Entretenir les fossés pour réduire les conséquences des inondations sur les cultures
Le mauvais entretien des fossés a été parfois pointé du doigt pour expliquer les fortes inondations et une décrue trop lente dans certaines situations. Le point sur les pratiques à respecter avec l’exemple du département de l’Aisne.
Le mauvais entretien des fossés a été parfois pointé du doigt pour expliquer les fortes inondations et une décrue trop lente dans certaines situations. Le point sur les pratiques à respecter avec l’exemple du département de l’Aisne.
Les épisodes de fortes inondations de la campagne 2023-2024 ont mis en exergue la question de l’entretien des fossés (et de cours d’eau) qui bordent de nombreuses parcelles agricoles selon les territoires. Le rôle des fossés est de drainer les parcelles et de réduire les risques d’inondation. Leur entretien est de la responsabilité des propriétaires du terrain.
Le département de l’Aisne fait partie des départements concernés par les crues. « Avant les épisodes de 2023-2024, nous avons déjà connu en 2021 des pluies importantes en juillet qui ont causé des inondations dans le nord de la France et dans notre département avec plus de 1 000 hectares touchés par des crues, se souvient Hubert Compère, agriculteur à l’époque à Mesbrecourt-Richecourt (1). Il y a eu des pertes importantes sur les cultures, notamment en pommes de terre et betteraves. » Ces inondations en plein été ont été une surprise pour tout le monde. Un mauvais fonctionnement des fossés avait déjà été mis en évidence.
Également président de syndicat de rivière, Hubert Compère a pu constater le manque d’entretien des fossés : « Autrefois, nous pouvions utiliser des désherbants pour nettoyer les abords des fossés. C’est dorénavant interdit pour préserver l’environnement et la qualité de l’eau. » De même, le brûlage (écobuage) n’est plus autorisé. Toutes ces pratiques facilitaient l’entretien des fossés. La peur de l’administration pèse également sur le défaut d’entretien des fossés. Des situations sont rapportées où des agriculteurs ont été condamnés pour pratiques illégales en engageant des travaux sur des fossés alors qu’ils n’avaient pas conscience de mal agir. D’un autre côté, si un propriétaire n’intervient pas, il ne s’expose pas à des pénalités, mais il n’est pas exclu, à terme, qu’une commune se retourne contre lui si elle juge qu’une crue serait due en partie au non-entretien d’un fossé.
Les agriculteurs ont perdu l’habitude d’entretenir les fossés
« Face à l’empilement de normes et à la peur d’écoper d’une sanction, les agriculteurs ont perdu l’habitude depuis une quinzaine d’années d’entretenir les fossés », confirmait fin août Charlotte Vassant, président de l’Union des syndicats agricoles de l’Aisne, à l’occasion d’une opération « fossés propres » lancée avec l’antenne locale de l’Office français de la biodiversité (OFB). Depuis 2015 (règles BCAE de la PAC), les agriculteurs ont dû justifier auprès de Bruxelles que la présence d’arbustes dans des fossés, figée sur les photographies aériennes à cette date, ne correspondait pas à un alignement d’arbres ou à une haie pour que leur arasement ultérieur n’entraîne pas de sanctions sur les aides PAC. « Ils ont justifié en 2016, 2017, 2018 et puis ils ont laissé tomber de peur d’être sanctionnés, les sanctions pouvant parfois aller jusqu’à 20 000 euros de retenue sur les aides », témoigne l’agricultrice. Les fossés se sont alors peu à peu engorgés et ont perdu de leur utilité.
« Des arbres comme les saules marsaults, des buissons, de la végétation se retrouvent dans les fossés. Il peut aussi y avoir des projections de terre au moment des travaux dans les champs, observe Hubert Compère. Au fil du temps, la section des fossés se réduit avec une profondeur perdue parfois de moitié. » Résultat : l’eau s’écoule trop lentement.
L’agriculteur expose un cas concret d’impact sur les cultures pendant le printemps 2024. « Nos semis de maïs se sont retrouvés inondés dans une parcelle début juin, alors qu’il y a un fossé au bord. Sur une bonne partie du champ, l’eau s’est retirée en quelques jours, ce qui a permis au maïs de pousser sans problème. Mais sur une autre zone de la parcelle, l’eau est restée longtemps, provoquant la mort des plants. Le fossé non entretenu depuis des années n’a pas joué son rôle contre cette stagnation de l’eau. »
Un bon écoulement dans un fossé entretenu accélère la décrue
Si une inondation n’est pas évitable quand la pluviométrie est très importante, l’eau doit pouvoir se retirer rapidement du champ en cas de crue. « Un bon écoulement dans un fossé bien entretenu fait gagner quelques jours sur la décrue et peut permettre à la végétation de passer ce cap sans encombre », souligne Hubert Compère. Plus la durée d’inondation est courte, plus les chances de survie de la culture sont importantes.
« Un point de vigilance est de ne pas laisser d’arbres pousser au fond des fossés. Si un arbre dans le fossé gêne l’écoulement de l’eau, il doit être enlevé en le dessouchant », précise Romuald Marandet, de l’OFB dans l’Aisne. Les saules marsaults par exemple deviennent très vite envahissants en milieu humide si on n’y prend pas garde. « S’ils sont au bord des fossés, on peut les tailler ou les couper. Les pieds recèpent facilement ensuite. Si les arbres sont constitutifs d’une haie, l’agriculteur peut les couper (hors période de nidification des oiseaux), mais pas les éliminer. »
Un coût pour l’entretien, mais un retour sur investissement
Il n’y a pas d’aides financières pour l’entretien des fossés. « Mais en curant son fossé, il y aura retour sur investissement avec moins de dégâts occasionnés sur les cultures par les crues, souligne Hubert Compère. Il en coûte malgré tout de l’ordre de 800 euros pour un jour de grue (pelleteuse à chenille) qui travaillera sur une longueur entre 400 et 800 mètres, selon l’état du fossé. Mais ensuite, on peut être tranquille pour vingt ans », selon l’agriculteur. Aux différents propriétaires de se mettre d’accord dans le partage des frais d’entretien. Les syndicats de rivières peuvent intervenir pour pointer les secteurs qui nécessitent un entretien, sans avoir le pouvoir d’imposer des travaux.
Pour sensibiliser à la nécessité de curage des fossés, une zone de démonstration a été installée en sortie du village de Mesbrecourt-Richecourt, il y a deux ans. Un document a été rédigé pour préciser la procédure à suivre pour tout type de propriétaire, qu’il soit agriculteur ou pas, pour entretenir les fossés et leur permettre de remplir leur rôle bénéfique. Outre l’impact sur l’inondation, un fossé bien entretenu sera source de biodiversité et contribuera à la préservation de la qualité de l’eau.
Une distinction pas toujours évidente entre cours d’eau et fossés
Protégés et régis par le Code de l’environnement, les cours d’eau nécessitent davantage de formalités administratives pour une intervention d’entretien que les fossés, d’où l’importance de faire la différence entre ces deux milieux hydrographiques. Les cours d’eau sont naturels tandis que les fossés sont des ouvrages artificiels destinés à drainer des parcelles ou à évacuer des eaux de ruissellement. Ils ont souvent un tracé plus rectiligne que les cours d’eau. La distinction entre les deux n’est pas toujours évidente sur le terrain. « De nombreux cours d’eau ont été canalisés, recalibrés, créant un lit artificiel, remarque Romuald Marandet, de l’OFB de l’Aisne. Mais cela reste des cours d’eau. Dans le département de l’Aisne, on arrive facilement à faire la distinction entre cours d’eau et fossés dans 95 % des cas environ. Dans les 5 % restants, il vaut mieux nous contacter pour déterminer sur le terrain le bon classement, avant d’engager d’éventuels travaux. »