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Le biocontrôle envisagé contre le mildiou de la pomme de terre

Souche de champignons, bave d’escargot, bactéries en culture, phosphites… les solutions alternatives étudiées pour lutter contre le mildiou de la pomme de terre sont nombreuses. Reste que du laboratoire au champ, les efficacités diminuent souvent.

Contre le mildiou de la pomme de terre, un produit de biocontrôle attend d'être homologué en France.
© V. Marmuse

La pression est forte pour trouver des solutions alternatives à la protection chimique contre le mildiou de la pomme de terre. « Depuis 2007, nous testons de telles solutions chez Arvalis, tout comme les industries de protection des plantes, des start-up ou encore l’Inra », explique Denis Gaucher, spécialiste pommes de terre à Arvalis. Mais pour l’instant aucun produit de biocontrôle n’a obtenu d’homologation contre le mildiou de la pomme de terre. La seule demande en cours porte sur le stimulateur de défense des plantes LBG-01F34 à base de phosphites déposé par la société De Sangosse(1). Au sein du consortium biocontrôle(2), une dizaine de spécialités seraient testées contre le mildiou. Mais les résultats ne seront rendus publics que dans quelques années.

« La problématique des produits de biocontrôle est de retrouver en plein champ l’efficacité obtenue en laboratoire, pointe l’expert d’Arvalis. Certaines spécialités fonctionnent bien in vitro mais irrégulièrement en conditions naturelles. » Généralement, les produits de biocontrôle ont une meilleure efficacité en cas de faible pression. Leur utilisation s’intègre plus facilement en complément de fongicides classiques, dans l’objectif de diminuer les doses chimiques appliquées, soit en mélange de produits, soit en alternance.

Un outil de pilotage à prévoir pour bien utiliser les SDP

De plus, l’efficacité de ces spécialités varie selon l’état physiologique de la plante, sa génétique, les conditions d’application, les souches de mildiou et leur niveau d’infestation. « Nous devons mieux connaître la persistance des produits étudiés, poursuit Denis Gaucher. Il faut environ deux ou trois jours aux plantes pour activer leurs défenses après l’application de stimulateurs de défense des plantes (SDP). La persistance diminue au bout de sept jours. Des expérimentations enrichies vont déterminer grâce à des puces ADN quels gènes sont activés. »

Selon Didier Andrivon de l’Inra de Rennes, « les SDP ne remplaceront pas les fongicides. Le mildiou est une maladie épidémique qui va très vite. Et la maladie va trop vite en situation favorable pour que les plantes aient le temps de mettre en place une défense ». Les SDP sont à utiliser avant la contamination. « Il nous manque un outil de pilotage pour savoir bien les utiliser : ni trop tôt, ce qui serait inutile ; ni trop tard. Cet outil d’aide à la décision devrait intégrer la météo, la pression maladie et peut-être la variété, vu la grande interaction variété/efficacité des produits de biocontrôle », insiste le chercheur.

À côté des SDP, d’autres produits à base de micro-organismes, comme des bactéries (ou des extraits de leurs parois), des champignons ou des levures sont à l’étude, de même que des extraits naturels ou des huiles essentielles. Ainsi, une souche de champignons dénommée Y3 pourrait participer à la lutte contre le mildiou. Découverte dans les années 2010 par deux chercheurs de l’Inra de Sophia-Antipolis, Éric Galiana et Michel Ponchet, elle a des effets intéressants en laboratoire. « Les spores de cet ascomycète entraînent la mort de celles du mildiou de la pomme de terre lorsqu’elles sont en contact in vitro », dévoile Michel Ponchet.

Un principe actif efficace à faible dose

Le champignon Y3 agit en secrétant un principe actif dans le milieu ambiant. Cette molécule que les chercheurs ont identifiée se révèle efficace dès une faible dose en laboratoire. Une véritable tueuse avec une efficacité de 100 % de mortalité des oomycètes dès 1 mg/l. « Les faibles doses nécessaires sont encourageantes pour une utilisation possible en plein champ », se réjouit le scientifique. La molécule présente également une activité bactéricide et fongicide, mais à des concentrations vingt à cinquante fois plus élevées.

Un partenaire industriel a pris le relais pour étudier la faisabilité d’une utilisation en plein champ contre les mildious de la pomme de terre et de la vigne. « La molécule ne va pas tuer le champignon du mildiou, mais ses sporanges (NDLR : structure contenant les spores), précise Michel Ponchet. Sur le mycélium, l’efficacité est moindre à dose équivalente. Ce produit de biocontrôle pourrait se positionner en début d’attaque, sur les premiers foyers infectés afin d’éviter le phénomène épidémique et limiter la propagation du mildiou. L’idée est d’enrayer l’épidémie avant qu’elle ne devienne problématique. »

Si cette molécule s’avère efficace en plein champ, elle pourrait être a priori produite à un coût compatible pour les utilisations agricoles. Trois voies sont envisageables : multiplier la souche de champignon qui produit la molécule au cours du temps, faire produire au champignon un cocktail de molécules dont celle active, ou encore utiliser une molécule de synthèse identique à la substance organique.

(1) Le produit est homologué sur vigne contre le mildiou.
(2) Regroupement de 41 acteurs des secteurs public et privé.

Quand la bave d’escargot atteint le mildiou

L’escargot d’eau douce Biomphalaria glabrata secrète une protéine (LBP/BPI) spéciale. « Cet invertébré produit un gel afin de protéger ses œufs qui contient 60 % de cette protéine », explique Christine Coustau. Cette chercheuse, directrice de recherche au CNRS de Sophia Agrobiotech, a mis en évidence la molécule produite par le petit invertébré qui est présent sous les tropiques dans les mares, marais ou même dans les tuyaux d’égouts, riches en organismes pathogènes. La molécule a une forte action sur les zoospores du mildiou, mais peu sur le mycélium. Les tests in vitro sur des feuilles de pommes de terre infestées donnent une efficacité de 40 % de réduction de la maladie sur la variété Belle de Fontenay en spray avant une infection. Les résultats sont moins probants sur deux autres variétés. En curatif, l’effet observé était de 20 %. Pour l’instant, aucun développement industriel n’est prévu pour cette recherche effectuée entre 2012 et 2016.

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