LOGISTIQUE
L’orge mise en boîtes avant d’être mise en bière
La flambée des prix du fret vraquier et la disponibilité
considérable de conteneurs repartant à vide vers la Chine ont ouvert
la voie à l’exportation d’orge de brasserie en conteneur.
On connaissait déjà le succès de la bière en canette. C’est au tour de l’orge d’être conditionnée dans une boîte de métal.Charger des lots d’orge de brasserie dans des conteneurs pour les expédier à l’autre bout de la planète, constitue désormais une option que ne négligent pas les opérateurs de la filière.
CONTENEURS VIDES VERS LA CHINE
« Transporter des céréales par conteneur pouvait paraître aberrant, le vrac par lot de 3 000 à 6 000 tonnes est en effet la règle depuis plus de vingt ans », reconnaît Jean-Claude Girard, à la tête de la société Interbrau, qui distribue 1,4 million de tonnes d’orge brassicole dans le monde. Mais l’explosion des exportations de produits manufacturés chinois vers l’Europe a changé la donne. « Il y a pléthore de conteneurs qui repartent à vide vers l’Asie, et les compagnies maritimes cherchent de la marchandise pour rentabiliser le trajet, explique Nicolas Rosa, directeur commercial adjoint de la division malterie chez Soufflet. Simultanément à l’arrivée sur le marché de nombreux porte-conteneurs de plus en plus gros, on a observé une hausse faramineuse du prix du fret vraquier jusqu’à l’été 2008. Cela a conduit à des écarts de prix favorables au trafic conteneurisé, notamment à destination de la Chine. » Avant que la crise internationale ne vienne donner un coup de frein aux échanges mondiaux, certains affréteurs ont même proposé des tarifs proches de zéro. En 2008, année pendant laquelle le prix du vrac a culminé, les exportations d’orge de brasserie de l’Europe vers la Chine ont été exécutées exclusivement par conteneur, soit 200000 tonnes. Jean- Claude Girard l’assure : « sans cette solution, nous aurions été exclus du marché face aux Canadiens et Australiens qui ont l’avantage de la proximité. » Plusieurs caractéristiques du marché de l’orge de brasserie ont permis de tirer pleinement profit de cette nouvelle opportunité : la Chine importe massivement de l’orge pour faire face à une consommation croissante de bière, et les transformateurs s’accommodent très bien d’un approvisionnement par petits flux réguliers. Grâce à une compartimentation par boîte pouvant contenir 22 tonnes de céréales, le transport en conteneur facilite l’expédition de lots moins volumineux que le vrac.Mais l’atout logistique de cette autoroute des mers ne s’arrête pas là. « Les porte-conteneurs mettent seulement trente jours pour rallier l’Asie, et ils empruntent des lignes régulières, souligne Jean-Claude Girard. Il y a au moins une navette par semaine pour chaque port chinois au départ de l’Europe, il est donc possible de faire ses prévisions semaine par semaine. » « On s’affranchit du côté aléatoire du vrac, renchérit Nicolas Rosa. Avec le transport vraquier, il faut trouver un bateau, s’assurer qu’il arrive au port à l’heure… Avec les conteneurs, on peut charger une péniche à Nogent, et même si l’on rate le départ d’un porte-conteneurs au Havre, on sait qu’il y aura rapidement un autre départ. » À cela s’ajoute la garantie d’une traçabilité totale, en porte-à-porte.
POUR DES MARCHÉS SPÉCIFIQUES
« C’est de la livraison à la carte, résume Manuel Gaborieau, attaché commercial au port de Rouen. Le remplissage se fait au silo chez l’OS, pour livrer directement au client final, sans manipuler la marchandise. On supprime les aléas liés à la manutention. » Les céréales ne devraient pourtant pas abandonner le vrac pour se jeter dans les conteneurs. « C’est un circuit intéressant pour certains flux spécifiques, mais qui n’est pas adapté à toutes les destinations ni à toutes les marchandises, tempère Manuel Gaborieau. Par exemple, les conteneurs vides sont beaucoup moins nombreux vers l’Égypte que vers la Chine, et quand l’Algérie fait un appel d’offres de 300000 tonnes de blé, je vois mal de tels volumes partir en conteneurs. Mais pour des petites expéditions de pois ou de féveroles, pourquoi pas ? » Malgré la réduction du trafic liée à la crise et l’effondrement du coût du fret maritime, « le conteneur conserve son intérêt car les cours du vrac demeurent très volatils. Les lignes conteneurisées apportent une meilleure visibilité sur six mois, estime Jean-Claude Girard. Et l’on estime qu’environ 15 % seulement des conteneurs repartent chargés vers l’Asie. Il y a donc encore de la marge. »