Entre céréales et colza
Des herbicides un peu trop rémanents
Entre céréales et colza
Dans le désherbage des céréales, les sulfonylurées
sont omniprésentes. Dans les rotations culturales, les colzas
se montrent sensibles à ces produits très rémanents.
sont omniprésentes. Dans les rotations culturales, les colzas
se montrent sensibles à ces produits très rémanents.
«Les dégâts sont significatifs. Ce n´est pas de l´esbroufe. » Frank Duroueix est catégorique quand il évoque la phytotoxicité sur colza d´herbicides utilisés sur un précédent céréales. « Le produit Attribut s´est montré très agressif. Appliqué au printemps sur céréales, l´impact sur colza pouvait se traduire par des manques à la levée, par des plantes rachitiques. Des parcelles entières ont dû être retournées », rapporte l´ingénieur régional Gers-Aquitaine du Cetiom, chargé des dossiers évaluation herbicides et fongicides au sein de l´institut. Depuis, Bayer Crop-
Science qui commercialise ce produit, a pris des dispositions sur l´utilisation d´Attribut pour éviter les incidences négatives sur colza.
Avec le colza comme principal représentant en cultures, les plantes classées parmi les crucifères se montrent particulièrement sensibles aux herbicides de la famille des inhibiteurs de l´ALS(1). Cette famille comporte principalement les sulfonylurées mais également l´imazaméthabenz-méthyl (Assert 300.), le propoxycarbazone-sodium (At-tribut), le florasulam.
Or, la place des sulfonylurées sur céréales est devenue dominante en quelques années avec l´avènement de produits efficaces (Archipel, Atlantis/Absolu, Monitor, Hussar OF, Allié.). « Les inhibiteurs de l´ALS se lessivent assez peu dans le sol. Que ce soit à l´automne 2003 ou en 2004, nous avons rencontré des problèmes de rémanence de ce type de produit dans les sols en dépit de conditions climatiques différentes entre les deux campagnes », remarque Frank Duroueix.
Méfiance pour les prochains semis de colza
« En 2003, la pluviométrie s´était montrée assez bonne à l´automne. Mais la sécheresse avait été si importante précédemment que les produits herbicides avaient été très peu dégradés entre leur application au printemps et le semis de colza. Nous avions enregistré des pertes à la levée, notamment dans les sols calcaires superficiels, peu profonds. En 2004, les pluies furent très limitées après les pulvérisations de sortie-hiver/printemps. Les molécules sont restées en surface avec très peu de dégradation. Après une sécheresse en juin et juillet, les pluies ont repris avec des orages qui ont réactivé la dégradation par les micro-organismes du sol. Mais au semis, il y avait encore des reliquats de produits qui ont posé problème. » Pour cette année, l´ingénieur du Cetiom ne se montre « pas complètement confiant ». « Les interventions ont été tardives en post-levée des céréales et la pluviométrie n´a pas été particulièrement abondante. » Méfiance donc pour les prochains semis de colza.
Les sulfonylurées sont dégradées dans le sol par diverses voies, en majeure partie par les micro-organismes et par hydrolyse. Une pluviométrie et une température assez élevées auront pour effet d´activer cette dégradation. En conditions de pluies limitantes entre les pulvérisations de sulfonylurée sur céréales et le semis de colza, le risque de phytotoxicité est fort. « Avec le travail superficiel du sol, on augmente le risque », constate Frank Duroueix.
L´efficacité herbicide passe avant tout
« Dans les situations à risques, on peut intervenir en interculture. Un déchaumage par exemple aura pour effet d´apporter un peu de fraîcheur sur de la terre émiettée et donc une certaine humidité favorable à la dégradation des molécules phytosanitaires. Un travail du sol sur 10-15 cm de profondeur en préparation du semis garantira une meilleure vigueur au départ du colza. Celui sera moins en contact avec la molécule en s´enracinant rapidement en profondeur. De plus, un colza vigoureux détoxifiera mieux les éventuels reliquats herbicides. En fait, il faut éviter que le colza ne végète. »
Conseiller agricole à la Chambre d´agriculture d´Ile-de-France, Christophe Daullé remarque qu´un colza semé précocément aura plus de temps pour détoxifier les molécules herbicides. « Ces colzas ont le temps de reprendre de la vigueur avant l´hiver, juge-t-il. Avec des semis tardifs de colza, on prend plus de risques. » Pour Bernard Couloume, responsable technique filière céréale de Bayer CropScience, « au contraire, ces semis précoces peuvent se situer trop près des applications herbicides de sortie d´hiver ou de printemps sur céréales et donc exposer les colzas à plus de risques de phytotoxicité. Un risque qui, selon lui, ne survient que s´il y a eu des conditions sèches entre l´application et le semis. »
Dans le secteur que suit Christophe Daullé, les agriculteurs n´ont pas d´autres choix que d´utiliser des sulfonylurées pour lutter contre des graminées envahissantes telles que les bromes, les vulpins. « Au regard de l´efficacité qu´apportent ces produits sur céréales, les problèmes de phytotoxicité sur colza apparaissent mineurs. Ils sont visibles surtout sur les croisements de pulvérisations. Il peut y avoir un blocage de la levée mais ce symptôme est passager et il ne me paraît pas avoir d´incidence sur le rendement final. » Des propos rassurants mais qui montrent les possibilités limitées de désherbage de certaines adventices sur céréales.
(1) Acétolactate synthase.
A éviter : Attribut et colza ne font pas bon ménage
Parmi les herbicides classés inhibiteurs de l´ALS, Attribut (propoxycarbazone-sodium) a été particulièrement montré du doigt dans les cas de phytotoxicité sur colza. A tel point que la société Bayer Crop-Science qui le commercialise a revu ses préconisations « pour déconseiller la culture de colza après une céréale ayant reçu ce produit. Ou pour s´interdire d´utiliser Attribut sur céréales si l´on a prévu de faire un colza derrière, précise Bernard Couloume, responsable technique filière céréales. Attribut est un herbicide homologué pour être utilisé entre les stades
`3 feuilles´ et `fin tallage´ des céréales, ce qui veut dire des applications de janvier à mars. En aucun cas, le produit n´est autorisé à l´automne », tient à préciser Bernard Couloume alors que ce genre d´application se pratique dans les campagnes. Pour autant, Bayer CropScience mène des études sur cette période de traitement pour l´ajouter aux autorisations sur Attribut. Mais cela demande la constitution d´un dossier d´homologation avec ce que cela implique en termes de coût et de temps.
Visibles au champ : Des symptômes caractéristiques
Pertes de pieds, cotylédons disproportionnés, réduction de l´apex voire atrophie, arrêt de croissance plus ou moins long : les symptômes de phytotoxicités des sulfonylurées sur colza à l´automne sont caractéristiques.
En cas de symptômes durables, il peut apparaître des nécroses partielles du pivot, un enracinement réduit ou une ré-émission d´un chevelu racinaire. Les arrières-effets herbicides peuvent perdurer jusqu´au printemps en situations extrêmes avec des retards de développement de deux à trois semaines, un faible développement végétatif, un manque de fertilité traduite par l´avortement de boutons ou l´atrophie de siliques.
« Ces symptômes avaient été rencontrés au printemps 2004 sur certaines zones de parcelles comme des affleurements calcaires et en situation de travail sans labour », précise Frank Duroueix, Cetiom.