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Fongicides céréales : Protéger ses blés des maladies pour moins de 20 euros

Les semis tardifs et le recours à des variétés de blé tolérantes aux maladies autorisent une protection fongicide efficace à faibles doses et en peu de passages. Exemple dans la Marne.

Entre 15 et 18 euros de l’hectare : c’est la somme qu’a dépensée Nicolas Mance sur ses blés en 2019 en fongicides céréales. « Mes rendements n’en ont pas pâti avec 89 quintaux à l’hectare pour des céréales semées entre fin octobre et début décembre 2018 après betteraves, souligne l’agriculteur installé à Normée dans la Marne (1). J’utilise les fongicides sur l’ensemble de mes céréales en microdoses depuis 2001, à savoir à un dixième de la dose homologuée de chaque produit. Au tout début, j’appliquais une microdose de fongicide à chaque nouvelle feuille sortie du blé ce qui donnait un programme à cinq traitements. Maintenant, avec des blés semés plus tard, des variétés choisies pour leur tolérance aux maladies et des outils d’aide à la décision pertinents, le concept des microdoses s’avère plus simple à appliquer. »

Depuis trois ans, Nicolas Mance reprend le même programme fongicide avec deux applications seulement et moins de 20 euros de l’hectare. Il prend garde d’acheter des produits avec des molécules et modes d’actions différents. « Visuellement, nous avons des blés plus gris et moins dorés avant la récolte, remarque le producteur. On voit la faible utilisation des fongicides qui laisse des champignons saprophytes se développer. Les bandes de comparaisons entre fortes doses et microdoses de produits que nous avons réalisées montrent qu’il n’y a pas d’incidence sur les rendements et la qualité. »

Passé de 1,9 à 0,5 d’IFT fongicide en quatre ans

Dominique Royer a son exploitation agricole à Faux-Fresnay (2), non loin de celle de Nicolas Mance. Tout récent retraité, l’agriculteur est rentré plus tardivement dans la stratégie des microdoses, en même temps qu’il a rejoint le réseau des fermes Dephy et le groupe 30000 d’agriculteurs pour la réduction des fongicides céréales. « En quatre ans, je suis passé d’un indice de fréquence de traitement (IFT) de 1,9 en fongicides céréales à 0,5 cette dernière campagne pour une moyenne de rendement de 89 quintaux à l’hectare en blé. À l’origine, les fongicides ne constituaient pas loin de la moitié de mes charges opérationnelles en phytos, se remémore Dominique Royer. L’intégration du groupe Dephy a stimulé ma réflexion sur la réduction des phytos que je recherchais pour des raisons économiques mais aussi environnementales et de pression sociétale. »

Pour ne pas favoriser l’installation de champignons, l’agriculteur choisit d’abord de ne pas semer trop dense ses blés. Ensuite, avec les informations de la chambre d’agriculture de la Marne, il porte son choix de variétés sur des obtentions tolérantes aux maladies, tout comme Nicolas Mance. « Nous sommes dans une région soumise à de fortes pressions d’oïdium, signale ce dernier. Il faut obligatoirement des variétés résistantes à cette maladie. Ensuite, nous choisissons des blés montrant de bonnes notes de tolérance aux autres maladies, sans lesquelles il n’est pas possible d’appliquer notre stratégie des microdoses. »

Un traitement T1 le plus souvent escamoté

Des variétés comme Mathéo, Chevignon, Syllon, Filon, Campesino… rencontrent un certain succès chez les agriculteurs marnais du groupe Dephy. Conseiller de la chambre d’agriculture de la Marne, Sylvain Duthoit suit ce groupe. Il a mis en test l’utilisation de l’outil OptiProtec de suivi des maladies dans le groupe 30000 de réduction des fongicides. L’outil permet de bien positionner le premier traitement et conforte la stratégie des agriculteurs. Ces dernières années, les programmes fongicides n’ont pas commencé avant le stade « dernière feuille étalée » (DFE), sorte de passage obligé pour placer au moins une application assurant la protection des blés.

Le premier traitement T1 qui se situait entre les stades 1 à 3 nœuds se trouve souvent escamoté dorénavant. Cette situation concerne beaucoup de régions de France, mais pas toutes. « Dans des régions comme la Normandie ou la Bretagne, le T1 est encore valorisé. Maintenant que le piétin verse et l’oïdium se sont raréfiés grâce à la combinaison de pratiques agronomiques et l’utilisation de variétés résistantes, ce T1 cible la septoriose et la rouille jaune, précise Jean-Yves Maufras, spécialistes chez Arvalis de la protection des céréales contre les maladies. Avec le recours important à des variétés de blé se comportant bien face à la septoriose, cette application perd de son intérêt. Parmi les quinze variétés les plus cultivées en 2018, on trouvait quatre variétés peu sensibles à la septoriose (Fructidor, Syllon, LG Absalon, Chevignon) et huit variétés résistantes à la rouille jaune (Fructidor, Rubisko, LG Absalon, Apache, Arrezo, RGT Scaramento, Chevignon, Descartes), précise l’expert. Il est donc possible de s’affranchir du premier traitement dans nombre de cas, surtout en situation de printemps sec retardant l’installation de l’épidémie de septoriose, comme l’on en a connu ces dernières années. »

Un traitement T1 rentable seulement dans une minorité de situations

En clair, le traitement T1 ne devient plus une nécessité mais une option pour Arvalis. L’institut a mesuré que la rentabilité d’un T1 n’avait été assurée que dans 27 % des cas entre 2013 et 2019 sur la base de 363 données du réseau d’expérimentation R2E. Le T1 avant le stade DFE ne devient recommandable seulement en présence de rouille jaune et/ou en cas de développement précoce de septoriose sur des variétés sensibles ou moyennement sensibles respectivement à ces deux pathogènes. Dans tous les autres cas, il n’est pas utile de traiter.

Ce fait minimise l’impact du retrait programmé des produits à base de chlorothalonil à partir de mai 2020, qui étaient en grande majorité utilisés en T1. « C’était une molécule utilisée en T2 également. Elle avait comme intérêt de lutter efficacement contre toutes les souches de septorioses présentant des résistances aux triazoles. Son usage permettait en outre de protéger les fongicides de la famille des SDHI de l’émergence de nouvelles résistances », signifie Jean-Yves Maufras. Mais la variété des solutions fongicides à disposition et les innovations qui arrivent sont pour rassurer les céréaliers.

(1) SCEA de la Manne (1) avec Nicolas et Corentin Mance : 265 hectares dont un tiers de céréales d’hiver, 8 % d’orge de printemps, 13 % de luzerne, 30 % de betterave, 16 % de légume (carotte, oignon).
(2) Gaec du Champ Malton avec Dominique (retraité), Isabelle et Christophe Royer : un atelier taurillons et 196 hectares (60 de blé tendre, 38 de betterave, 29 d’orge de printemps, 25 de colza, 12 d’orge d’hiver, 11,5 de luzerne, 10,5 d’œillette, 6,5 de maïs grain).

Les IFT fongicides bien maîtrisés

L’IFT fongicide n’a jamais dépassé 1 depuis 2012 chez Nicolas Mance, à la SCEA de la Manne. Il applique la stratégie des microdoses depuis 2001.

En passant d’1,9 à 0,5 d’IFT fongicides en quatre ans, Dominique et Christophe Royer du Gaec du Champ Malton ont bien tiré profit de cette stratégie des microdoses retenue depuis la campagne 2015-2016.

Les IFT fongicides sont inférieurs à 1 sur 10 des 13 exploitations agricoles du groupe Dephy de la Marne en 2018, dont 9 se situent entre 0,5 et 0,7 selon des données transmises par la chambre d’agriculture.

« Les fongicides, ce n’est presque plus un sujet », selon Sylvain Duthoit, chambre d’agriculture de la Marne. Le défi de réduction de phyto se porte sur les herbicides, dorénavant.

Les microdoses : une pratique délicate qui ne convainc pas tout le monde

Dans l’application de la stratégie des microdoses, Nicolas Mance, agriculteur, met en avant la difficulté de mélanger les produits, réglementairement parlant. « Beaucoup de mélanges sont interdits, il faut prendre garde à cela », souligne-t-il.
Chez Arvalis, Jean-Yves Maufras se montre sceptique quant à la pertinence de la stratégie. « Si les microdoses doivent se traduire par la multiplication des passages, il faut savoir que beaucoup de fongicides ne sont autorisés à être utilisés qu’une seule fois sur une campagne. D’autre part, il ne faut pas appliquer la stratégie sur n’importe quelle variété. Effectivement, cette campagne, un blé tolérant aux maladies comme LG Absalon a nécessité une protection minime. Mais si l’on a des variétés sensibles et que l’on est en présence d’une pression forte de maladies comme une rouille, un dixième de dose de fongicide sera inefficace. »

Avis d’expert : Sylvain Duthoit, chambre d’agriculture de la Marne

« OptiProtec pour bien positionner le premier traitement »

« Basé sur le modèle de prévision Septolis d’Arvalis, l’outil OptiProtec détermine le déclenchement du premier traitement en regard de la pression parasitaire en septoriose et rouilles. L’outil prend en compte la variété de blé de la parcelle suivie, les dates de semis et il est relié aux stations météo les plus proches. Il prévoit des stades végétatifs du blé et l’arrivée de septoriose et de rouilles. En tant que modèle de prévision des maladies du blé (piétin verse, septoriose, rouilles jaune et brune, fusariose des épis), l’outil est disponible au tarif de 175 euros pour le suivi de cinq parcelles et de 199 euros pour dix parcelles. À l’avenir, OptiProtec pourra prendre en compte la persistance d’efficacité des traitements et positionner le deuxième traitement fongicide en plus du premier. »

Revystar XL : nouvelle référence antiseptoriose

« Revystar XL a vocation à prendre la première place des fongicides céréales. » Responsable du pôle céréales chez BASF France, Jérôme Tournier présente le nouveau produit phare de la société. Revystar XL (=Diadem) contient la matière active Revysol (méfentrifluconazole, 100 g/l), un triazole de nouvelle génération contre lequel aucune souche de septoriose n’a montré de résistance. Ce triazole est associé à un SDHI dans le produit, le xemium (fluxapyroxad) à 50 g/l. Pour Jean-Yves Maufras, Arvalis, « Revystar XL associe le meilleur triazole sur la septoriose au meilleur SDHI du marché. Mais attention à ne pas le développer sur 5 millions d’hectares de blé sinon, la pression de sélection s’exercera sur les pathogènes et générera l’émergence de résistance ». Mais les deux matières actives de famille et de mode d’action différents dans Revystar XL devraient limiter fortement ce risque.

Conseillé entre 0,8 et 1 l/ha

Sur le plan des résultats, Jérôme Tournier met en avant « une efficacité supérieure de 15 % de Revystar XL à 1 l/ha comparée aux références du marché sur une synthèse de 19 essais. Cette protection supérieure se traduit par un surplus de rendement du blé de 3 q/ha ». Les essais d’évaluations produits d’Arvalis confirment la haute efficacité de Revystar XL. L’institut remarque une efficacité et un niveau de rendement à la dose de 0,75 l/ha qui ne se différencie pas significativement de la dose maximale d’1,5 l/ha. BASF conseille une utilisation de Revystar XL entre 0,8 et 1 l/ha. Sur blé, le produit est efficace sur rouilles et septoriose. Il est également homologué sur orges où son association avec le produit Comet apporte un spectre d’efficacité complet sur les maladies du feuillage. En plus d’être dans Revystar XL, la molécule Revysol pourra se retrouver dans des packs, associée à d’autres fongicides pour constituer des mélanges.

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