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Des variétés de colza capables de mieux optimiser l’azote disponible

Avec deux nouveaux hybrides, le semencier Limagrain remet au goût du jour le comportement de certains colzas en situation limitante en azote. D’autres semenciers, le Geves et l’Inra ont travaillé cette question qui intéresse les agriculteurs et une filière : la production de biodiesel à basses émissions de gaz à effet de serre.

Les variétés de colza peuvent être différenciées sur leur efficacité d'absorption de l'azote. Deux nouveautés sont présentées avec ce caractère pour les prochains semis. © C. Gloria
Les variétés de colza peuvent être différenciées sur leur efficacité d'absorption de l'azote. Deux nouveautés sont présentées avec ce caractère pour les prochains semis.
© C. Gloria

Une part de l’azote du sol se perd sans être absorbée par les cultures. En cause : des conditions climatiques défavorables à son assimilation ou des apports non réalisés au moment opportun. Pour atténuer ces effets néfastes aux productions, le semencier Limagrain propose, pour les prochains semis, deux variétés qui « embarquent une capacité génétique à optimiser l’azote disponible durant leur cycle végétatif ». Ces obtentions, LG Ambassador et LG Aviron, introduisent une nouvelle catégorie de variétés dites N-Flex.

« Par rapport à des hybrides classiques, ces colzas montrent une meilleure régularité de rendement en conditions de fertilisation azotée optimale et non optimale, présente François Jansseune, chef produit colza LG. Autrement dit, ces variétés tolèrent mieux des manques ponctuels d’azote. Au fil des années, nous rencontrons rarement une belle régularité climatique permettant une bonne absorption d’azote. »

Les dernières années en témoignent en effet. Un temps humide en sortie d’hiver empêche une bonne localisation de l’apport. Au printemps, un temps sec peut réduire la dissolution et la disponibilité de l’engrais, tandis que le froid minimise la minéralisation. Le pilotage de l’azote est délicat pour répondre au mieux aux besoins de la culture. Les deux hybrides N-Flex de Limagrain montrent des résultats supérieurs aux variétés de référence aussi bien en situation d’apport azoté optimal qu’en fourniture limitée selon les essais réalisés par la firme.

Résilience génétique face au manque d’azote

« Au niveau environnemental, la variabilité des conditions climatiques est de plus en plus forte, observe Jean-Éric Dheu, responsable de la sélection du colza pour l’Europe de l’Ouest chez Limagrain. Cela nous a conduits à regarder comment l’azote était valorisé dans ces conditions et voir quelle pouvait être la réponse génétique. Nous avons essayé d’identifier du matériel génétique plus résilient vis-à-vis de la disponibilité en azote réduite. Nous avons monté à l’échelle européenne un protocole commun d’expérimentations avec des parcelles testées sur des apports d’azote classique et fortement réduit. C’est ainsi que nous avons pu sélectionner des variétés performantes. »

Cette recherche ne s’est pas limitée à Limagrain. Quelques années auparavant, le semencier Dekalb proposait un profil similaire pour certaines de ses variétés de colza. « Nous avons à la gamme actuellement deux variétés DK Exception et DK Exentiel, qui ont été identifiées comme ayant un comportement plus stable entre de hauts et de bas niveaux d’azote comparées à des variétés classiques », précise Samuel Baillarger, du service développement colza chez Bayer-Dekalb. Dans sa fiche de présentation, DK Exentiel est présentée comme valorisant au mieux l’azote : « que la quantité d’azote soit optimisée ou limitée, l’hybride met en place le maximum de potentiel ». Syngenta Seeds, RAGT Semences, Euralis Semences, KWS Momont… les autres semenciers ne mettent pas en avant ce type de caractère pour leurs variétés.

Un marché pour les biocarburants à bas GES en Europe

Que pense l’institut technique Terres Inovia en charge du colza de la pertinence de telles variétés « optimisant l’azote » ? « Nous allons devoir nous intéresser à ce sujet. Nous n’avons pas mis en place d’essais spécifiques pour démontrer un comportement variétal vis-à-vis d’une moindre dépendance à l’azote. C’est assez lourd à mettre en œuvre mais nous travaillons à la méthode et nous prévoyons de tels essais, peut-être dès l’an prochain, annonce Arnaud Van Boxsom, responsable de l’évaluation des variétés à Terres Inovia. Avec le changement climatique, il y a de plus en plus de phases où l’alimentation azotée n’est pas optimale. Dans ce contexte, la robustesse de certaines variétés peut faire la différence par rapport à des phases de sécheresse où l’assimilation de l’azote est réduite. Par ailleurs, le colza à bas niveau d’intrants se développe avec, en plus, un début de valorisation en filière avec la production de colza à bas GES [gaz à effet de serre]. »

Cette dernière évolution risque de peser dans les années à venir avec la demande en biocarburant, même si, actuellement, les cours très bas du pétrole ne plaident pas en sa faveur. « Il existe déjà un marché pour les biocarburants à bas niveau de GES en Allemagne et en Suède où il y a des objectifs de diminution de ces GES, informe Francis Flénet, responsable du département agronomie, économie et environnement à Terres Inovia. En France, des organismes comme la société Saipol ou la coopérative Axéréal mettent en place de telles filières avec, à la clé, des prix qui doivent être plus rémunérateurs pour la production de graines de colza. Parmi les intrants sur colza, l’azote représente à lui seul près de 90 % des émissions de GES… » Le développement européen de filières de biocarburant à bas GES intéresse au premier chef les sélectionneurs dont les variétés sont commercialisées dans les différents pays du Vieux Continent.

Des variétés pas prévues pour réduire les apports azotés

Chez Axéréal, Pierre du Peyroux, responsable de marché, attend de variétés comme celles que Limagrain propose qu’elles puissent permettre d’enlever 30 unités d’azote tout en assurant un bon rendement. Mais Limagrain ne préconise pas une diminution d’apports d’azote sur ses variétés N-Flex. « Ces variétés doivent être perçues comme un facteur de stabilité de rendement pour l’agriculteur avec une plus grande préservation de production en contexte limitant en azote. Dans des contraintes imposées par le milieu pédoclimatique, nos variétés N-Flex généreront plus de rendement que des variétés classiques et produiront donc un meilleur bilan en GES de la culture qu’une variété qui n’aura pas bien valorisé l’azote », précise Jean-Éric Dheu.

« Si l’azote apporté au sol est un important émetteur de GES parmi les intrants, ce n’est pas le principal facteur sur lequel on peut peser pour produire un colza à bas GES, explique Francis Flénet. Cette culture peut être conduite dans un système permettant de stocker le carbone dans le sol, à savoir avec un travail minimum du sol et des restitutions organiques au sol (résidus de culture, couverts, effluents…). » C’est ce qui sera mis en avant dans les filières bas GES. « Dans notre filière bas GES, nous proposerons tout un package pour améliorer le bilan en GES pas seulement axé sur les variétés », confirme Pierre du Peyroux.

Terres Inovia enregistre toujours une augmentation moyenne de la fourniture azotée, au-delà des réels besoins de la culture et pas en rapport avec les rendements moyens à l’hectare de ces dernières années. L’enjeu de la réduction des apports azotés est réel, avec une efficacité qui dépasse le cadre du simple comportement variétal. Elle passe par un pilotage au plus près des besoins, en dépit de conditions climatiques changeantes et souvent extrêmes.

EN CHIFFRES

Dekalb perd sa place de leader en parts de marché

Ventes de semences de colza certifiées : 24,1 % Limagrain, 23,7 % Dekalb (Bayer), 17,3 % KWS Momont, 11,5 % Euralis Semences, 6,6 % RAGT Semences…

Plus de 50 % du marché est occupé par des variétés présentant la résistance au virus TuYV (partielle).

1,05 million d’hectares de colza cette campagne en France, soit - 15 % en un an.

En Europe, les surfaces ont également baissé de 15 % en un an.

Des rendements supérieurs en situation azotée optimale ou réduite

Des variétés de colza optimisent mieux l’azote disponible que d’autres. Dekalb avait mis en avant ce caractère chez certaines de ses variétés il y a quelques années. Limagrain propose deux nouvelles variétés avec cette capacité pour les prochains semis.

À dose d’azote limitée, l’hybride N-Flex de Limagrain montre un gain de rendement de 108 % par rapport à celui de l’ensemble des variétés testées dans l’essai (2 témoins officiels et 3 variétés de référence) selon les propres essais de la société. (34 q/ha de rendement pour la moyenne de toutes les variétés).

À dose d’azote optimale, l’hybride N-Flex garde un rendement supérieur à celui des autres variétés de l’essai (104,2 %, avec 40,9 q/ha de rendement sur tout l’essai).

AVIS D’EXPERT - Patrick Bagot, secrétaire section technique CTPS colza et autres crucifères au Geves

« Une limitation d’azote prise en compte à l’inscription variétale »

« Depuis huit ans, les variétés inscrites en France sont testées sur des niveaux d’azote réduits pour leur inscription. En colza, la partie environnementale de la mesure de la VATE (valeur agronomique, technique et environnementale) s’identifie à l’azote. Depuis 2012-2013, les variétés à l’inscription sont ainsi testées sur des conditions un peu limitantes en azote, à savoir un optimum de fertilisation auquel on retranche 40 unités. Cela signifie que les variétés inscrites en France sont des inscriptions qui se comportent bien en situation limitante en azote. Nous apportons en outre aux obtenteurs la possibilité de faire reconnaître des variétés qui montreraient un stress particulièrement limité en situation d’azote limitante avec un protocole de test spécifique comportant des essais sur plusieurs doses d’azote… Mais aucun semencier n’a déposé de telles obtentions pour le moment. »

Un trio de tête prometteur dans les nouvelles variétés

« De nouvelles variétés inscrites en 2018 apparaissent productives dans notre réseau d’essais de la campagne passée. Nous avons un trio de tête avec ES Capello (Euralis Semences), Cadran (RAGT Semences) et LG Acropole (Limagrain). Avec un résultat à plus de 106 % dans le regroupement national, ES Capello est très prometteuse pour une première année de culture, remarque Arnaud Van Boxsom, Terres Inovia. Dans les regroupements régionaux, la variété s’est montrée performante partout, sauf dans le Sud. Cadran (104,5) a également de très bons résultats. Elle montre une bonne vigueur à l’automne mais attention à l’élongation automnale. » LG Acropole (104,4) arrive juste derrière en termes de résultats sur le regroupement national Terres Inovia. « Elle a un petit point faible sur le phoma avec un classement sensible à confirmer », signale Arnaud Van Boxsom. D’autres variétés inscrites en 2018 montrent des niveaux aux alentours de 102 comme Allesandro KWS, Addition, Feliciano, SY Mateo ou LG Amplitude. Certaines montrent une forte variabilité de résultats entre régions. Enfin, les valeurs sûres que sont Temptation et LG Architect inscrites les années précédentes tiennent encore la route après deux à trois ans d’inscription. La durée de vie d’une variété de colza est dorénavant de l’ordre de trois ans.

Quant aux nouvelles variétés inscrites en 2019 en France, leur nombre s’élève à dix-huit dont treize hybrides classiques. Sept d’entre eux présentent le caractère de résistance partielle au TuYV et deux dépassent 108 en cotation CTPS : LG Aviron (Limagrain) et Tempo (RAGT Semences).

Rapsodyn améliore les connaissances sur le colza et l’azote

La préoccupation de l’azote chez le colza et en particulier dans sa génétique atteint même l’Inra avec le programme de recherche Rapsodyn. Diverses ressources génétiques ont été testées sur leur comportement à l’azote. Des gènes ou régions génétiques impliqués dans l’efficacité d’utilisation de l’azote ont été identifiés. Des méthodes et outils (marqueurs moléculaires, phénotypage…) ont été développés pour accompagner les programmes de sélection de variétés se comportant mieux en situation de stress azoté. Les semenciers partenaires ont intégré ces outils et connaissances dans leurs programmes de sélection mais les retombées pour des obtentions variétales plus performantes dans la gestion de l’azote devraient attendre encore plusieurs années. Démarré en 2012 pour prendre fin en 2019, Rapsodyn a été prolongé jusqu’à la fin de l’année.

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