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Rapport de la Cour des comptes : après la colère, les échanges

L’aide à la cessation et la baisse du cheptel bovin sont les deux préconisations du rapport de la Cour des comptes concernant les aides aux éleveurs. Évidemment, elles ont vivement fait réagir les filières. Gouvernement et Cour de comptes tentent d'apaiser le débat.

Troupeau de Montbéliardes au pâturag
Les filières bovines regrettent que la Cour des comptes ne mettent pas assez en avant les externalités positives de l'élevage bovin en France.
© S. Richard / Cniel

Réduire de manière forcée le cheptel bovin et aider à la reconversion des éleveurs en difficulté. Voilà en substance ce qui a été retenu du rapport de la Cour des comptes sur les soutiens publics aux éleveurs de bovins, publié fin mai. Pour la Cour des comptes, l’élevage bovin français est très subventionné, tout en ne répondant pas suffisamment aux engagements de réduction des gaz à effet de serre (GES).

Depuis, les filières de l’élevage bovin ont vivement réagi. « S’il s’agit de sacrifier notre élevage français pour mieux assumer un libre-échange sans règle et ouvrir grand les vannes aux viandes importées, alors il y a fort à parier que nous, éleveurs, ne seront pas les seuls perdants », a écrit la FNB au gouvernement. Dans un communiqué, France OP lait pointe qu’avec les remarques de la Cour des comptes, « le manque d’attrait pour la profession et la chute vertigineuse du nombre de producteurs laitiers étonnent-ils vraiment ? »

Ces deux propositions sidèrent la profession alors même que la France est déficitaire en viande bovine et  que la baisse actuelle du cheptel s’accompagne d’une hausse des importations !

« C’est justement le contraire que nous défendons : un plan de conservation de l’élevage ruminant. Pour défendre notre souveraineté alimentaire. Et pour répondre aux défis environnementaux et climatiques, notre filière est pleinement engagée », revendique Thierry Roquefeuil, président de la FNPL et du Cniel, faisant echo au même discours du côté de la FNB et d’Interbev.

Avec la loi Climat, la directive IED… le trop-plein

Mais pourquoi ce rapport, qui n’est qu’un avis, a-t-il fait l’effet d’une bombe dans le monde de l’élevage ? « Il est tombé à un moment où l’élevage était attaqué de plusieurs côtés », rappelle Thierry Roquefeuil. Le même jour, Élisabeth Borne et son secrétariat de la Planification écologique ont présenté les grandes lignes d’un plan climat pour réduire les émissions françaises de GES de 138 millions de tonnes d’ici 2030. Même si tous les secteurs sont concernés, et qu’en agriculture le plus gros levier concerne la meilleure utilisation des engrais, le gouvernement cite la baisse tendancielle de l’élevage et l’amélioration des pratiques, ainsi que le développement des prairies.

Quelques jours auparavant, Bruno Le Maire visitait l’usine d’alternative végétale à la viande Happyvore (ex-Les nouveaux fermiers) et faisait une déclaration vantant les atouts des protéines végétales au détriment des protéines animales.

Et les semaines et mois précédents, la directive émission industrielles (IED) faisait parler d’elle. Encore non adoptée, elle pourrait faire entrer les élevages bovins de plus de 350 UGB dans le champ de la directive, avec des contraintes administratives à la clé.

Les points faibles du rapport soulignés

La FNPL et le think tank Agriculture Stratégies estiment que la Cour des comptes oublie que les consommateurs restent de gros mangeurs de viande et de produits laitiers et qu’ils sont sensibles au prix. « Ce n’est pas parce que le nombre de vaches diminue que la consommation va baisser. Le risque est une hausse des importations en provenance de pays qui pratiquent l’élevage de façon beaucoup moins vertueuse que nous, comme les feed-lots américains, développe le président de la FNPL. Par ailleurs, la consommation de viande rouge a certes baissé, mais celle des viandes blanches a progressé, ce qui n’est pas mieux sur le plan environnemental contrairement à ce que semble penser la Cour des comptes. En effet, les monogastriques ne valorisent pas l’herbe et autres fourrages qui ont des atouts sur le plan environnemental. »

Le gouvernement tente de rassurer

Le gouvernement, par la voix d’Elisabeth Borne, a tenté de rassurer les éleveurs et leurs partenaires. « Nous avons un modèle d’élevage bovin dont nous pouvons être fiers, un modèle d’élevage dont je veux affirmer qu’il a un avenir dans notre pays. […] Oui, l’élevage bovin devra prendre toute sa part de la transition agricole, il y est prêt et s’y engage déjà. Oui, il devra évoluer pour retrouver un modèle économique solide et durable mais non, il ne sera pas la variable d’ajustement », a assuré la Première ministre.

Le ministère de l’Agriculture dans une lettre ouverte précise que la Commission européenne a jugée conforme la déclinaison française de la PAC aux ambitions de l’Union européenne en matière d’environnement et de climat ; ce qui pose question sur la légitimité de la Cour des comptes à questionner ce point. Le ministère réfute clairement la proposition d’un accompagnement supplémentaire à la reconversion des élevages en difficulté, et ne considère pas que l’adhésion de la France au Global Methane Pledge (accord UE-USA sur la réduction des GES) implique un engagement à réduire de 30 % ses émissions de méthane entérique entre 2020 et 2030. Il ne s’agit en « aucun cas d’un engagement des pays à atteindre individuellement cet objectif, et encore moins secteur par secteur ».

Pierre Moscovici répond par l’échange avec les filières

Suite aux réactions des filières bovines et du gouvernement, Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes, a rencontré des représentants des filières bovin lait et viande, pour leur assurer que « l’objectif de ce rapport n’était pas de taper sur l’élevage, indique Thierry Roquefeuil. Il est convenu que le rapporteur de la Cour des comptes travaille avec les filières bovin lait et viande pour préparer la visite de Pierre Moscovici sur une exploitation début juillet, afin de prendre la parole sur les propositions de la Cour ».

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