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Grandes cultures : « J’ai réduit mes charges de 40 000 euros par an sur mon exploitation en Eure-et-Loir »

Ghislain de La Forge est agriculteur dans le Loiret. Il suit de très près les chiffres de son exploitation et met en place différentes stratégies pour que ses coûts de production soient cohérents avec le potentiel de ses parcelles.

<em class="placeholder">Ghislain de La Forge, jeune agriculteur installé depuis 2020 à Marsainvilliers, dans le Loiret, devant sa parcelle de blé</em>
Ghislain de La Forge, jeune agriculteur installé depuis 2020 à Marsainvilliers, dans le Loiret, cultive 188 hectares de grandes cultures.
© V. Charpenet

Jouer sur tous les tableaux pour réduire les charges de son exploitation et gagner en rentabilité. C’est la stratégie adoptée par Ghislain de La Forge, jeune agriculteur installé depuis 2020 à Marsainvilliers, dans le Loiret. Il connaît ses chiffres sur le bout des doigts et ne laisse rien au hasard dans un contexte où le climat et les cours mondiaux des céréales réservent chaque année leur lot de surprises.

Ghislain de La Forge cultive 188 hectares de grandes cultures sur un parcellaire rassemblé dans un rayon de 2 kilomètres autour de la ferme à cheval entre les bonnes terres typiques de la Beauce et une vallée sèche avec des terres plus caillouteuses. L’agriculteur est parvenu à réduire ses charges de 40 000 euros par an comparé à l’ancien système cultural en place avant son installation, les faisant passer de 320 000 euros en 2019 à 280 000 euros en 2024, malgré l’inflation.

Les charges de la SCEA de la Forge en baisse malgré l'inflation

Évolution des différents postes de charges entre 2019 et 2024 (en euros)
PostesCoût 2019Coût 2024Différence
Main-d’œuvre48 50033 200-15 300
Semences23 60022 450- 1 150
Fuel11 8506 970- 4 880
Engrais53 40049 800- 3 600
Phytosanitaires27 34022 680- 4 660
Mécanisation/Entretien21 30011 800- 9 500
Travaux par tiers5 1004 000- 1 100
Électricité13 5708 430- 5 140
Frais de gestion12 8005 275- 7 525
Assurances18 85025 450+ 6 600
Remboursement emprunt51 30046 200- 5 100
Frais bancaire4 65011 280+ 6630
Fermage35 10039 250+ 4 150
Total327 360286 785- 40 575
Économies réalisées 40 575 
 20192024 
Coût unité azote0,480,73 
Coût litre fuel0,5140,78 

 

L’agronomie est un des leviers actionné par l’agriculteur. Il s’emploie à limiter au maximum le travail du sol. « Les techniques culturales simplifiées sont mises en œuvre depuis longtemps sur l’exploitation, mais je cherche à aller plus loin », explique-t-il. Il est notamment passé au semis direct pour les cultures d’automne. Pour les semis de printemps, il compte tester le strip-till pour limiter les coûts d’implantation, la charge de travail et l’assèchement des terrains. Son objectif est, à terme, d’abandonner la charrue qu’il compte néanmoins conserver sur l’exploitation en cas de problématique de désherbage.

11 litres de gasoil par hectare pour les semis d’automne

Grâce à la réduction du travail du sol, les économies de carburant sont au rendez-vous. L’agriculteur indique consommer 11 litres de gasoil par hectare pour ses semis d’automne. Cette faible consommation de carburant s’explique aussi par la volonté de limiter les passages d’engins dans les champs. « N’importe quel matériel de travail du sol doit pouvoir semer, considère-t-il. On a besoin de variabilité dans les outils pour effectuer le moins de passages possible mais aussi s’adapter au type de sols, à la culture ou aux conditions climatiques. »

Ghislain de La Forge n’hésite pas à mettre les mains dans le cambouis pour faire des économies : il a adapté pas moins de 8 semoirs différents en autoconstruction. Deux sont en cours de modification afin d’être équipés du système Isobus. Il s’est également lancé dans la fabrication d’un semoir à dents réadapté sur un châssis de déchaumeur pour un coût de 3 200 euros. Il a investi en parallèle dans une trémie frontale Delimbe double distribution (4 000 euros) qu’il compte modifier lui-même pour en faire une double cuve.

250 euros de charges de mécanisation par hectare

Quant aux compétences à avoir en mécanique pour se lancer dans l’autoconstruction, il assure que de nombreuses ressources existent sur internet. Il conseille aussi de s’appuyer sur des entreprises locales de construction mécanique et sur son concessionnaire pour trouver des solutions personnalisées pour un coût très inférieur au matériel neuf.

Pour maîtriser ses charges de mécanisation, le parc matériel de l’exploitation est soit autoconstruit, soit d’occasion, sauf pour le tracteur de tête et le matériel d’irrigation. L’épandeur à engrais, la moissonneuse-batteuse et le pulvérisateur sont détenus en copropriété avec trois exploitations voisines pour travailler sur 400 hectares. Les charges de mécanisation de l’exploitation se chiffrent à 250 euros par hectare contre une moyenne de 500 euros par hectare dans son secteur.

Une bonne connaissance de ses sols pour optimiser les apports

La technologie vient aussi au secours de l’agriculteur dans sa quête de maîtrise des charges. Il pratique la modulation de doses intraparcellaire : « On a fait cartographier l’exploitation avec le système Precifield, complété par des analyses physico-chimiques des sols régulières. » Il se sert de ces données pour ajuster les densités de semences à l’hectare en fonction des types de sol. Pour la fertilisation azotée de ses céréales d’automne, il module aussi les apports et s’appuie sur le suivi satellitaire. « Les apports d’azote sont fractionnés en cinq fois pour être au plus près des besoins de la plante et des pluies », avance l’agriculteur qui assure « ne pas courir après le dernier quintal de rendement mais plutôt après la meilleure marge ».

La connaissance de ses sols a permis à Ghislain de La Forge d’abandonner la fumure de fond en phosphore et potassium (PK) et en magnésium. Elle est remplacée par un épandage annuel de micro-organismes (Bacteriosol de la société Sobac) dont il juge l’action très efficace et moins chère que la fertilisation de fond classique (134 €/ha/an).

Un assolement ajusté

Ghislain de La Forge a mené une réflexion concernant son assolement en abandonnant par exemple le colza et le tournesol qu’il ne juge pas rentables sur sa ferme (aléas climatiques, dégâts d’oiseaux). Il ne fait jamais de paille sur paille pour éviter les problématiques de désherbage et a fait le choix de ne cultiver que du blé améliorant, plus rémunérateur que le blé tendre classique. Il cultive aussi du sarrasin en culture dérobée sur 70 hectares. « Cette culture permet habituellement de dégager une marge de 280 euros par hectare, précise-t-il. Malheureusement, cette année, je n’ai pas pu récolter à cause des conditions météo pluvieuses. »

Miser sur l’irrigation de précision

Située sur le territoire de la nappe de Beauce, l’exploitation est irrigable sur toute sa surface. Elle est équipée de deux pivots d’irrigation classiques et d’un pivot doté de la solution VRI (Variable rate irrigation) de Lindsay qui lui permet de moduler l’irrigation en fonction du type de sol et des conditions météo. Il s’appuie aussi sur l’outil d’aide à la décision Net-irrig. « En 2023, ce pivot installé sur une parcelle de 34 hectares m’a permis de réaliser une économie d’eau de 40 % par rapport à un enrouleur », se félicite Ghislain de La Forge. L’investissement dans le pivot de précision s’élève à 3 000 euros par hectare, soit environ 105 000 euros au total (16 000 euros d’aides régionales). Les pivots couvrent 50 % de la surface cultivée ; le reste est géré avec des enrouleurs. Les champs sans pivot sont équipés de tuyaux enterrés avec un trou tous les 72 mètres afin d’éviter les pertes de charges qui entraînent une surconsommation d’eau et d’énergie.

Face à la volatilité, il sécurise aussi ses achats d’intrants. « Je fonctionne avec un stock glissant, il me reste toujours six mois de stock à la moisson, dévoile le chef d’exploitation. J’achète mes intrants en morte-saison entre mai et août pour l’année suivante. » Cela lui permet d’avoir connaissance de son coût de production le plus tôt possible et de suivre sa compétitivité tout au long de la campagne. L’agriculteur joue aussi la sécurité pour la vente de la récolte qui est réalisée en trois temps : un tiers avant la moisson, un tiers à la moisson et un tiers après. « Cela me permet de gérer le risque récolte et d’avoir la trésorerie nécessaire à l’été et à l’automne pour payer les intrants, les assurances ou encore les fermages. »

Fiche d’identité de l’exploitation

SCEA de la Forge (associé avec son père retraité et sa sœur non exploitante)

Installation en 2020

188 ha de grandes cultures, dont 55 de blé améliorant, 22 de blé dur, 28 d’orges brassicoles d’hiver et 20 de printemps, 30 de maïs, 10 de pomme de terre, 10 de betterave, 3 de soja, 4 de lentille, 3 de féverole, 1 de trèfle et sarrasin (70 ha de dérobées)

Charges d’emprunt : 244 €/ha (mécanisation : 133 €/ha ; bâtiment : 111 €/ha)

Annuités/EBE = 22 %

100 % de la surface irrigable (dont 50 % sous pivot)

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