Inondations et entretien des cours d'eau : que préconise le rapport sénatorial ?
Le rapport d’information relatif aux inondations survenues en 2023 et au début de l’année 2024 impulsé par Gérard Larcher, le président du Sénat, vient d’être publié. Après huit mois de travaux, les rapporteurs dressent un état des lieux des politiques de prévention des inondations et de gestion de crise et d’après-crise et émettent vingt recommandations.
Le rapport d’information relatif aux inondations survenues en 2023 et au début de l’année 2024 impulsé par Gérard Larcher, le président du Sénat, vient d’être publié. Après huit mois de travaux, les rapporteurs dressent un état des lieux des politiques de prévention des inondations et de gestion de crise et d’après-crise et émettent vingt recommandations.
Le risque inondation est prépondérant en France : plus d’un habitant sur quatre est exposé aux débordements de cours d’eau et/ou aux submersions marines. Les inondations sont responsables de la moitié de la sinistralité liée aux catastrophes naturelles pour la période1982-2023. Entre novembre 2023 et juin 2024, 53 % des départements ont été touchés par des inondations ayant entraîné le décès de 13 personnes et 640 millions d’euros de dégâts aux biens assurables, dans les seuls départements du Nord et du Pas-de-Calais, souligne le rapport d'information relatif aux inondations survenues en 2023-2024 qui vient d'être publié.
Et selon les scientifiques, sur l’ensemble du territoire français, la sinistralité relative aux inondations pourrait connaître une progression située entre 6 % et 19 % à l’horizon 2050. L’évolution de la sinistralité relative aux submersions marines serait encore plus marquée : la hausse se situerait entre 75 % et 91 % par rapport au climat actuel.
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Les élus interrogés en majorité issus de la ruralité
Jean-François Rapin (sénateur du Pas-de-Calais, LR) et Jean-Yves Roux (sénateur des Alpes de Haute-Provence, Rassemblement démocratique et social européen), les rapporteurs, ont recueilli le témoignage d’élus communaux et intercommunaux sur les difficultés qu’ils rencontrent en matière de prévention des inondations et de gestion de crise à travers une consultation en ligne, réalisée sur une base volontaire. Les répondants sont issus en grande majorité de la ruralité et de la quasi-totalité des régions métropolitaines.
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Les Français ne sont pas assez sensibilisées au risque d’inondation
Dans un contexte de risque d’inondation de plus en plus élevé en France, les rapporteurs préconisent de diffuser la culture du risque pour réduire la vulnérabilité des territoires alors que 80 % des métropolitains considèrent que les Français ne sont pas assez sensibilisés à la prévention et la gestion des catastrophes (sondage Ifop/AFPCNT). Des campagnes nationales expliquant le comportement à adopter en cas d’inondation et la formation des élus et fonctionnaires territoriaux seraient nécessaires selon les rapporteurs.
« Clarifier la distinction entre les régimes juridiques applicables aux interventions dans les cours d’eau »
En ce qui concerne la gestion des cours d’eau, les rapporteurs notent que « les règles encadrant l’entretien des cours d’eau s’avèrent particulièrement difficiles à appréhender, compte tenu de la diversité des procédures applicables » et pointent le manque de clarté sur la distinction entre cours d'eau et fossé.
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Le curage des cours d'eau n'est pas la solution à tout
Selon eux, « ce maquis réglementaire conduit certains élus locaux à l’inaction, par crainte de commettre une infraction à la police de l’eau et de faire l’objet de poursuites judiciaires ». Ils estiment par ailleurs que la longueur des procédures administratives préalables nuit souvent à une intervention rapide dans les cours d’eau, notamment pour retirer des embâcles de manière préventive. Ces derniers recommandent de clarifier la distinction entre les régimes juridiques applicables aux interventions dans les cours d’eau et d'instaurer une procédure d’instruction accélérée de ces demandes d’intervention.
Les effets bénéfiques du curage des cours d'eau contestés
Le rapport souligne aussi le fait que « les effets bénéfiques du curage des cours d'eau pour la lutte contre les inondations sont largement contestés ». Ce n'est pas la solution à tout, pire encore,« le curage aurait dans la grande majorité des cas des effets néfastes en termes de gestion des crues », ont souligné de nombreux acteurs entendus par les rapporteurs.
Les rapporteurs soulignent la nécessité d'un travail de pédagogie de la part des services de l'État vis-à-vis des acteurs locaux (élus, agriculteurs et particuliers), pour expliquer le fonctionnement hydraulique des cours d'eau et les impacts du curage sur les milieux et les risques de crue et d'érosion des sols.
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Maîtriser l’urbanisation en zone inondable
La taxe dite Gemapi (Gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations) n’est pas un « instrument à la hauteur des enjeux pour les collectivités » estiment les rapporteurs pour deux raisons : montants insuffisants pour la prévention des inondations, mais aussi de l’objectif d’assurer une véritable solidarité financière entre les Établissement public de coopération intercommunale (EPCI).
Pour eux, les intercommunalités qui sont les plus exposées aux inondations ne sont pas nécessairement celles qui doivent réaliser en priorité les travaux de prévention qui pourraient être effectuées par des métropoles situées en aval disposant d’un « potentiel fiscal très prometteur ». Les rapporteurs estiment que la mise en place d’un fonds de péréquation est la solution la plus juste pour aider les collectivités territoriales à faire face aux dépenses requises pour la prévention des inondations. Ils appellent par ailleurs à maîtriser l’urbanisation en zone inondable et à y adapter les modes de construction.
Créer un guichet unique pour les démarches et mieux prendre en compte les effets du changement climatique
Autre recommandation : simplifier les programmes d’actions de prévention des inondations (PAPI), de réduire les délais administratifs, en accompagnant mieux les collectivités territoriales et en créant un guichet unique pour faciliter les démarches. En ce qui concerne les plans de prévention des inondations (PPR), les rapporteurs estiment qu’ils doivent mieux prendre en compte les effets du changement climatique.
Quant au système de prévision des inondations, il doit « monter en puissance face aux défis climatiques » estiment les rapporteurs. Et selon eux, la couverture de Vigicrues doit être étendue à l’ensemble du territoire d’ici 2030, tout en renforçant la notoriété de Vigicrues Flash auprès des élus et en redéployant les moyens de Météo France.
Augmenter les capacités de pompage lourd
Les rapporteurs recommandent d’adapter la sécurité civile au dérèglement climatique, en augmentant notamment les capacités de pompage lourd. Ils préconisent aussi de renforcer l’efficacité de la gestion de crise, en accompagnant notamment les élus locaux dans l’élaboration de plans communaux de sauvegarde (PCS) adaptés et de renforcer la coordination intercommunale dans la gestion de crise, en systématisant l’élaboration de plans intercommunaux de sauvegarde (PICS). Selon eux, il faut aussi soutenir les EPCI dans la gestion de l’après crise par l’instauration d’un mécanisme de solidarité entre collectivités. Instituer une avance de trésorerie à taux bonifié pour les réparations d’urgence des collectivités territoriales leur apparaît également nécessaire.
Reconstruire de manière résiliente
En ce qui concerne la reconstruction, les rapporteurs estiment qu’il faut soutenir les « collectivités territoriales sinistrées dans une démarche de reconstruction résiliente, à travers un appui financier et technique et l’instauration d’une procédure d’instruction accélérée pour les travaux structurants de réparation sur les cours d’eau ». Ces derniers recommandent de ne reconstruire à l’identique mais d’utiliser les indemnités d’assurance pour reconstruire de manière résiliente et préconisent de généraliser l’expérimentation « Mieux reconstruire après inondation » (Mirapi), dont l’échéance est prévue en 2026.
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