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Semis de colza en France
Les exploitants boudent les semences certifiées

Semences certifiées contre graines de ferme. Le contexte économique difficile pousse les agriculteurs à produire, sans frais, leurs propres semences de colza. Au grand désarroi des semenciers.


Les semenciers sont inquiets. Les graines de ferme prennent une part toujours plus importante dans les ensemencements de colza. « Cette part est évaluée entre 30 et 35 % des semences et, pour les seules lignées, elle est supérieure à 40 %, note Gérard Faure, directeur de l´Amsol(1). Dans certains départements, les graines de ferme atteignent des proportions deux fois plus importantes. Pour autant, « le taux de graines de ferme n´a pas trop évolué par rapport à la campagne précédente, selon Gérard Faure, car l´augmentation de la surface en colza s´est faite dans des régions où la culture est nouvelle comme dans l´Ouest avec des utilisations fortes de semences certifiées ». Mais les groupes semenciers regrettent un taux trop faible d´utilisation des semences certifiées. C´est un coup porté à la rentabilité de la recherche et à son financement. Une cotisation volontaire obligatoire sur les semences de ferme de colza pourrait apporter des subsides à la recherche comme cela existe pour le blé. Mais la CVO colza n´est qu´à l´état de projet.
Pourquoi les agriculteurs dédaignent-ils autant les semences certifiées pour préférer produire leurs propres semences ? La raison est financière. Le prix à l´hectare d´une semence certifiée est compris entre 40 et 50 euros. Dans un contexte de productions peu rémunératrices, les agriculteurs cherchent les économies de charges à tous les niveaux. Et l´argument d´utiliser les semences certifiées pour le financement de la recherche colza n´a pas de poids face à un contexte économique incertain. L´agriculteur ne voit pas distinctement les fruits de la recherche bien qu´en moyenne, les rendements progressent d´un tiers de quintal par hectare par an, que les colzas ont gagné en qualité, que le phoma peut être maîtrisé actuellement grâce à l´amélioration de la tolérance variétale.
Des garanties de fiabilité avec les semences certifiées
Outre le progrès génétique, peut-on trouver un véritable intérêt technique et économique à l´emploi des semences certifiées ? « L´utilisation de ces semences apporte une garantie de pureté spécifique de 98 % », précise Gérard Faure. Sous-entendu, qu´elles ne renferment pas ou très peu de graines d´éventuelles plantes concurrentielles du colza. « A produire ses semences, si on le fait dans de mauvaises conditions en manquant de soin dans le tri, on prend le risque de garder des semences d´adventices (crucifères, géraniums.) et de les ressemer dans la parcelle de colza, prévient Jean-Pierre Palleau, ingénieur régional Cetiom en Poitou-Charente. Un salissement des champs avec des sanves par exemple qui montent à graines en même temps que le colza pourra avoir des conséquences sur la qualité de la graine - taux de glucosinolate élevé par exemple - mais surtout sur le rendement. De plus, la panoplie de produits herbicides ne permet pas de lutter efficacement contre la forte présence de certaines adventices. » Les agriculteurs qui trient leurs propres semences sont conscients de ces risques.
Les semences certifiées apportent également des garanties de pureté variétale, à 98 % pour les lignées. Le colza est une plante autogame et la « pollution » génétique ne pose pas de problèmes aux producteurs de graines de ferme.
L´utilisation des semences certifiées fournit une sécurité de germination (faculté germinative supérieure à 85 %). Le recours aux graines de ferme est sujet à incertitude sur les taux de germination. Pratique habituelle : les semences de ferme de colza sont semées à des doses plus élevées que les semences certifiées.
Dans un contexte économique incertain, l´argument d´utiliser les semences certifiées de colza pour le financement de la recherche a du mal à être entendu par les agriculteurs. ©C. Gloria

Ne pas surdoser le semis avec les graines de ferme
« Cette pratique comporte des risques, observe Pascal Simonin, ingénieur Cetiom en Lorraine. S´il y a des reliquats d´azote, il peut y avoir une levée telle que le peuplement devient trop dense. Il peut s´ensuivre une élongation à l´automne avec vulnérabilité accrue au phoma. Il est alors nécessaire d´appliquer un régulateur de croissance avec les frais supplémentaires que cela implique. Il y a, en plus, concurrence entre les plantes qui peut amener au final des pertes en rendement. Ce ne sont pas les densités les plus fortes de colza qui amènent les meilleurs rendements. »
Sur l´aspect germination, les graines de ferme montrent un avantage : les levées sont plus rapides. « Il peut y avoir un décalage d´un ou deux jours en faveur des graines de ferme, constate Pascal Simonin. Mais cela n´a pas d´impact final sur le peuplement et le rendement. » Des cas de problèmes de levée importants ont pu être rapportés avec des semences certifiées : problème de l´enrobage qui est une barrière pour le contact de la graine avec l´eau ou produit de traitement de la semence montrant une phytotoxicité ? Il semble que ces manques importants à la levée soient moins d´actualité de nos jours. Et si le problème se pose, on peut toujours se retourner vers la station de semences. Ce n´est pas le cas avec les graines de ferme.
(1) Association des établissements obtenteurs et producteurs de semences de plantes oléo-protéagineuses.

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