Maladie de l'orge : maîtriser une helminthosporiose toujours plus agressive
L’helminthosporiose gouverne les programmes fongicides sur orges. Beaucoup de variétés y sont sensibles et le pathogène développe des résistances à plusieurs molécules. Le point.
L’helminthosporiose gouverne les programmes fongicides sur orges. Beaucoup de variétés y sont sensibles et le pathogène développe des résistances à plusieurs molécules. Le point.
Même si l’importance d’Etincel diminue parmi les orges d’hiver, la variété reste largement majoritaire avec plus d’un tiers des surfaces en France à la récolte 2019. Cette variété est très sensible à l’helminthosporiose et à la rhynchosporiose, les deux pathogènes qui sont visés par les programmes fongicides en France. C’est le cas aussi d’Isocel, une autre variété couramment utilisée dans certains secteurs de production. Dans ce contexte, il est peu envisageable de baisser la pression fongicide. Le programme type se base sur deux applications avec un premier traitement ciblant plutôt la rhynchosporiose et un second passage (T2) pour protéger les orges de l’helminthosporiose, la maladie la plus préjudiciable. Positionné à la sortie de la dernière feuille ou des barbes, ce T2 constitue le pivot des programmes fongicides.
« Dans les situations à forte pression d’helminthosporiose, nous recommandons des produits avec l’association triple d’un SDHI, d’un triazole et d’une strobilurine, même si la résistance du champignon responsable de l’helminthosporiose s’accroît contre les SDHI », indique Jean-Yves Maufras, spécialiste maladies des céréales chez Arvalis. Parmi les associations les plus performantes, Arvalis donne quelques exemples à des coûts de 42-43 euros/hectare : Kardix 0,75 + Twist 500 CS 0,15 ou Elatus Era 0,6 + Amistar 0,3 ou la nouveauté Revystar XL 0,8 + Comet 0,3.
L’helminthosporiose accroît sa résistance aux SDHI
Parmi les matières actives, les strobilurines et triazoles ne se valent pas contre l’helminthosporiose. « La pyraclostrobine et le prothioconazole sont les matières actives les plus performantes de ces familles respectives », précise Jean-Yves Maufras. Emmanuel Bonnin, du service agronomie de Soufflet, situe la trifloxystrobine au même niveau que la pyraclostrobine parmi les strobilurines, l’azoxystrobine étant en retrait. En revanche, les molécules de la famille des SDHI présentent des efficacités similaires et elles sont toutes confrontées à la montée des souches résistantes d’helminthosporiose, à tel point que leur utilisation pourrait être remise en cause à terme contre cette maladie.
Le pathogène responsable de l’helminthosporiose, Pyrenophora teres, développe de nombreuses souches résistantes aux SDHI, dont une principale (G179R). La fréquence de cette résistance atteint 70 % des isolats collectés en 2018 en France et elle progresse d’année en année. « Au champ, l’impact de ces souches résistantes sur l’efficacité des SDHI est certain et fonction de leur fréquence », communique la note de l’Inra, Anses et Arvalis sur les résistances aux fongicides. Les recommandations sont d’associer les SDHI avec des fongicides efficaces présentant d’autres modes d’action et de limiter l’utilisation des SDHI à une seule application par saison. « S’il n’y a pas trop d’helminthosporiose, on peut se passer de SDHI en T2 et utiliser un produit associant triazole et strobilurine comme Fandango », confirme Jean-Yves Maufras.
Une impasse du T1 sur les orges peu sensibles aux maladies
En ce qui concerne le premier traitement positionné au stade « 1 nœud » en général, le cyprodynil (Unix) tient toujours sa place. Les coûts sont moins élevés avec des mélanges efficaces préconisés par Arvalis pour 14 euros/hectare d’Unix Max 0,45 + Meltop One 0,15 ou d’Unix Max 0,35 + Kantik 0,35 dans des programmes à deux traitements. Peut-on se passer de ce T1 sans trop prendre de risques ? « Sur une variété sensible aux maladies comme Etincel, il vaut mieux conserver le premier traitement pour la protéger en particulier de la rhynchosporiose. Mais sur une variété peu sensible à ce pathogène, le T1 n’est pas intéressant. Contre l’helminthosporiose, on peut se permettre d’attendre une application à la sortie de la dernière feuille », selon l’expert d’Arvalis. Les variétés peu sensibles se retrouvent surtout chez les orges fourragères (KWS Flemming, LG Zappa, SY Galileo, Memento…). Les principales orges d’hiver brassicoles cultivées se montrent moyennement à très sensibles à la rhynchosporiose. « Pour les variétés les moins sensibles, un allégement des doses de fongicides peut être envisagé plutôt que l’impasse en T1, comme sur les variétés Hirondella et Visuel, remarque Emmanuel Bonnin. KWS Faro possède également un comportement correct face aux maladies. »
Le chlorothalonil utilisable jusqu’en mai contre la ramulariose
Une troisième maladie est surveillée de près. Très présente en Allemagne, la ramulariose est peu connue en France. « C’est une maladie qui arrive généralement tard. Elle a peu d’incidence sur les orges. Mais il suffit qu’elle se montre un peu plus tôt que d’habitude et son impact peut se traduire par une perte de 10 quintaux/hectare car le champignon grille très vite les feuilles, présente Jean-Yves Maufras. Contre ce pathogène, seul le chlorothalonil (Bravo…) se montre performant. » Mais la molécule sera interdite d’utilisation après le 20 mai.
Parmi les nouveaux fongicides en cours de test, les résultats les plus prometteurs proviennent de produits qui ne devraient pas arriver sur le marché avant 2022. L’Adepydin associe un nouveau SDHI de Syngenta (pydiflumetofen) au prothioconazole. Pavecto (métyltétraprole) est une QoI (même famille que les strobilurines) de Sumitomo dont le développement sera confié à Philagro et BASF. « Pavecto montre une bonne efficacité sur helminthosporiose, rhynchosporiose mais surtout sur ramulariose, informe Jean-Yves Maufras. Quant à l’Adepidyn, il se classe en tête dans les regroupements d’essais d’efficacités sur ces trois maladies. Mais avec la progression de la résistance de l’helminthosporiose, l’utilisation d’un SDHI pose les mêmes questions que pour les autres molécules de la même famille déjà utilisées. »
Retour probable du traitement de semences Systiva
Utilisé dans certains pays de l’UE, le traitement de semences Systiva de BASF permet de combattre efficacement helminthosporiose et rhynchosporiose sur orges. Il est homologué en France mais à cause du SDHI (fluxapyroxad) qu’il contient, il n’a pas été mis sur le marché. Dans le respect de la règle de n’appliquer qu’un SDHI par saison, BASF a préféré privilégier ses solutions foliaires dans ses préconisations. Mais la société réfléchit à nouveau à la commercialisation de ce TS en France pour protéger les variétés d’orges les plus sensibles aux maladies. Dans ce cas, les applications foliaires de fongicides pourraient se limiter à un seul traitement à la sortie de la dernière feuille ou des barbes avec un produit sans SDHI associant triazole et strobilurine. Le niveau de résistance de l’helminthosporiose à ces SDHI réduit l’intérêt de leur utilisation en foliaire.
AVIS D'AGRICULTEUR : Joël Mouillefarine, 340 ha dans l’Aube
« Économiser 15 à 20 euros de l’hectare en fongicides en changeant de variétés »
« Sur la campagne 2018-2019, j’ai utilisé les variétés d’escourgeon Isocel, KWS Faro et Coccinel pour le débouché brassicole. La pression en rhynchosporiose a été précoce et a nécessité un premier traitement début avril avant le stade 1er nœud avec le mélange Kayak 0,5 (cyprodynil) + Etiage 0,5 (prothioconazole + trifloxystrobine). Un second traitement a été réalisé à la sortie des barbes début mai avec un pack associant Oxar (fluxapyroxad + pyraclostrobine) et Curbatur (prothioconazole) que j’ai appliqués aux doses respectives de 0,5 l/ha et 0,33 l/ha sur une pression maladie pas trop élevée. Le coût du programme fongicide s’est élevé à 80 euros de l’hectare environ. Cette campagne, j’ai abandonné la variété Isocel pour les orges KWS Faro et Visuel, au moins aussi performantes en rendement et plus propres en maladies. J’en espère une pression parasitaire plus faible, ce qui me permettrait d’opter pour un premier traitement moins onéreux avec le mélange Unix Max (cyprodynil) + Kantik (tébuconazole + fenpropidine + prochloraze). Le second traitement resterait a priori le même. Ce changement de programme devrait me faire économiser 15 à 20 euros de l’hectare. »