 650.000 t alors que seules 430.000 t devraient avoir quitté les frontières de l’Union. Un recul surtout lié à la moindre qualité de la récolte engrangée en 2007 en France. Celle-ci présentait 15 % de grains mitadinés et fusariés. Cela a constitué un « obstacle majeur pour les ventes sur pays tiers » explique Xavier Rousselin de l’OniGC. Les Euro-péens, et en particulier les Italiens, qui excellent dans « l’art du mélange », s’en sont en revanche accommodés. Fin mars, nos ventes à destination du marché transalpin avaient progressé de 225.000 t à 293.000 t, selon l’OniGC. Une performance sans commune mesure avec celle des exportateurs nord-américains : les expéditions des Etats-Unis sur l’Italie ont bondi de 273.000 t à 411.000 t sur un an, et celles du Canada de 220.000 t à 445.000 t ! Rappelons que l’Amé-rique du Nord concentre 75 % du marché. Quant au Canada, qui assure à lui seul 50 à 60 % des échanges internationaux, c’est lui qui en est aux commandes. La France a par ailleurs vu son débouché allemand se développer, passant de 36.000 t à 67.000 t d’une campagne sur l’autre. Les ventes sur la Grèce ont également progressé de 25.000 t à 33.000 t, celles sur l’Espagne de 17.000 t à 27.000 t, et sur la Belgique de 44.000 t à 54.000 t.

Sur pays tiers, l’essentiel de nos ventes est parti sur l’Algérie (98 %), qui a commandé 280.000 t, contre 395.000 t en 2006/2007. Les achats ont principalement été gérés cette année par l’office national, l’OEIC. Les opérateurs privés sont restés sur la touche. Les ventes au Maroc sont restées anecdotiques. La moindre qualité a été rédhibitoire sur cette destination. Les consommateurs marocains sont en effet habitués à la Rolls, le blé canadien CWAD1, qu’il peuvent se procurer à un prix équivalent.

De bonnes perspectives de productions pour 2008

L’ancienne récolte a tiré sa révérence depuis plusieurs semaines, mais la prochaine campagne tarde à prendre le relais. Si les perspectives de production sont bonnes, des incertitudes persistent sur les profils qualitatifs. En France, avec des surfaces en léger retrait sur un an, la récolte est attendue à 2,2 Mt, contre 2 Mt en 2007. Et, alors que la marchandise était difficile à trouver –les intervenants évoquant même une probable pénurie– et que les prix avaient explosé, tous les blés n’ont pas été écoulés. L’OniGC table sur un stock de report de 164.000 t, soit trente jours d’utilisation. Les volumes disponibles devraient donc se situer à près de 2,3 Mt, dont 1,4 Mt de surplus exportable. Un chiffre qui s’est alourdi de 40.000 t en un mois.

D’une manière générale, les données sont optimistes sur l’ensemble de l’Europe du Sud. Les emblavements ont en effet progressé de 17 % sur un an et les conditions climatiques sont pour le moment clémentes. La sécheresse menace en revanche les productions en Afri-que du Nord et en particulier au Maroc. La météo, trop sèche et chaude, est également préoccupante en Syrie. Cependant, le pays, absent du marché mondial en 2007/2008, ne détiendrait que de très faibles réserves, et ne devrait donc pas être très offensif dans les échanges internationaux lors de la prochaine campagne. En Amérique du Nord, les producteurs auraient l’intention de semer environ 20 % de blés durs de plus qu’en 2007. Mais les semis sont en cours et il reste une forte marge d’incertitudes. Ce n’est qu’en août-septembre que tout se jouera.

Même si la récolte mondiale est attendue en légère hausse, les volumes disponibles ne devraient progresser que modérément, du fait de la faiblesse des stocks de report. Le marché devrait donc se détendre, mais rester soutenu et ne pas retrouver ses niveaux de début de campagne 2007/2008. Il s’est d’ailleurs déjà replié avant de s’éclipser. Les prix vont démarrer la campagne à des niveaux bien inférieurs aux derniers lots commandés. Mais à quel niveau ? C’est la grande inconnue. L’Es-pagne devrait sous peu revenir aux achats et donner le ton. Les cours devraient, en tout état de cause, se situer entre 200 et 350 €/t. Quelle précision ! Par rapport aux dernières cotations, la chute serait comprise entre 150 et 300 € ! Une décote qu’il va falloir gérer, comme s’en inquiète Jean-Victor Bregliano, directeur général de la semoulerie de Bellevue de Panzani, à Marseille. Et, souligne-t-il, les baisses sont plus vite répercutées sur l’aval de la filière que les hausses. Les consommateurs devraient, en 2008/2009, continuer à commander de petits volumes en se manifestant fréquemment aux achats. Un moyen de coller au mieux à l’évolution du marché et de lisser les amplitudes de prix dans le temps. Si en 2007/08, les courtes périodes d’engagement étaient le fait des vendeurs, sur un marché orien-té à la baisse, il sera de celui des utilisateurs.

En plein weather market

« S’il n’y a plus de risque quantitatif majeur, les six semaines à venir vont être déterminantes » pour la qualité, assure le dirigeant de la semoulerie de Panzani. L’an dernier, alors que la production s’annonçait sous les meilleurs auspices, « tout s’est joué dans les deux dernières semaines de juin », rappelle-t-il. « Nous entrons dans une période critique pour les cultures. Nous sommes en plein weather market », résumait un courtier du sud de la France. Du coup, « les acheteurs, qui tablent sur une baisse des prix, ne se précipitent pas ». Quant à savoir quelle sera la répartition entre les différents débouchés export, tout dépendra, là aussi, de la qualité. Chaque semaine sera déterminante, apportant son lot d’informations pour les prises de position. La bourse du sud de la France, qui rassemble de nombreux opérateurs de la filière, pourrait enfin faire émerger un marché.

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