Aller au contenu principal

La suppression du repos hebdomadaire en agriculture fait polémique

Le décret permettant la suspension du jour de congé d’un salarié pour les productions récoltées manuellement en AOC et IGP fait débat. Cette mesure de simplification administrative est considérée comme dangereuse par les syndicats de salariés notamment.

Salarié saisonnier ceuillant des raisins Pinot noir durant les vendanges 2020 en Champagne.
Salarié saisonnier ceuillant des raisins Pinot noir durant les vendanges 2020 en Champagne.
© J.C. Gutner

avec Catherine Gerbod

Publié au Journal officiel le 10 juillet, le décret permet la suspension du repos hebdomadaire des salariés dans le cadre des récoltes « réalisées manuellement en application d'un cahier des charges lié à une appellation d'origine contrôlée (AOC) ou une indication géographique protégée (IGP) ». Il concerne toutes les productions, mais l’arboriculture et la viticulture sont particulièrement concernées.

A lire : « Comment j’ai choisi mes productions de légumes pour garder mes saisonniers agricoles »

 

Le décret apporte une simplification administrative

Une dérogation était déjà possible mais le décret permet aux agriculteurs en AOC et IGP d’y avoir recours sans demande préalable.

Selon l’article 714-1, les salariés ont droit à un repos hebdomadaire, généralement le dimanche, d’une durée minimale de 24 heures consécutives. Mais les exploitants pouvaient toutefois recourir au motif des « circonstances exceptionnelles » pour « travaux dont l’exécution ne peut être différée », afin de le suspendre. Le décret valide pour les récoltes manuelles AOC et IGP la caractéristique de circonstance exceptionnelle et exempte les exploitants des démarches administratives.

Une victoire pour Xavier Albertini, député Horizons de la Marne, qui rappelle que « chaque année, la filière [viticole] doit obtenir une dérogation », il se réjouit que la profession ait pu trouver « une réponse stable » pour « mettre fin à l’incertitude liée à l’obtention de la dérogation ou non ».

 

La durée des vendanges est courte

La sénatrice marnaise Anne-Sophie Romagny (Union centriste) se réjouit également, soulignant les contraintes de la filière viticole champenoise, « confrontée à de fortes contraintes qualitatives et techniques autour de la maturité du raisin », à quoi s’ajoute un « besoin massif de main d’œuvre » pour réaliser la récolte dans un temps très court, « 8 jours ». Les durées de vendanges sont toutefois très variables et peuvent aller jusqu’à un mois. C’est la limite pour la suspension prévue par le décret, « une fois au plus sur une période de 30 jours ».

Lire aussi : Travailleurs saisonniers : que préconise le Cese afin de leur faciliter l'accès au logement ?

 

6 décès pendant les vendanges 2023

De leur côté, les syndicats de salariés s’insurgent contre ce décret, rappelant tout d’abord les décès survenus dans la Marne (quatre personnes des suites de malaises cardiaques) et dans le Rhône. « Les périodes de récoltes ont fréquemment lieu à des moments où la température est élevée », souligne le communiqué de la CFDT Agri-Agro, rappelant que des dérogations pour des durées de travail jusqu’à 60, voire 72 heures sont déjà autorisées. « En cumulant ces deux facteurs, l’absence de repos hebdomadaire peut être un risque pour la santé des travailleurs », conclue-t-il. « Alors que ces travaux particulièrement pénibles justifient amplement la prise d’un repos hebdomadaire », renchérit comme en écho l’Union syndicale Solidaires qui exige « l’abrogation du texte » : « c’est à la santé des travailleur·ses saisonnier·es que ce décret porte donc toujours plus atteinte ».

 

Les syndicats regrettent que le décret ne s’accompagne d’aucune contrepartie, notamment celle d’atteindre « l’obligation de résultat des employeurs en matière de sécurité ». La CFDT Agri Agro demande aussi le renforcement des contrôles lors des périodes les plus risquées.

Lire aussi : A quoi sert la CPHSCT en agriculture ?

 

Des solutions pour éviter le travail par fortes températures

Une des demandes syndicales est de limiter le travail par forte chaleur, « au-delà de 28 degrés », pour la CFDT.

Pour y répondre, certains vignerons se sont orientés vers les vendanges de nuit. De 5h45 à 9h ou de 4h à 10h, les exploitations qui sont passées à ce mode de vendanges témoignent de leur satisfaction, comme l’indique Nathalie Vancoillie-Vautrin, au domaine du Clos d’Alari, à Saint-Antonin-du-Var, « les conditions de travail sont bien meilleures ». Elle pointe aussi l’absence d’insectes, de coups de chaud, de transpirations et une plus grande concentration des vendangeurs, « il y a moins d’oublis parce que les vendangeurs sont plus attentifs » et « se dispersent moins ». La vigneronne indique que le surcoût lié au travail de nuit est compensé par la qualité du raisin récolté

Lire aussi : Les atouts de la vendange manuelle nocturne 

Les plus lus

Carte de la situation des eaux superficielles au 1er septembre 2025
Sécheresse 2025, l’irrigation limitée dans 45 départements : quelle carte des restrictions d’eau ?

L’été 2025 s’annonçait dès début juillet plus sec que la normale. Les arrêtés de restriction d’eau se multiplient depuis et la…

 Rencontre entre éleveurs et vétérinaires lors de la vaccination contre la DNC devant un lot de vaches.
Dermatose nodulaire contagieuse bovine (DNC) : l’Ordre des vétérinaires s’indigne « de prises de paroles irresponsables »

L’Ordre national des vétérinaires déplore dans un communiqué des propos tenus par certains membres de la profession contre la…

Bovin de profil présentant des nodules de dermatose nodulaire contagieuse sur la peau.
Dermatose nodulaire contagieuse bovine (DNC) : un deuxième foyer confirmé dans l’Ain, la zone réglementée encore étendue

Un nouveau foyer de dermatose nodulaire contagieuse bovine (DNC) a été confirmé dans l’Ain, samedi 6 septembre, dans un lot de…

Cartes des foyers de FC03 et FCO8 depuis le 1er juin 2025 au 12 septembre 2025.
Les cas de FCO 3 et 8 progressent à un rythme plus ralenti sur le territoire

Selon les derniers chiffres du ministère de l’Agriculture en date du 4 septembre, 4969 foyers de FCO de sérotype 3 et 2451…

Groupe de 10 agriculteurs s'exprimant dans un bar à Paris devant la presse
« La société civile est insouciante du risque que l’agriculture court » : 14 agriculteurs lancent un cri d’alarme et témoignent « à cœur ouvert »

Un collectif d’agriculteurs du grand bassin parisien se revendiquant « sans posture politique ou syndicale » exprime…

Vue de drône de parcelles agricoles en Seine-et-Marne
Quel prix des terres agricoles en 2024 par département ? Retrouvez le barème indicatif

Le ministère de l’agriculture a publié le 29 août au journal officiel un barème indicatif pour le prix des terres agricoles en…

Publicité