Agriculture bas carbone : « La mise en œuvre de pratiques basiques coûte au minimum 50 €/ha/an »
Étienne Lapierre est responsable innovation de Terrasolis. Il revient sur l’enjeu de l’accompagnement et l’opportunité que peut représenter l’agriculture bas carbone pour les agriculteurs.
Étienne Lapierre est responsable innovation de Terrasolis. Il revient sur l’enjeu de l’accompagnement et l’opportunité que peut représenter l’agriculture bas carbone pour les agriculteurs.
Pouvez-vous nous présenter Terrasolis ?
E. L. - Terrasolis est un pôle d’innovation, situé à proximité de Reims, créé par les organisations professionnelles agricoles du Grand Est – chambres d’agriculture, coopératives, négoces… – pour mener des essais système grandeur nature autour de l’enjeu du carbone en grandes cultures.
On travaille sur des sujets comme l’azote, les sols ou encore la méthanisation. Nous sommes installés sur une ancienne base militaire à proximité de Reims et travaillons avec les agriculteurs historiques du site qui continuent de produire au sein de notre ferme expérimentale.
Quels sont les travaux que vous menez concernant l’agriculture bas carbone ?
E. L. Nous réalisons des essais pluriannuels sur le site, mais aussi au-delà des murs du pôle. Nous avons notamment travaillé sur la problématique du financement de l’agriculture bas carbone en grandes cultures. L’étude s’est basée sur une centaine de diagnostics carbone réalisés sur des exploitations du Grand Est en 2022. On observe que nos fermes de grandes cultures ont un vrai potentiel d’amélioration concernant le carbone, que ce soit sur le volet diminution des émissions ou du côté du stockage.
Les crédits carbone sont-ils incitatifs pour massifier les changements de pratique ?
E. L. - Le gain potentiel moyen estimé dans le cadre de nos travaux s’élève à 0,7 tonne équivalent CO2 par hectare et par an. Si on fait le calcul sur cinq ans pour une ferme de 200 ha, cela représente 700 t de CO2 économisées. En face, on estime que le coût minimum pour mettre en œuvre des pratiques basiques, comme l’introduction de légumineuses dans les couverts, qui ne remettent pas totalement en cause le système, est de l’ordre de 50 €/ha/an. Si on met en place des pratiques d’agriculture régénératrice plus poussées, on peut vite monter à 90 ou 100 €/ha. Les crédits carbone ne payent pas les changements de pratique, mais selon les systèmes et les exploitations, cela peut s’avérer tout de même intéressant. Nous prônons le cumul des dispositifs d’aides tels que les primes filières et les crédits carbone pour permettre à ces pratiques de décoller. Certaines régions proposent aussi des MAEC bas carbone.
Quel est l’intérêt de s’engager dans cette voie ?
E. L. - Les agriculteurs qui se sont lancés s’accordent à le dire, les pratiques bas carbone présentent des cobénéfices réels à long terme pour la qualité des sols ou l’amélioration de l’autonomie sur la fertilisation azotée. Le diagnostic carbone initial, et le plan d’actions qui en découle, est une bonne porte d’entrée pour être accompagné dans des nouvelles pratiques.