Fertilisation
Bien évaluer l’azote restitué par l’interculture
L’utilisation des couverts végétaux d’interculture se diversifie et l’un de leur intérêt demeure l’azote restitué à la culture suivante. La méthode Merci permet de bien le mesurer pour en tirer le meilleur parti.
L’utilisation des couverts végétaux d’interculture se diversifie et l’un de leur intérêt demeure l’azote restitué à la culture suivante. La méthode Merci permet de bien le mesurer pour en tirer le meilleur parti.
Une facture en engrais azoté réduite de moitié ! « En 2018, sur mes champs de maïs en monoculture qui comprenaient la plus grande antériorité d’utilisation de féverole en couvert d’interculture, j’ai diminué mes apports de 150 unités d’azote à l’hectare, annonce Daniel Philippe, maïsiculteur à Saint-Antoine-sur-l’Isle, en Gironde. Il n’y a pas eu d’incidence négative sur mes rendements (??? q/ha) sachant que les besoins de la plante sont de 300 unités sur mes parcelles qui sont irriguées. L’économie sur les engrais s’élève à un peu plus de 100 euros de l’hectare. » L’agriculteur ne s’en cache pas : au-delà de l’enjeu environnemental, il recherche un intérêt économique à l’utilisation d’un couvert d’interculture. « Je ne veux pas que cela me coûte et au contraire, que cela puisse me rapporter de l’argent. » Sur ses monocultures de maïs, le couvert d’interculture constitue une obligation administrative depuis quelques années. L’agriculteur utilise quasi exclusivement de la féverole, « car c’est rentable et parce que c’est l’une des rares plantes qui pousse dix jours après une récolte de maïs, courant octobre. » En 2018, avec de bonnes conditions météorologiques, la récolte du maïs a été précoce et les derniers couverts ont été semés le 13 octobre.
Trouver jusqu’où aller dans la réduction d’azote apporté
Avec un conseiller de la chambre d’agriculture de Gironde, Daniel Philippe s’est formé à la méthode Merci (1) pour évaluer les restitutions d’azote par les couverts à la culture suivante. Il l’utilise chaque année. En 2018, des féveroles ont souffert d’excès d’eau et l’azote apporté par ce couvert a été évalué à 60 unités/ha. « Mais en 2016, certaines m’ont fourni jusqu’à 100 unités/ha. Cet azote est disponible environ trois mois après destruction des féveroles juste avant les semis de maïs irrigués où sa minéralisation fonctionne tout l’été, ce qui ne serait pas le cas pour une culture en sec », précise Daniel Philippe. L’agriculteur mène ses propres essais sur les effets du couvert, pour voir jusqu’où aller dans la réduction des apports d’engrais azotés. Il remarque qu’une part de l’azote du couvert n’est pas disponible pour les cultures dans les mois qui suivent et qu’il se cumule d’année en année. Des essais ont montré qu’après une féverole utilisée en interculture quatre années de suite, on pouvait réduire de 150 unités la fertilisation du maïs tout en préservant les rendements.
Agriculteur au Plessis-Placy (Seine-et-Marne), Olivier Garnier utilise également la méthode Merci, mais dans une situation nettement différente de l’exploitation de Daniel Philippe. Les espèces cultivées sont diversifiées, y compris dans les cultures intermédiaires. Ces dernières sont un élément fondamental dans la réussite de son passage en agriculture de conservation des sols (ACS).
Une mesure à l’entrée de l’hiver quand le couvert a arrêté sa croissance
« Avec l’ACS, on augmente la taille du réservoir d’azote », explique Olivier Garnier. Autrement dit, l’ACS a besoin de davantage d’azote que l’agriculture conventionnelle, au moins dans les premières années de mise en place. Cet azote est apporté en partie par les couverts d’interculture. « Au début de son utilisation, la méthode Merci m’a permis d’évaluer l’azote que mes couverts restituaient à la culture suivante. Maintenant, je l’utilise pour confirmer ou préciser mes propres évaluations que j’estime selon l’importance que les légumineuses ont prise en biomasse dans le couvert, » souligne-t-il. Fin novembre dernier, le couvert ne devant plus se développer, l’agriculteur a effectué sa mesure : 40 unités d’azotes profiteront au printemps à la culture suivante. L’exploitant suit ensuite l’azote au plus près avec des mesures de reliquats de sortie d’hiver, les bandes double densité, des mesures N-tester… À la suite d’un couvert d’interculture longue, il peut y avoir des économies d’engrais à la clé. « Sur betteraves sucrières par exemple, j’ai déjà été amené à n’apporter que 15 unités d’azote au total en fertilisation. »
Olivier Garnier ne recherche pas que l’économie d’engrais avec ses couverts, loin s’en faut. « Les deux objectifs principaux étaient de limiter la battance de mes sols (limons avec un taux faible d’argile) et d’augmenter leur taux de matière organique, descendu très bas. Le couvert restructure le sol. Il permet de diminuer aussi le pH avec la vie biologique qu’il génère. C’est très utile pour mes parcelles dont le pH a atteint 8,5 pour certaines, ce qui entraîne le blocage d’éléments comme le phosphore. » Le couvert remobilise les éléments nutritifs du sol pour le bien des cultures.
(1) Méthode d’estimation des restitutions par les cultures intermédiairesEN CHIFFRES
Monoculture chez Daniel Philippe
EARL du Roc à Saint-Antoine-sur-l’Isle (Gironde)
153 hectares de surface agricole dont 145 de maïs irrigué
En non labour depuis 1988 : travail superficiel entre 10 et 25 cm du sol
Féverole en interculture semée à 130 kg/ha à la volée avec épandeur, puis enfouissement des graines avec passage d’outils à disques et à dents
30 €/ha de coût de semences achetées de féverole (mais une bonne partie produite à la ferme) et 15 à 20 €/ha pour le passage d’outils (semis + enfouissement)
EN CHIFFRES
Diversité d’espèces chez Olivier Garnier
Ferme du pré au Plessis-Placy (Seine-et-Marne)
170 hectares : 85-90 de blé tendre, 30 de betterave sucrière, 16 de colza, 14 de tournesol, 12 d’orge de printemps, 6 de pois fourrager, 5 de féverole, 4 de féverole + vesce
Entre 8 et 10 espèces dans le couvert d’interculture longue : phacélie, vesce, lin, pois fourrager, féverole, sorgho, trèfle d’Alexandrie ou incarnat, moutarde d’Abyssinie, avoine rude (coût des semences entre 35 et 65 €/ha)