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Fertilisation azotée : activez les leviers pour limiter la volatilisation ammoniacale

La volatilisation de l’azote, c’est littéralement un investissement qui s’évapore. Plusieurs précautions permettent de limiter le phénomène, à commencer par un apport au bon stade, avec la météo adéquate, surtout avec l’urée.

Pour limiter les pertes, l’idéal est de réaliser les apports d'azote en l’absence de vent, par températures inférieures à 10 °C et juste avant une bonne pluie.
Pour limiter les pertes, l’idéal est de réaliser les apports d'azote en l’absence de vent, par températures inférieures à 10 °C et juste avant une bonne pluie.
© S. Leitenberger

Optimiser l’efficacité des engrais azotés passe par la limitation de la volatilisation. Plusieurs facteurs peuvent y contribuer, à commencer par le choix de la date d’application en fonction de la météo. Si le sol est sec et l’apport effectué en plein, l’engrais restera à la surface, avec un risque plus élevé de volatilisation. Pour limiter les pertes, l’idéal est de réaliser les apports en l’absence de vent, par températures inférieures à 10 °C et juste avant une bonne pluie (15 mm dans les 15 jours suivant l’apport), ou un tour d’eau.

La pluie permet à l’azote de pénétrer dans le sol, ce qui limitera la volatilisation ammoniacale. « Les essais menés dans le Nord-Pas-de-Calais dans le cadre du projet Epand’air ont confirmé l’absence de volatilisation lorsque les apports d’azote sont effectués avant une pluie », confirme Léa Hermier, conseillère environnement à la chambre d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais.

« La volatilisation ammoniacale est un processus physico-chimique lié à un gradient de concentration entre l’atmosphère du sol et l’atmosphère de l’air », explique Francesca Degan, ingénieure spécialisée en gestion de la fertilisation chez Arvalis. Moins on met en contact l’engrais et l’air, moins l’azote sera sujet à la volatilisation ammoniacale. L’idéal serait d’enfouir l’azote à l’épandage, car le processus de volatilisation est relativement rapide. « Dans la majorité des cas, le pic d’émissions est atteint dans les deux à sept jours suivant un apport d’engrais minéral, précise Francesca Degan. Pour les engrais organiques, les pertes sont plus rapides : elles se concentrent dans les 24 heures qui suivent l’apport. »

En l’absence de pluie, profiter de la rosée

« Le plus important reste de calculer au plus juste la dose en fonction des besoins et d’apporter au bon stade. On a alors une fenêtre de quelques jours où l’application reste valable. Si aucune pluie n’est annoncée, l’idéal est d’appliquer l’engrais quand les conditions d’humidité du sol (rosée du matin) sont les plus importantes. Si les prévisions météo annoncent une dépression, il faut positionner l’apport au plus près des pluies », développe la spécialiste.

La forme d’azote utilisée joue aussi beaucoup. Parce qu’elle est composée d’azote uréique, l’urée est la forme d’engrais la plus exposée et la plus sensible, devant la solution azotée puis l’ammonitrate. Par rapport à l’ammonitrate, les pertes de l’urée sont moyennes de 13 %, et de 9,4 % pour la solution azotée. Aux prix actuels des engrais, ces chiffres mettent en lumière d’importantes économies potentielles. D’autant qu’il s’agit là de moyennes. Un apport de solution azotée par temps sec et venteux peut entraîner une perte d’efficacité jusqu’à 30 %. « La sensibilité des engrais est très variable en fonction des conditions météo et des conditions du sol (pH et humidité) », insiste Francesca Degan. Le pH du sol peut ainsi aggraver la situation : les sols alcalins accentuent le phénomène de volatilisation.

L’utilisation d’inhibiteurs d’uréase en association avec de l’urée présente un intérêt technique mais le coût des deux produits équivaut à celui de l’ammonitrate, ce qui en limite l’intérêt économique. Autre additif utilisable : le thiosulfate d’ammonium. « Associé à de la solution azotée, il ralentit l’activité des uréases et limite le risque de volatilisation ammoniacale, détaille Sylvain Pons, ingénieur grandes cultures à la FDCeta de Charente-Maritime. Le risque de pertes est réduit et son utilisation évite un passage de soufre supplémentaire au printemps. Par contre, il faut respecter un pourcentage d’incorporation de 10 % par rapport à la solution azotée. » Le produit dose 13 unités d’azote et 64 de soufre.

Un épandeur qui injecte l’engrais en profondeur

Enfouir l’engrais à l’apport est la solution la plus radicale pour éviter les pertes. C’est malheureusement difficile à appliquer sur céréales à pailles. L’enfouissement est toutefois possible sur cultures de printemps à écartement large semées en ligne, comme le maïs. La pratique est mise en œuvre depuis longtemps dans le Sud-Ouest.

Le constructeur allemand Rauch développe même un épandeur qui épand et enfouit en même temps : s’appuyant sur la méthode Cultan, ses ingénieurs ont mis au point un épandeur d’engrais minéral constitué de dents et d’injecteurs d’azote solide, qui injecte l’engrais en profondeur dans le sol (15-18 cm), entre les rangs de maïs. En conditions chaudes, sèches et venteuses, la technique, testée depuis 2017 en Alsace et en Allemagne, permet d’éviter des pertes de l’ordre de 28 % par rapport à l’épandage d’urée classique. Mais pour l’instant, l’outil n’est pas commercialisé en France.

L’ammoniac, une menace sanitaire

L’ammoniac participe activement à la pollution de l’air et notamment à la formation de particules. Or l’agriculture est responsable à plus de 90 % des émissions d’ammoniac, lesquelles contribuent aux pluies acides, à l’acidification des sols et à l’acidification des cours d’eau. L’ammoniac est également un précurseur d’autres polluants, comme les particules fines. La maîtrise de la volatilisation de l’ammoniac constitue également un enjeu sanitaire, car c’est un irritant pour la peau, les muqueuses, les voies respiratoires et les yeux.

Santé Publique France estime que la pollution atmosphérique a entraîné 48 000 décès prématurés en 2016 et pèse sur l’espérance de vie à raison de 10 à 15 mois en ville et de 9 mois à la campagne. D’où les directives européennes contraignantes sur la qualité de l’air et le plan Prepa (Plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques) mis en œuvre par l’État, dont la révision sera soumise à consultation publique dans le courant 2022.

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