La transmission d'un élevage de porcs s’anticipe très en amont
Le forum Porvéo s’est focalisé sur les bonnes questions à se poser en termes de stratégie d’entreprise pour augmenter ses chances de transmettre son élevage et partir dans les meilleures conditions.
Le forum Porvéo s’est focalisé sur les bonnes questions à se poser en termes de stratégie d’entreprise pour augmenter ses chances de transmettre son élevage et partir dans les meilleures conditions.
« C’est dès l’installation qu’il faut penser à la transmission », lançait Olivier Remigereau, responsable zone nord du groupement Porvéo de Terrena lors du rendez-vous annuel « l’Escale Porcine » à Laval, le 30 novembre dernier. Si cette affirmation peut surprendre, les arguments pour l’étayer ne manquent pas. « On sait qu’il y a potentiellement beaucoup plus de candidats cédants que de jeunes à installer. D’où l’enjeu de se poser les bonnes questions pour augmenter ses chances de transmettre son élevage dès le départ et à chaque phase de développement ou d’évolution juridique de l’exploitation. » Une porcherie a potentiellement plus de valeur si elle a un lien au sol « car ce dernier sécurise le plan d’épandage et permet de tamponner en partie la volatilité des matières premières. » Mais l’achat simultané de bâtiments de porc et de foncier peut être compliqué, particulièrement dans les régions où le prix des terres est élevé. Par ailleurs, si la maison d’habitation se trouve à moins de 100 mètres des bâtiments, le cédant est quasiment obligé de l’inclure dans la cession. L’une des difficultés est de définir un prix de reprise répondant aux objectifs du cédant comme du repreneur. Il faut trouver un compromis pour rendre l’exploitation attractive, tout en tenant compte de la conjoncture. Il existe plusieurs méthodes pour évaluer la valeur de reprise : la valeur patrimoniale selon l’âge du bâtiment, la valeur comptable basée sur le bilan ou la valeur économique. Cette dernière est la plus souvent retenue. Généralement inférieure à la valeur patrimoniale, elle tient compte de l’EBE des cinq dernières années, de la déduction de l’annuité de travaux et des prélèvements privés, et d’une marge de sécurité.
Une stratégie pour les dix années avant la cession
« Bien entendu, plus les bâtiments sont en bon état plus ils sont faciles à transmettre. Mais la question d’investir cinq à dix ans avant la retraite n’est pas toujours évidente », constate Olivier Remigereau. Sans investissement, l’outil et les performances vont se dégrader. En l’absence de repreneur, la problématique amiante reste à gérer. « La mise en sécurité des anciens bâtiments peut coûter très cher. » À l’inverse, investir permet de conserver un potentiel de résultats techniques, de bénéficier d’un outil plus confortable et de gagner en attractivité. Mais il restera des amortissements au moment du départ à la retraite. Et en l’absence d’un repreneur, faudra-t-il travailler plus longtemps ou prévoir un plan B ? « Dans tous les cas, il est essentiel d’intégrer la fiscalité à la sortie et d’être à l’aise dans ses choix pour ne pas les faire à reculons. »
D’autres aspects permettent d’augmenter ses chances de transmettre : l’accueil régulier de stagiaires, la présence d’un ou plusieurs salariés sur l’exploitation, les conditions de travail… sans oublier la positive attitude. « Même si la conjoncture n’y encourage pas toujours, parler de façon optimiste de son métier auprès de ses enfants et de son entourage plus ou moins proche, contribue forcément à donner une image positive et à susciter des vocations. » Un travail qui se fait sur le long terme….dès l’installation.
« Ne pas avoir peur d’investir »
« Alors qu’il me restait 3-4 annuités de remboursement suite à mon installation, j’ai fait le choix en 2015 de réinvestir à 40 ans pour passer de 150 à 235 truies naisseur engraisseur. L’objectif était de répondre à une problématique de main-d’œuvre. Cela me permettait d’avoir un salarié à temps complet qui soit spécialisé, compétent et qui puisse me remplacer, ce qui n’était pas possible auparavant avec un temps partiel. Au moment d’investir, se sont greffés des problèmes sanitaires. On a saisi l’occasion pour faire un dépeuplement/peuplement et revoir tous les plans des bâtiments pour améliorer la marche en avant et les conditions de travail. Au final, j’ai investi plus d’un million d’euros. C’est une prise de risques qui fait peur mais que je ne regrette pas. Serais-je dans la même situation si j’avais attendu 2018 en ayant passé une crise de plus ? Mes annuités sont de 31 c€/kg de carcasse, ce qui est beaucoup. En parallèle, mon prix d’équilibre a baissé de 6 c€/kg de carcasse, grâce à une amélioration des performances techniques, de la production et une baisse des frais de santé. Sans compter le gain sur les conditions de travail. On ne travaille plus dans l’urgence, on gagne du temps et en efficacité avec un poids sorti par UTH passé de 300 000 à 400 000 kg. »
Se remettre en cause à chaque départ d’un associé
Le Gaec des Ifs a mis en place une démarche atypique pour anticiper le départ à la retraite des associés. Situé à Teillé en Loire-Atlantique, il produit du lait (1,45 million de litres), des taurillons et exploite 260 hectares. Il est composé de cinq associés de 32 à 57 ans, dont la particularité est de n’avoir aucun lien familial à part un couple. « À chaque départ d’un associé, on se remet en cause. Faut-il changer la répartition des responsabilités et les tâches de chacun ? Faut-il investir dans de l’automatisation ou rechercher un associé ? », expliquent Jean-Paul Richard et Jacky Ploquin. « Nous faisons appel à un spécialiste en ressources humaines du CER pour nous aider à connaître les profils, les besoins et envies de chacun des associés. L’objectif étant de mieux travailler ensemble pour développer les projets d’entreprises. » Les clés de réussite d’un Gaec étant selon eux d’avoir des objectifs communs à moyens et longs termes, la convivialité et l’organisation. « La question du temps libre est importante, chaque associé ayant des responsabilités professionnelles ou privées, nécessaires pour l’équilibre personnel. À chaque changement d’associé, on s’inscrit au répertoire départ-installation (RDI) des chambres d’agriculture et on fait appel à un cabinet de recrutement pour nous aider à trouver le bon profil. » Ce fut le cas de Jacky, arrivé en 2016. « On sait qu’on n’a pas été retenu par hasard. C’est important d’être sûr que l’on va bien s’entendre avant de s’engager », explique-t-il. C’est désormais au tour de Jean-Paul de préparer son départ, bien en amont. Le futur associé, un jeune, est aujourd’hui en contrat de parrainage. « Cela permet de bien préparer sa transmission, sans attendre le dernier moment et de transmettre son savoir, si besoin. » Concernant le montage juridique de la structure, plusieurs entités ont été créées afin de sécuriser l’exploitation et anticiper la transmission : un Gaec pour la production, une SAS propriétaire des bâtiments et un GFA pour le foncier.