Betterave : face à la jaunisse, une solution variétale partielle dès 2024
Des variétés de betterave tolérantes à la jaunisse seront disponibles dès les semis 2024, date d’interdiction des néonicotinoïdes. Mais la génétique devra être associée à d’autres leviers pour endiguer la maladie.
Des variétés de betterave tolérantes à la jaunisse seront disponibles dès les semis 2024, date d’interdiction des néonicotinoïdes. Mais la génétique devra être associée à d’autres leviers pour endiguer la maladie.
La génétique est très attendue dans la lutte contre la jaunisse de la betterave, mais sera-t-elle au rendez-vous à temps ? Alors que les insecticides néonicotinoïdes sortiront définitivement de l’arsenal des planteurs en 2024, c’est sur les variétés que reposent les plus grands espoirs pour contenir la maladie. C'est en particulier l'un des principaux axes de recherche du programme PNRI visant à trouver des solutions efficaces alternatives aux insecticides.
« Les variétés proposées pour les semis 2024 offriront une solution pour lutter contre la jaunisse. Mais même si nous sommes optimistes, elles restent, à ce jour, moins productives », prévient Ghislain Malatesta, directeur du département expérimentation et expertises régionales à l’ITB. L’institut technique de la betterave prévoit qu’il faudra « associer les variétés tolérantes commercialisées à d’autres solutions » : insecticide en végétation, association avec de l’avoine rude dont les résultats semblent encourageants, produits de biocontrôle…
Pertes contenues pour les variétés tolérantes
« Grâce au programme Aker, nous pourrons commercialiser des variétés reconnues pour leur tolérance à la jaunisse dès 2024, confirme Marine Cordonnier, sélectionneuse chez Florimond Desprez. Ces variétés sécuriseront le rendement potentiel à hauteur de 85 %, en moyenne. » Aker a en effet accéléré l’identification de variétés tolérantes, en optimisant l’exploration de la grande diversité génétique de la famille des betteraves.
Les pertes de rendement de ces variétés tolérantes pourraient même être contenues en dessous des 15 %, car ces chiffres proviennent d’essais menés sans protection et inoculés de virus. Or, comme le souligne le semencier SESVanderHave, « habituellement, hormis en 2020, la jaunisse se caractérise plutôt par des spots plus ou moins importants dans les champs. Par conséquent, si l’agriculteur sème une variété tolérante et que la jaunisse est présente dans la parcelle, on peut imaginer que seules ces zones infestées perdront 10 à 15 % de rendement et que le reste de la parcelle produira son potentiel maximum ».
Par ailleurs, les dégâts occasionnés par la jaunisse dépendent de la date d’apparition des pucerons. « Les dommages sont très importants lorsqu’ils apparaissent au stade 2 à 4 feuilles de la betterave, rappelle Benoît Rose, directeur général de Betaseed France. Au-delà de 12 feuilles, le préjudice est moindre. Dans cette phase de transition, l’association avec d’autres leviers, réalistes et réalisables, est nécessaire pour contenir la jaunisse le plus longtemps possible. »
Choisir entre potentiel de rendement maximum et sécurité
La stratégie ne sera pas forcément simple, en attendant l’arrivée de variétés armées contre la jaunisse et égalant les rendements des étalons agronomiques actuels. « Accompagné par le conseiller de sa sucrerie, l’agriculteur pourra décider s’il préfère choisir entre une variété tolérante, avec une perte potentielle de rendement de l’ordre de 15 % en cas de risque de jaunisse important, ou une variété reconnue pour sa productivité mais sensible à la jaunisse, même en cas de faible pression », résume Ghislain Malatesta.
La course contre la montre des sélectionneurs est compliquée par l’existence de trois principaux virus responsables de la jaunisse (BYV le plus virulent, BChV et BMYV). « Nous sommes incapables de prédire quel virus sera prédominant d’une année sur l’autre et d’une parcelle à l’autre, explique François Suiveng, responsable développement chez SESVanderHave. Nous voulons donc proposer une génétique qui limite l’impact de la jaunisse sur les trois virus simultanément. »
Des variétés de betteraves résistantes arrivent
Or il faut en moyenne dix ans pour créer une nouvelle variété. « Nous travaillons sur deux programmes, Probeet et Modefy, indique Emmanuel Sterlin, responsable marketing et communication pour le réseau Deleplanque-Saaten-Union. Le premier permet d’étudier le comportement d’une variété vis-à-vis de la jaunisse en condition d’inoculation du virus. Avec le second, nous identifions des traits de tolérance sur des variétés existantes dans le but de les combiner à du matériel élite, plus productif. »
La piste de la résistance variétale à la jaunisse est aussi à l’étude. « Nous avons besoin de trois à cinq années supplémentaires pour proposer des variétés nouvelles, qui allient résistance et productivité, annonce Marine Cordonnier, chez Florimond Desprez. Nous avons déjà identifié des gènes intéressants pour les trois virus de la jaunisse, à introgresser dans du matériel génétique élite. »
Le semencier Maribo annonce, lui, avoir localisé plusieurs gènes de résistance dont un a été introduit dans des variétés productives actuelles. Deux d’entre elles ont été déposées sous la marque Vytech au CTPS. « À ce jour, elles ont un rendement inférieur de 15 à 25 % par rapport aux témoins du marché, indique Éric Dubert, responsable des activités betteraves en France pour Maribo. Nous visons une différence de 10 % en situation saine. Pour cela, il nous faut du temps. »
Patrick Mariotte, dirigeant de l’entreprise KWS France, partage cet avis. « La génétique suscite beaucoup d’espoir, mais il faut laisser le temps aux sélectionneurs. Pour gagner en efficacité et en rapidité, il faudrait pouvoir travailler sur du matériel génétique récent et productif. Pour cela, l’accès aux outils de sélection modernes nous faciliterait la tâche. »
Flavie, un projet commun inédit dans la filière
Cinq semenciers (Betaseed, Desprez, KWS, Maribo et SESVanderHave) mutualisent leur expertise, leurs efforts de recherche et les moyens financiers au sein du projet Flavie. Chaque génétique est analysée et comparée selon un protocole commun validé, en situation avec et sans inoculation de virus. Ainsi, les sélectionneurs trient plus rapidement les meilleures variétés capables d’apporter une solution dans la lutte contre la jaunisse.