L'offre en assurances chiffre d’affaires s'étoffe
Pour lutter contre l’incertitude du revenu des agriculteurs, des offres de garantie de chiffre d’affaires se développent. Comment fonctionnent-elles ? Explications au travers des produits des deux principaux assureurs agricoles : Groupama et Crédit agricole.
Comment y voir clair ? Entre « Garantie chiffre d’affaires sécurisé », « Objectif stabilité » ou encore « Premium semis », les assurances chiffre d’affaires ne sont pas simples. Pourtant, elles attirent, par leur garantie d’une rémunération minimum aux agriculteurs. Dans un contexte où la volatilité est croissante sur l’ensemble des composantes du revenu, ces assurances permettent une double protection. Elles interviennent à la fois pour pallier aux aléas climatiques et aux variations des prix du marché. Initiées par les coopératives il y a près de dix ans, les assurances chiffre d'affaires sont désormais davantage accessibles. Deux leaders du marché, Pacifica (1) et Groupama, proposent ce type de garantie. Détails.
Des principes similaires de calcul
Dans les deux cas, les assureurs ont fait le choix de garantir le revenu uniquement sur trois cultures : blé tendre d’hiver, colza d’hiver et maïs grain. Les principes sont similaires. Lors de la signature, l’assureur calcule un chiffre d’affaires « assuré ». Ce montant est comparé au moment de la récolte au chiffre d’affaires « réalisé ». La différence entre les deux détermine ou non une indemnisation. Dans les deux cas, il faut bien sûr soustraire le coût de la prime d’assurance pour correctement définir un montant global perçu par l’agriculteur après récolte. Seule la partie de la prime relative à l'assurance récolte classique est subventionnée par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader).
Pacifica présente une offre sans franchise
Pacifica propose pour la première fois cette année l’offre « Garantie chiffre d’affaires sécurisé ». « C’est l’agriculteur qui choisit le chiffre d’affaires sécurisé en fonction de ses besoins, de même qu’il détermine un pourcentage de la sole à assurer qui ne peut pas dépasser 80 % », a indiqué Thierry Langreney, directeur général de Pacifica lors du lancement de l’offre en juin dernier. Ces critères, la surface et le chiffre d’affaires (CA) déterminent un chiffre d’affaires « sécurisé ». Il est sans franchise, librement défini, mais plafonné en fonction des performances de la ferme (voir tableau). Un CA sécurisé bas couvre les coûts de production tandis qu'un CA sécurisé élevé couvre le revenu. Après la récolte, « nous établissons un chiffre d’affaires calculé, produit du rendement réalisé par l’agriculteur et de la moyenne des cours Euronext sur six mois », explique le directeur. « Ce n’est pas le prix individuel prévu par le client qui est utilisé, mais bien un prix représentatif du marché », insiste-t-il.
Concrètement, pour souscrire une assurance chiffre d'affaires, « l’agriculteur signe juste un avenant à son assurance récolte, décide d’un prix, d’une surface et c’est terminé. Pendant douze mois nous apportons une tranquillité », souligne le directeur. La prime d’assurance de Pacifica est calculée sur une base individuelle selon le potentiel du client à atteindre le chiffre d’affaires déterminé, c’est-à-dire à travers l’historique de ses rendements et la cotation du marché à terme au jour de la souscription.
Groupama assure 100 % de la sole
Chez Groupama, l’offre « Objectif stabilité » a été lancée l’année dernière avec plus de 10 000 hectares couverts. « L’offre a suscité un réel intérêt sur le terrain, plus de la moitié des agriculteurs qui ont souscrit à cette assurance chiffre d’affaires sont des nouveaux clients », affirme Delphine Letendart, directrice Marché agricole chez Groupama. Et ce, « malgré des prix de marché projetés a priori faibles pour les cultures », précise-t-elle. Car le chiffre d'affaires garanti de l'agriculteur (voir tableau), dépend d'une « projection à n+1 prise sur le marché à terme l’avant-veille du jour de la souscription, explique la directrice. Donc si les prix à la signature sont faibles, l’agriculteur peut être réticent ». En même temps, Groupama peut s’engager sur 100 % de la sole de l’exploitation, contrairement à Pacifica.
Le jour de la souscription, l’agriculteur déclare ses cinq derniers rendements historiques pour calculer son rendement de référence (voir tableau). Puis, « deux choix sont à faire : définir une surface à assurer et un niveau de franchise », présente la directrice. Entre 15 % et 30 %, « la franchise permet de moduler son niveau de protection », assure-t-elle.
À conseiller pour les plus fragiles
L’assurance chiffre d’affaires est-elle un bon outil ? Les experts ont des avis mitigés. « Tout dépend de la fragilité économique de l’exploitation », explique Thierry Lemaitre, conseiller gestion au Cerfrance dans l’Aisne. « Par exemple, un jeune agriculteur qui s’installe en grandes cultures ne peut pas se permettre une année comme 2016 et devrait s’assurer, rétorque-t-il. De même qu’un céréalier avec une production élevée et peu de trésorerie devrait faire ce choix. » Ces assurances ont leur utilité dans certains cas, « mais elles étaient jusqu’ici relativement chères, remarque le conseiller. Elles ne garantissent pas un revenu fixe chaque année, tout dépend des prix projetés, précise-t-il. La difficulté, c’est donc de positionner le curseur. C’est un raisonnement personnalisé et une négociation avec l’assureur ». Car au moment de signer un contrat, plusieurs critères influencent la négociation. D’un côté, « les assureurs cherchent à garder leurs clients », souligne Cyril Durand du Cerfrance Alliance Centre. De l’autre, « certaines banques peuvent ne plus supporter les dettes de l’exploitant s’il ne se couvre pas », avoue Thierry Lemaitre… Pour Cyril Durand, ces assurances restent « des outils de gestion de risques à budgéter ».
(1) Pacifica est la filiale assurances dommages du Crédit agricole.De plus en plus d’agriculteurs assurent leurs récoltes
De l'avis des professionnels, il y a une nette progression dans la souscription des assurances récoltes classiques. « Nous constatons une augmentation de plus de 50 % du nombre d’assurés pour la récolte en deux ans », a présenté Thierry Langreney, directeur général de Pacifica, filiale assurances dommages du Crédit agricole, lors du lancement de l'assurance chiffre d’affaires du groupe. « Il aura fallu des chocs violents, comme la récolte difficile de 2016 pour susciter l’intérêt d’une assurance », constate-t-il. Mais c’est encore trop peu. Aujourd’hui, « seulement 25 % de la SAU en grandes cultures est couverte, ce taux doit progresser », revendique Delphine Letendart, directrice Marché agricole chez Groupama. D’autant plus que « moins de 1% des agriculteurs se couvrent sur les marchés à terme et moins de 30 % du volume de céréales ont un prix couvert avant la moisson » a indiqué Thierry Langreney. Pour mémoire, 90 à 95 % des producteurs canadiens souscrivent à des programmes équivalents à l’assurance récolte (voir le n° 304 de Réussir Grandes Cultures).