Innovation
Stévia, la jeune pousse qui fait de l’ombre au sucre
Trois ans après les Étas-Unis, l’Europe vient
d’autoriser les extraits de stévia. Les atouts de cet édulcorant d’origine
naturelle lui ouvrent de larges horizons.
Feu vert bruxellois pour les édulcorants intenses à base de stévia. Depuis le 2 décembre, les produits contenant des extraits de cette plante originaire d’Amérique du Sud peuvent être commercialisés en Europe. Après la France, qui avait déjà autorisé la stévia comme additif en 2009 puis comme édulcorant de table en 2010, c’est donc tout le Vieux Continent qui ouvre ses portes aux « glycosides de stéviols », la dénomination officielle qui devra figurer sur la liste des ingrédients. Les fabricants affichent un gros appétit et visent un marché de masse, principalement grâce aux édulcorants de table, aux boissons et aux produits laitiers (voir encadré). Il faut dire que la stévia ne manque pas d’atouts : outre son origine naturelle qui la distingue de l’aspartame, elle recèle dans ses petites feuilles vertes des composants tels que le stévioside et le rebaudioside A, au pouvoir sucrant 300 à 400 fois supérieur à celui du sucre, sans apporter la moindre calorie.
TEREOS ET CRISTAL UNION EN PISTE
La stévia a beau être une plante tropicale, principalement cultivée en Chine et de part et d’autre de l’équateur en Afrique, en Amérique du Sud et en Asie du Sud-Est, cela n’a pas dissuadé les deux géants français du sucre,Tereos et Cristal Union, de se lancer dans la course.Tereos s’est associé à Pure- Circle, qui revendique 80 % de la production mondiale d’extraits de stévia en 2010 et maîtrise la chaîne de production de la mise en culture à la purification des composants. Pour Jean-Renaud Lourette, directeur général de la joint venture Tereos Pure- Circle Solutions, « l’association d’extraits de stévia et de sucre offre une excellente synergie ».
Outre la facilité d’emploi, ce concept permet de multiplier les combinaisons allant d’une réduction calorique de 30 % à un produit « zéro calorie », tout en offrant un goût proche de celui du sucre. La gestion du goût de réglisse apporté par la stévia est en effet capitale pour favoriser l’acceptabilité du produit. Cristal Union s’est pour sa part tourné vers Cargill.Truvia, le produit lancé voilà trois ans aux États-Unis par le géant de l’agro-industrie, s’est imposé comme le deuxième édulcorant de table le plus vendu outre-Atlantique avec 67 % de parts de marché. Le partenariat conclu entre les deux structures combine le savoir-faire de Cargill dans le secteur de la stévia avec le réseau de distribution et la force de frappe marketing de Daddy, marque phare de la coopérative sucrière, pour une commercialisation en France et en Italie. « L’arrivée de la stévia est une vraie rupture qui va rendre plus problématique la commercialisation des édulcorants de synthèse », estime Alain Commissaire, directeur général de Cristal Union.Au-delà du partenariat avec Cargill,Cristal Union teste la culture de la stévia sur quelques fermes en Argentine. Objectif : se donner les moyens de maîtriser l’ensemble de la filière si le potentiel commercial se concrétise.
DES PARTS DE MARCHÉ PRISES AU SUCRE
La stévia, plante de la famille des chrysanthèmes, va-t-elle enterrer les édulcorants chimiques qui dominent actuellement le marché? Va-t-elle empiéter sur le sucre? Les avis divergent. « Nous ne sommes pas préoccupés pour le sucre, car cela prendra plutôt des parts à l’aspartame, assure Roland Cuni, directeur adjoint de la confédération générale des planteurs de betteraves. Cela restera un marché de niche. » Un pronostic que ne partage pas Jean-Renaud Lourette. Pour le directeur général de Tereos PureCircle Solutions, « la stévia prendra des parts à la fois aux édulcorants et au sucre. En France, 30 % des édulcorants de table vendus en grande surface contiennent déjà de la stévia, mais il y a eu peu de cannibalisme. On a surtout assisté au développement du marché des édulcorants au détriment du sucre. » L’explication: l’arrivée de la stévia a permis aux consommateurs en quête de naturalité, jusquelà peu enclins à utiliser de l’aspartame, de se convertir aux édulcorants.