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Oléagineux
En France, les débouchés non alimentaires soutiennent la trituration

Ces dix dernières années, la montée en puissance des usages non alimentaires d´huiles végétales a modifié le paysage industriel et contribué à stabiliser les marchés.


La trituration française transformait 2,4 millions de tonnes de graines oléagineuses en 1991. Dix ans plus tard, ses capacités sont passées à 3,1 millions de tonnes. L´environnement porteur de la demande soutenue en huiles sur le marché mondial n´est pas étranger à cette progression. Mais il n´en est pas le facteur déterminant. L´offre mondiale d´huiles végétales fut dominée par le soja et le palme. Le principal moteur du développement de la filière française reste celui des débouchés non alimentaires.

Progression des surfaces d´oléagineux sur jachère
Les surfaces d´oléagineux sur jachère, qui fournissent la matière première à ces nouveaux débouchés, ont progressé de 60 500 en 1993 à près de 400 000 ha en 2000. Dans le même temps la production de diester, de 10 000 t. en 1993, s´est hissée aux alentours de 300 000 t. en 2001. Soit, près de 700 000 à 800 000 t. de graines de colza qui passent au préalable par la trituration. «Aujourd´hui, le colza industriel représente plus de la moitié des volumes de colza triturés en France. Et, alors qu´elles représentaient en moyenne 200 000 t. par an, nos exportations d´huile de colza sont tombées à zéro», indique Alain Brinon, directeur général de Saipol.
A l´échelon industriel, l´implication financière des producteurs d´oléoprotéagineux a été décisive sur la montée en puissance des débouchés non alimentaires. En premier lieu parce que la filiale de Sofiprotéol (établissement financier de la filière) Diester Industrie est propriétaire des deux principales usines d´estérification française et commercialise les huiles végétales et leurs esters sur ces créneaux. Mais aussi grâce aux fortes participations de Sofiproteol dans l´industrie de la trituration par l´intermédiaire de Saipol(1).

Débouchés locaux et réduction des coûts logistiques
Propriétaire de six unités industrielles, Saipol détient une capacité de trituration de deux millions de tonnes, essentiellement en colza et tournesol, sur les trois millions de tonnes de capacités disponibles dans les usines françaises. « Notre dernier site créé à Grand-Couronne dans le port de Rouen a suivi la montée en puissance du diester. Cette unité avait une capacité de trituration de 300 000 tonnes en 1993, dédiée à 60 % au colza et à 40 % au tournesol. A l´époque, hormis les tourteaux, ses principaux débouchés étaient l´exportation pour l´huile de colza et la consommation intérieure pour l´huile de tournesol. Aujourd´hui ce site triture 750 000 tonnes, exclusivement de graines de colza, qui produisent 350 000 tonnes d´huile ; 250 000 tonnes sont estérifiées dans l´usine voisine implantée sur le même site depuis 1995 et 100 000 tonnes sont raffinées et destinées à l´alimentation humaine », explique Alain Brinon.

Sur le plan industriel, l´incidence de la filière biocarburant s´est traduite par une spécialisation des sites que le partenariat Sofiprotéol-Cereol au sein de Saipol a facilité. C´est un atout de taille pour la filière en termes de compétitivité et de réponse à la segmentation des marchés. « Nous avons mis en ouvre une stratégie industrielle et logistique qui privilégie les usines portuaires ou situées au cour des zones de production de graines ou de consommation de tourteaux. Dans ce cadre nous avons aussi constitué des sites intégrés comprenant trituration, raffinage et estérification ou conditionnement. La localisation du site de Rouen en particulier a permis d´accroître notre taille industrielle, tout en conservant des débouchés proches (pétroliers dans la zone portuaire, proximité de la Bretagne pour les tourteaux). Il en résulte des coûts de production et de logistique très optimisés. A côté, nos sites de plus petit taille facilitent la spécialisation sur certains créneaux comme le colza érucique à Dieppe ou le tournesol oléique à Lezoux. »

La régularité dans l´offre de tourteaux soutient leur prix
Les débouchés non alimentaires ont induit des effets positifs sur les marchés. Sur celui des protéines végétales, tout d´abord, où la nécessité d´approvisionner les pétroliers toute l´année en diester a généré une régularité dans la production de tourteaux.
« Avant, la totalité des disponibilités dépendait de la demande en huile sur laquelle les triturateurs calaient leur production. La production régulière de diester a permis de limiter les à-coups dans l´offre de tourteaux car cette part de la trituration est peu liée à la volatilité de la demande en huile », explique Alain Brinon. « On évalue l´incidence de ce lissage de l´offre en tourteaux à une hausse de 5 à 10 % sur leur prix », assure-t-il.
Sur le marché des huiles en lui-même, la substitution de nos exportations d´huile de colza par une transformation en diester utilisé sur le marché domestique a renforcé les cours. «Auparavant nous vendions nos excédents sur l´Afrique du Nord, en pratiquant le plus souvent des prix cassés pour nous aligner sur la concurrence américaine ou canadienne.

En clair, il fallait vendre moins cher que le cours de Rotterdam qui constitue la référence de notre zone géographique. L´effet était désastreux vis-à-vis de nos acheteurs sur le marché intérieur. Ces derniers demandaient pourquoi nous vendions moins cher ailleurs », poursuit Alain Brinon.
Les marchés alimentaires et biocarburants sont relativement indépendants pour plusieurs raisons. Les surfaces réservées au colza industriel ne concernent aujourd´hui que la jachère. La défiscalisation liée à l´incorporation de diester s´applique dans le cadre de volumes bénéficiant d´un agrément des Pouvoirs publics. Enfin, la filière diester est organisée autour d´un partenariat étroit avec les pétroliers de sorte de fournir un produit qui soit à parité de prix avec le gazole. Néanmoins, les prix de la matière première pour ces deux marchés se rejoignent « et l´on s´achemine vers un marché global pour les graines qui est de plus en plus soutenu par la filière diester », estime Alain Brinon. D´autant plus que les perpectives de développement du diester nécessiteront de cultiver du colza industriel hors jachère.

Mais pour l´heure, les surfaces consacrées aux oléagineux reculent. « En colza, la variable est le rapport de rentabilité avec le blé. Puisque l´aide directe est désormais la même, il faut miser sur la progression des rendements et mener de gros efforts de recherche génétique. Si on gagne sept à huit quintaux, les agriculteurs garderont une place pour le colza. Les débouchés sont porteurs et il bénéficie de son origine non OGM », considère-t-il. « En revanche, la production de tournesol restera plus volatile. Les surfaces dépendent des emblavements d´hiver et il s´agit d´un marché dont les cours dépendent des récoltes russes, ukrainiennes et argentines. Ces pays connaissent des écarts de production importants et sont des acteurs majeurs du marché mondial. »
Mais aux yeux d´Alain Brinon, la pérennité d´un outil industriel en France et en Europe reste très liée à une production locale de graines « Car il est moins coûteux de transporter un produit fini qu´une matière première ».




(1) Spécialisée dans la transformation de graines oléagineuses et le raffinage d´huiles, cette société est une structure commune entre Soprol (66,6 %), holding industrielle contrôlée par Sofiprotéol et des organismes de collecte, et Cereol (marque Lesieur).



Cet article est extrait du dossier &quote;Oléopro&quote; de Réussir Céréales Grandes Cultures du mois de mai : 34 pages sur les enjeux , innovations, débouchés et perspectives des oléagineux et protéagineux en France et dans le monde.




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