Variétés de colza : une génétique de plus en plus performante contre les bioagresseurs
Les variétés de colza ne cessent de se renouveler, avec une génétique qui apporte des solutions de lutte alternative pour limiter le recours aux pesticides contre les maladies et les insectes.
Les variétés de colza ne cessent de se renouveler, avec une génétique qui apporte des solutions de lutte alternative pour limiter le recours aux pesticides contre les maladies et les insectes.
Avec la variété de colza BRV703 tolérante au sclérotinia en 2021, la société Corteva agriscience se montrait précurseur en apportant une solution génétique contre cette maladie dangereuse. En 2023, elle a présenté sous la marque Brevant Seeds, la variété BRV712. « La tolérance multigénique unique, obtenue à partir du phénotype de colzas de printemps nord-américains, garantit une réduction de l’incidence du sclérotinia jusqu’à 60 % et des performances de rendement équivalentes aux meilleures références du marché », assure Élodie Batut, chef marché colza pour Brevant.
Le semencier LG (Limagrain) a emboîté le pas de Corteva, en proposant cette campagne trois variétés de colza labellisées tolérantes au sclérotinia : LG Atacama, LG Armada et LG Avenger. « Sur ces variétés, la maladie se montre moins agressive sur le colza, mais cela ne signifie pas que l’on peut se passer complètement d’une protection fongicide », prévient François Jansseune, chef produit colza LG. D’autres sélectionneurs sont engagés sur l’obtention de telles variétés tolérantes. Certains se disent « en position d’attente » avant de mettre en avant de telles obtentions.
Malgré ces progrès, faire l’impasse sur les fongicides reste risqué en situation favorable aux maladies. Les trois quarts des colzas en France reçoivent un traitement pour assurer une bonne protection contre le sclérotinia et d’autres maladies. Terres Inovia se montre très prudent sur les variétés présentées comme tolérantes au sclérotinia. « Pour le moment, nous avons des variétés de colza montrant de meilleurs comportements que d’autres vis-à-vis du sclérotinia et non une résistance à la maladie, juge Arnaud Van Boxsom, responsable de l’évaluation variétale à l’institut technique. Mais à l’avenir, il y aura des obtentions avec des résistances intéressantes. » En attendant, via le projet Precotion, mené notamment par le Geves et des semenciers, une méthode fiable pour évaluer la tolérance des variétés à cette maladie est en cours de mise au point.
Le phoma se fait oublier mais la lutte génétique continue
« Concernant le phoma, tout le monde a un peu oublié cette maladie, mais nous restons très attentifs chez Terres Inovia », indique Arnaud Van Boxsom. La très grande majorité des variétés de colza cultivée sont très peu sensibles (TPS) au phoma, avec des résistances quantitatives et spécifiques. Des gènes de résistance ont été contournés sur notre territoire (Rlm7, Rlm3). D’autres gènes plus récents comme RlmS n’ont pas subi ce contournement. « Les semenciers arrivent avec de nouveaux gènes comme LepR1, ce qui diminue ce risque de contournement et permet de maintenir la maladie à un niveau peu nuisible, à condition de toujours choisir des variétés TPS », souligne le spécialiste de Terres Inovia. Selon Arnaud Nogues, chef produit colza à KWS Maïs France, « le phoma revient en flèche. Nous n’avons pas de mal à en trouver dans les parcelles. Nous avons obtenu l’inscription de la variété KWS Merinos en 2023, qui contient le nouveau gène LepR1 en plus de RlmS, deux résistances spécifiques non contournées en France. »
Divers symptômes sont attribués au phoma, dont le pied sec en fin de cycle du colza. Le verticillium provoque également ce symptôme, avec une grosse incidence potentielle sur le rendement. Les semenciers étudient le comportement de leurs variétés à cette maladie, au même titre que le phoma.
Manque de tolérance génétique contre la cylindrosporiose et la hernie
Les variétés sont évaluées chaque année sur leur comportement à la cylindrosporiose, au niveau des feuilles et des tiges. Fort est de constater qu’il y a beaucoup moins de variétés caractérisées TPS à cette maladie (une vingtaine) que pour le phoma. Or, dans des régions très exposées à ce pathogène comme la Normandie, il est conseillé de privilégier le choix de variétés TPS. « Les sélectionneurs parviennent à améliorer certaines variétés de colza pour qu’elles soient moins sensibles à la cylindrosporiose, mais pas à trouver de nouvelles variétés TPS », constate Arnaud Van Boxsom. Il existe toutefois un grand nombre de variétés classées PS (peu sensibles).
Contre la hernie des crucifères, elles ne sont que huit variétés de colza à apporter une tolérance génétique. « Cette maladie du sol a progressé ces dernières années à la faveur d’automnes chauds et humides, souligne Arnaud Van Boxsom. Elle touche surtout les zones hydromorphes, les situations de sol acide comme en Bretagne notamment, mais aussi en Normandie et en Centre-Val de Loire. » Le pathogène se distingue par plusieurs pathotypes. Or, la tolérance variétale ne concerne souvent qu’un ou deux pathotypes, notamment les P1 et P3, majoritaires en France. Des pathotypes contournent parfois les gènes de résistance. Les sélectionneurs proposent des variétés en essayant d’apporter de nouveaux gènes. Ainsi, RAGT Semences présente deux variétés contre la hernie, « dont RGT Creed (inscription UE 2023) tolérant au pathotype P2* (en plus de P1), qui contourne le gène de résistance à P2 », précise Samuel Dubois, chef marché hybrides chez RAGT Semences.
Des rendements qui se rapprochent des variétés conventionnelles
Autre axe de sélection dans la catégorie « hernie », la recherche de variété avec de bons rendements car, jusqu’à peu, les variétés tolérantes à la hernie montraient un déficit de rendement en situation saine par rapport à des variétés classiques. « Nous nous rapprochons des colzas conventionnels en rendement. Maintenant, nous avons des variétés tolérantes à la hernie au niveau des anciennes variétés témoins », précise Arnaud Van Boxsom. « Inscrite en 2022, la variété Lid Cratéo est en première position en matière de potentiel de rendement parmi les variétés hernie, assez proches des colzas classiques », assure Sébastien Poitevin, responsable marché colza chez Lidea.
L’ingénieur de Terres Inovia conseille l’utilisation à 100 % de variétés tolérantes à la hernie sur les parcelles infestées plutôt qu’un mélange de variétés comportant des colzas classiques, ce qui aurait pour effet d’entretenir l’inoculum et la multiplication du pathogène dans le sol. Même si l’on n’est jamais sûr du pathotype présent dans sa parcelle, la tolérance variétale fonctionne dans la majorité des cas, selon Terres Inovia.
Quant aux variétés résistantes au virus TuYV transmis par des pucerons, il y a pléthore de choix dorénavant et elles couvrent 83 à 85 % des surfaces en France, selon Terres Inovia. Cela devient de moins en moins un critère de démarcation entre les variétés mises sur le marché.
Les variétés à l’épreuve du Mycosphaerella en cette année humide
La campagne 2023-2024 se caractérise par la forte présence de Mycosphaerella, une maladie que la forte humidité favorise. Ce pathogène est rare le reste du temps. Terres Inovia compte « tirer profit » de cette présence pour évaluer les différences de comportement des variétés vis-à-vis de ce pathogène et établir éventuellement un classement. Les traitements fongicides à floraison limitent la progression de cette maladie, tout comme la cylindrosporiose, le sclérotinia… « RGT Ceos se comporte très bien face à ce pathogène, » met en avant Samuel Dubois, RAGT Semences.