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La diversité intraspécifique est utile pour composer des mélanges pour prairies

L’Inrae a montré que sur cinq ans, les mélanges pour prairies les plus productifs et les plus stables sont ceux qui contiennent le plus de variétés différentes pour chacune des espèces présentes dans le mélange.

 © S. Bourgeois
© S. Bourgeois

L’Inrae de Lusignan dans la Vienne a publié récemment des résultats scientifiques très intéressants sur l’effet de la diversité intraspécifique, c’est-à-dire au sein de chaque espèce, pour la composition d’un mélange pour prairies. « Depuis 2015 (1), un essai est en place dans l’objectif d’évaluer son effet sur la production de biomasse, et de voir ce qu’on pouvait dire sur les mécanismes écologiques et évolutifs en jeu », a présenté Jean-Louis Durand, directeur de recherches à l’Inrae de Lusignan, à l’occasion d’une conférence de presse organisée par Jouffray-Drillaud. Cet essai était financé par l’Agence nationale de la recherche, piloté par Inrae et implanté au champ en microparcelles par Jouffray-Drillaud sur le site de Saint-Sauvent (Vienne).

Cinq mélanges de ray-grass, dactyle, fétuque, luzerne, trèfle violet, lotier et trèfle blanc ont été composés avec la même proportion de chaque espèce. Les trois premiers mélanges ne comportaient qu’une seule variété pour chaque espèce. Le premier était un mélange commercialisé par Jouffray-Drillaud. Le second était un mélange constitué des variétés élites choisies au catalogue. Le troisième rassemblait des variétés de type méditerranéen. Le quatrième mélange a été construit avec trois variétés pour chaque espèce, en choisissant des variétés aux caractéristiques proches et supposées adaptées au contexte local. Enfin, le cinquième mélange rassemblait cinq ou six variétés pour chacune des sept espèces du mélange, ces variétés ayant été choisies pour présenter des types morphologiques très différents.

Sur les cinq années d’essai, qui ont été marquées par des épisodes de sécheresse, la production annuelle de biomasse a évolué de façon comparable pour tous les mélanges. Elle croit entre la première et la deuxième année puis baisse régulièrement. Ceci est attribué au vieillissement de la prairie et aux épisodes de sécheresse subis à plusieurs reprises pendant les cinq ans de l’expérimentation. La hiérarchie entre les cinq mélanges pour la production de biomasse est restée la même sur les cinq années. Le mélange commercial s’en sort très bien. Celui constitué de toutes les variétés élite est clairement en dessous des autres. Le cinquième mélange, celui qui est le plus complexe, s’est révélé statistiquement au-dessus de tous les autres pour la production annuelle de biomasse. Il s’est également distingué assez rapidement au cours du temps par son équilibre : sa composition dans les sept espèces est restée bien plus stable dans le temps que celle des autres mélanges.

Avantage avec des variétés au rythme de croissance différent

Ces travaux ont également apporté un résultat important : plus les variétés sont semblables dans leur phénologie, c’est-à-dire dans le rythme de leurs phases de développement (montaison, épiaison, floraison…), moins la composition du mélange est stable dans le temps. C’est ce qui s’est passé dans le cas du mélange des variétés élites. Avec des variétés qui ne se développent pas sur le même timing, une complémentarité dans le temps est susceptible de s’opérer et on améliore la stabilité du mélange au fil des années. De plus, les chercheurs ont constaté que le rendement annuel s’est trouvé amélioré avec l’asynchronie des variétés. La proportion de légumineuses n’a pas été maintenue sur les mélanges de cette expérimentation, sauf pour le mélange le plus complexe qui présentait toujours le taux de légumineuses visé de 30 % à l’issue de la cinquième année.

C’est intéressant car les professionnels de la sélection des fourragères ne sont pas dépourvus pour aborder cette notion de phénologie, que l’on peut traduire par la précocité des variétés.

Le port ou la hauteur de développement des variétés à considérer

Un outil de génomique a été développé avec Jouffray-Drillaud pour pouvoir quantifier chacune des variétés qui avaient été semées dans chaque mélange au fil de l’essai. Chaque variété a par ailleurs été caractérisée par notamment sa taille (son port, sa hauteur de développement) ou encore sa résistance à des maladies.

Les chercheurs ont ainsi pu constater que dans ce mélange très complexe, pour le trèfle blanc, la variété la plus grande devenait moins abondante d’une année à l’autre, alors que la variété de taille intermédiaire, au port plus étalé, prenait petit à petit de l’importance. Elle allait chercher la lumière dans les trous du couvert. Inversement, dans le cas de la fétuque, les grandes variétés ont pris le pas sur les plus petites dans la végétation. Elles sont allées placer des feuilles à la lumière jusqu’à représenter 50 % de la population de fétuque au bout de cinq ans (contre 20 % au semis).

« Cet essai a ainsi montré que la diversité intraspécifique était utile et que c’est par une dynamique, qui fait évoluer la place des différentes variétés au sein de chaque espèce que se maintiennent le rendement et la proportion de légumineuses », conclut Jean-Louis Durand.

(1) Travail de la thèse de Julien Meilhac présentée en 2018.

Comment sélectionner les variétés fourragères pour une culture en mélange ?

Pour composer des mélanges pour prairies multiespèces, peut-on aller au-delà de "choisir dans l’existant et faire des assemblages" ? Sachant maintenant qu’il faut probablement plusieurs variétés pour chaque espèce pour un meilleur rendement et une meilleure stabilité, les chercheurs travaillent sur une nouvelle méthodologie de sélection des fourragères. La première idée est de tester dans un champ toutes les combinaisons possibles entre variétés et espèces. Ce n’est pas possible, car il faudrait des millions de parcelles. Il faut donc sélectionner dans chaque espèce les variétés sur des traits, puis recréer la diversité en assemblant ces variétés dans un mélange.

Les traits d’intérêts qui ont été identifiés dans ces travaux sont l’asynchronie (le fait que le rythme de croissance des différentes variétés soit décalé dans le temps) et la hauteur végétative des plantes. La recherche en cours vise à identifier les caractères à faire varier et ceux qu'il convient de fixer dans les bouquets variétés qui composeront les mélanges adaptés aux climats à venir.

Les chercheurs utiliseront ensuite des modèles mathématiques de simulation, qui sont en train d’être construits et qui devraient être rapidement utilisables. Ces modèles sont basés sur le rayonnement solaire absorbé, la quantité d’eau et de minéraux disponibles, la teneur en C02 de l’air qui pourrait être captée. Ils permettront de faire des préconisations en fonction des types de sol et de climat.

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