Oligoéléments : bien diagnostiquer les carences pour intervenir à bon escient
Les carences en oligoéléments sont causées par des facteurs indépendants de leurs teneurs dans le sol. Les analyses de terre peuvent les prévenir et les analyses de plantes affiner le diagnostic.
Les carences en oligoéléments sont causées par des facteurs indépendants de leurs teneurs dans le sol. Les analyses de terre peuvent les prévenir et les analyses de plantes affiner le diagnostic.
La première clé du raisonnement des apports d’oligoéléments se base sur la nature de la culture et sa sensibilité à une carence. Mais les facteurs liés au sol sont aussi importants. Les teneurs en oligoéléments révèlent les risques de carence de manière préventive. Les analyses de terre sont pertinentes pour les mesurer à quelques exceptions près. Mais les carences dues à un simple défaut d’oligoélément dans le sol sont rares.
Ces teneurs sont à relier à d’autres caractéristiques de l’état chimique du sol, notamment le pH qui est un facteur déterminant dans nombre de carences. Un pH élevé induit des carences en divers oligoéléments comme le manganèse, le cuivre, le zinc et le bore. À l’inverse, pour le molybdène, ce sont les sols acides qui sont préjudiciables à son assimilation.
Remonter le pH de ses sols peut avoir une mauvaise incidence. « Les pratiques de chaulage mal maîtrisées sont des facteurs favorisant les risques de carences induites, observe Christine Lesouder, d’Arvalis. L’augmentation du pH réduit la solubilité du cuivre, fer, zinc et particulièrement du manganèse. »
« Les carences en bore sur tournesol s’expriment notamment dans les sols basiques, situations qui peuvent survenir après un chaulage un peu fort », ajoute Luc Champolivier, de Terres Inovia. Selon le pH et le type de sols, les seuils de carence sur colza ou tournesol seront différents. Sur les situations argilo-calcaires, le seuil de quantité de bore dans le sol nécessaire à l’alimentation des cultures doit être relevé. « En betterave, les carences en bore se rencontrent dans certaines régions aux sols riches en calcaire, comme la Champagne crayeuse mais cela est bien intégré dans les conseils de fertilisation, » remarque Paul Tauvel, ITB.
La matière organique (MO) peut former des complexes stables avec certains oligoéléments, en particulier avec le cuivre. « L’analyse de terre montre les situations à risque de carence en cuivre, indique Christine Lesouder. Un sol riche en matière organique bloque l’assimilation du cuivre par les plantes, et aussi du manganèse dans une moindre mesure. » Les sols pauvres en MO ont en revanche un impact négatif sur l’assimilation du bore et du molybdène. Les analyses de terre définissent également la texture des sols en mettant en évidence par exemple, sa fraction sableuse. Au moins pour le bore et le manganèse, les sols riches en sable favorisent les carences.
Pour le manganèse, élément important à la nutrition des céréales, les mesures du pH, des taux de MO et de sables grossiers sont importantes car l’analyse de terre est insuffisamment fiable pour évaluer la fraction biodisponible de cet élément qui change rapidement de forme dans le sol. « Si l’on est dans une situation à risque (pH élevé, sol trop aéré, richesse en MO…), un diagnostic visuel peut suffire dans la mesure où la carence s’exprime tôt sous forme de symptômes visibles et qu’elle peut être corrigée rapidement par des apports d’engrais foliaires », remarque Christine Lesouder.
Les pratiques culturales et les conditions climatiques induisent leur part de carences. Un travail du sol trop fin et trop profond favorise l’aération du sol et provoque l’oxydation du manganèse, qui devient alors peu assimilable par la plante. Des défauts d’assimilabilité se rencontrent aussi après des conditions météo durables particulières. Pour le maïs, un printemps froid inhibe l’absorption de zinc. Pour le manganèse et le bore, ce sont davantage les conditions de sécheresse qui ont un impact négatif.
« Pour la majorité des oligoéléments, les conditions physiques du sol (tassement, porosité) et climatiques pèsent fortement sur leur passage dans le végétal, affirme Alain Kleiber, responsable technique du pôle agricole d’Aurea. Or, ces éléments ne sont pas pris en compte par l’analyse de sol. »
L’analyse du végétal peut venir en complément d’une analyse de terre ou d’un diagnostic visuel. « Elle informera de manière instantanée sur un manque en oligoélément au moment du prélèvement. Elle n’anticipe pas les risques comme peut le faire une analyse de terre, prévient Alain Kleiber. Elle est pertinente pour les espèces les plus sensibles aux carences et pour les potentiels les plus élevés. »
Les mesures d’oligoéléments peuvent se faire par analyse de sève, de feuille ou de plante entière. L’analyse de sève est très en vogue ces dernières années. « Elle a le mérite d’être très instantanée sur le terrain et pédagogique. Elle est fiable pour expliquer un déséquilibre nutritionnel sur le moment et permet de positionner des apports d’oligoéléments par voie foliaire, explique Alain Kreiber. Mais ce déséquilibre peut être dû à un stress hydrique tel une sécheresse, qui pourra être annihilé par des pluies dans les jours qui suivent sans avoir besoin d’apporter des oligoéléments. » De son côté, Christine Lesouder exprime sa méfiance sur ce type d’indicateur. « Les règles de décisions ne sont pas suffisamment bien référencées et pas toujours fiables », selon elle.
Selon Alain Kleiber, les analyses du végétal sont toutefois appelées à se développer. « Des éléments comme le bore et le manganèse ne migrent pas dans le végétal en cas de stress hydrique. Nous avons mesuré une baisse de 30 à 50 % de ces éléments dans les végétaux en 15-20 ans alors que leurs teneurs n’évoluent pas dans le sol. Il y a un impact indéniable du changement climatique sur l’assimilation des oligoéléments, compliquant les diagnostics. Les analyses de plantes peuvent aider à comprendre ce qu’il se passe. »
EN SAVOIR PLUS
Webinaire Comifer « Oligoéléments et contaminants métalliques en agriculture » du 12 avril 2022. Supports de présentations et vidéos des différentes présentations des spécialistes (comifer.asso.fr/evenements).
« Interprétation de l’analyse de terre pour les grandes cultures et les prairies temporaires, guide pratique ». 22 €. Éditions Arvalis (editions-arvalis.fr). Ouvrage de 70 pages dont une dizaine consacrée aux oligoéléments.