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Jean-Loup Chatard : « Je présente mon métier, sans me focaliser sur une seule technique »

A 32 ans, Jean-Loup Chatard est agriculteur depuis déjà 12 ans dans l’Allier. Il vit son métier de céréalier comme une succession d’expériences différentes. En fonction du sol de chaque parcelle, de l’assolement, du climat de l’année, il adapte ses itinéraires culturaux. Pas question pour lui de rester « focalisé sur une technique ». C’est le message qu’il essaie de faire passer au travers de ses vidéos, sur sa chaîne YouTube JLC Lunelle Farms notamment. Depuis peu, il est aussi pilote de drone, ce qui lui permet d’ajouter des séquences prises en vol pour animer les films et présenter différemment. Montrer comment il travaille et expliquer que chaque technique a ses avantages et ses inconvénients : voilà pourquoi il est présent sur les réseaux sociaux.

A 20 ans, Jean-Loup Chatard s’est installé sur sa ferme natale dans l’Allier. Depuis 12 ans, il y cultive ce qu’il appelle les « cultures traditionnelles de la région » : blé, maïs, tournesol… Depuis trois ans, il produit également des semences potagères. Il réalise aussi de la prestation de service en tant qu’entrepreneur de travaux agricoles. Le céréalier poursuit l’aventure familiale et représente la 4e génération sur l’exploitation qui compte une centaine d’hectares de « terres historiques » et qui s’est développée depuis une quinzaine d’années. Il y a 7-8 ans, l’agriculteur a commencé à être présent sur les réseaux sociaux et, il y a 4-5 ans, il a décidé de passer à la vitesse supérieure en créant sa chaîne YouTube. JLC Lunelle Farms, du nom du lieu-dit où se situe la ferme sur la commune de Cognat-Lyonne, rassemble aujourd’hui 52 700 abonnés. Le céréalier est aussi pilote de drone, ce qui lui permet de prendre de la hauteur pour créer ses petits films. Ce passionné de techniques agricoles est l’auteur de 431 vidéos en ligne sur les réseaux sociaux. Qu’est-ce qui l’anime pour mener avec fougue cette démarche de communication ? Explications de l’intéressé qui a bien voulu répondre à nos questions.

Pourquoi êtes-vous sur les réseaux sociaux ?

Jean-Loup Chatard – « Par volonté de communiquer. En agriculture, les cultures sont diverses et variées. On n’a pas tous les mêmes productions et on ne travaille pas tous de la même manière. Je sais que c’est difficile de faire des contenus qui se prêtent à tout le monde. Je propose, sans imposer. Moi, je présente ce que je fais chez moi. Ce sont des messages techniques même si je vulgarise quelquefois. En tant qu’agriculteur et entrepreneur, je veux montrer que je ne me focalise pas sur une seule technique. TCS, agriculture de conservation des sols, labour : je pratique les trois et elles ont toutes leurs avantages et leurs inconvénients. Il faut s’adapter au climat, au sol, à l’assolement à mettre en place. On ne peut pas travailler tout de la même façon. Adopter une seule technique peut amener à des échecs. Il faut travailler en fonction des opportunités en n’étant pas sûr de reproduire le schéma l’année suivante. Comprendre ça, c’est un peu compliqué pour certains mais c’est vraiment ce que je veux expliquer. »

Sur quels réseaux sociaux êtes-vous présent ?

J.-L C. – « Sur YouTube principalement, mais aussi sur Facebook et sur Instagram. Je navigue un peu sur Twitter mais pas avec la même assiduité. »

Y a-t-il un post dont vous êtes particulièrement fier ?

J.-L C. – « Non, pas spécialement. Il y a une grande hétérogénéité dans ce que je poste. C’est l’ensemble qui compte. »

 

Quel est votre meilleure audience ?

J.-L C. – « Je ne fais pas mes vidéos pour faire le buzz. Je ne choisis pas des titres ultra-accrocheurs qui ne reflètent pas forcément ce qui se passe. Dire qu’on est dans la galère, avec des événements climatiques comme des orages ou de la casse de matériel, ça fait plus d’audience mais on perd en crédibilité. C’est bien d’en parler, ça fait partie du métier, mais il faut replacer les choses dans leur contexte et ne pas axer la vidéo exclusivement là-dessus. Sur YouTube, mon audience dépend des périodes de l’année. Mes pics sont souvent à l’automne, au moment de la récolte du tournesol, du maïs, pour les semis de blé. Globalement, ça va de 20 000 vues à plus de 100 000 vues. Je suis suivi par des agriculteurs, des élèves de lycée agricole, des mécaniciens, des techniciens… Et j’ai entre 30 et 40 % d’audience assez détachée du monde agricole. Sur les réseaux sociaux, j’essaie de ne pas tomber dans le travers du sensationnel qui génère de l’audience.  Et je ne cherche pas non plus à devenir influenceur à tout prix. Je suis sollicité mais je reste fidèle. Je ne fais des vidéos partenaires qu’avec ceux avec qui je travaille sur mon exploitation : une marque de matériel et un équipementier. »

« J’essaie de ne pas tomber dans le travers du sensationnel qui génère de l’audience.»

Un bad buzz que vous n’avez pas aimé ?

J.-L C. – « J’ai eu des commentaires un peu critiques en réaction à des messages où je parlais de nouveaux matériels. J’explique comment je produis, en présentant au mieux les moyens techniques de production, mais les gens n’ont pas toute la mesure pour analyser la pertinence d’un investissement. Pour l’aspect gestion, on ne peut pas présenter tous les chiffres de l’exploitation. Il faut comprendre qu’on ne peut pas étaler ses comptes en banque sur Internet. »

Un post que vous regrettez ?

J.-L C. – « Je ne regrette aucune de mes vidéos. Je pense juste à la forme d’un post « coup de gueule » pour dénoncer le comportement de certains usagers de la route vis-à-vis des engins agricoles. Je regrette la façon dont le message était argumenté et j’essaie d’avoir des propos plus " soft " maintenant. »

Un post qui vous a amusé ?

J.-L C. – « Les post qui m’amusent le plus sont ceux avec la famille. Avec mon garçon de 4 ans en particulier. J’essaie de reproduire les moments de complicité que j’avais avec mon père. »

Un fait marquant que vous avez posté ?

J.-L C. – « Ce qui me marque, ce sont les galères, mécaniques ou climatiques. Mais il faut les glisser au milieu d’une vidéo sinon on arrive à des débats sans fin. Si on montre une partie de la récolte détruite par un orage, on a des commentaires de public extérieur au monde agricole du style " de toute façon, vous êtes assuré ". Je présente ces épisodes car ils font partie des aléas du travail. Si vous ne montrez que ce qui va bien, on vous dit " vous vous la coulez douce ". Si vous ne montrez que ce qui ne va pas, on vous dit : " il est toujours à se plaindre ". »

« Je ne suis pas bloqué sur une technique culturale. »

Un commentaire qui vous a énervé ?

J.-L C. – « Ce qui m’énerve, c’est l’étroitesse d’esprit de certaines personnes sur les techniques culturales. Vous parlez d’agriculture de conservation, c’est bien. Vous sortez une charrue, ce n’est pas bien. Il y a des cultures dans mon assolement qui nécessitent un labour, un binage de qualité. Cela dépend aussi de la culture qui va suivre. On s’adresse à une masse de personnes et il y a toujours des détracteurs mais ils représentent un pourcentage très faible de l’audience. Au fil des années, on en prend conscience et il faut savoir l’accepter. Il y a des gens qui habitent à plus de 500 km de ma région et qui ne savent pas que les contraintes sont différentes. On a aussi des commentaires de jeunes qui sont à l’école mais qui n’ont pas tous les tenants et les aboutissants d’un système cultural. L’agriculture de conservation des sols n’est pas transposable partout. Il faut un peu de recul. J’ai 32 ans et 12 ans d’expérience. Je sais qu’il y a des années humides, d’autres pas… Chaque année, on sème et on récolte mais c’est un essai différent, qu’on ne reproduit qu’une fois.»

Votre modèle sur les réseaux sociaux, un exemple à suivre ?

J.-L C. – « J’échange avec d’autres youtubeurs comme Gaël Blard, David Forge, les deux Alexandre (NDLR : Richard et Perrault). On s’entend bien mais on ne se copie pas. On ne fait pas la même chose. »

 

Quel a été votre déclic pour vous lancer ?

J.-L C. – « J’y suis allé par étapes mais le déclic s’est produit il y a 6 -7 ans, au moment où on sentait augmenter la pression dans les médias. Les médias grand public communiquaient avec des émissions choc qui montraient une agriculture qui ne ressemble vraiment pas à ce qu’on fait. Depuis des années, on casse du sucre sur le monde agricole et je ne cherche même plus à regarder ces émissions. Ca ne reflète pas du tout la réalité et je considère qu’on perd son temps. »

Combien de temps passez-vous sur les réseaux sociaux ?

J.-L C. – « Je dirais entre 2 et 3 heures par semaine pour les vidéos. Je fais des vidéos courtes avec mon smartphone tout en travaillant. Ca donne des images plus naturelles. L’évolution du matériel me permet de faire deux choses en même temps. Ensuite je fais une vidéo plus longue que je monte sur l’ordinateur et que j’anime avec des images de drone. Chaque semaine, je retrace les différentes étapes de mon travail. Ensuite, il y a les réponses aux messages. Je le fais quand j’ai 5 minutes mais sur une journée, ça peut vite rajouter 1 h de plus sur les réseaux sociaux. »

Quels conseils donneriez-vous à un agriculteur qui veut se lancer sur les réseaux sociaux ?

J.-L C. – « Tout le monde peut démarrer avec les moyens du bord. Aujourd’hui, tous les agriculteurs sont équipés d’un smartphone de qualité. On a tous commencé comme ça.  Il faut présenter ce qu’on a envie de présenter, ne pas s’imposer des sujets ni des rythmes, ne jamais se forcer à tourner une vidéo. Au fur et à mesure, on arrive à l’intégrer dans son plan de travail. Il faut être motivé et se fixer des objectifs de public agricole ou grand public, même si les premières audiences sont toujours faites dans le public agricole. Et si on est plus nombreux parce que d’autres se lancent, c’est bien. On peut présenter des choses différentes et ça étoffe le panel des techniques. Dans l’Allier, par exemple, il y a 4 - 5 types de systèmes en grandes cultures, on a intérêt à les présenter tous. Moi, je regarde ce que font les autres, par ouverture d’esprit. Même si ce n’est pas toujours facile de transposer à son exploitation, on peut observer les manières de travailler, de s’organiser. Je ne suis pas anti bio, je ne suis pas pro conventionnel. Il faut montrer la diversité et l’adaptation pour que les gens ne restent pas bloqués dans une seule technique. »

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